L’hôtellerie mauricienne: L’égalité des chances oui mais…


Date: July 17, 2010
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Les femmes dans l’hôtellerie peuvent faire l’objet de commentaires désobligeants. Audrey Samba, 22 ans, employée dans un des plus grands hôtels de luxe de l’ile, explique que certaines personnes dans son entourage considèrent qu’elle mène une vie dissolue pour la bonne et simple raison qu’elle est en service de nuit parfois. «Parce que tu travailles Á  l’hôtel, on pense que tu es une fille facile, une Marie-couche-toi-lÁ . C’est une manière de penser qui me dégoute. Travailler la nuit ne fait pas de moi une fille aux mÅ“urs légères, pas plus que travailler de jour fait de n’importe quelle autre femme une sainte », s’insurge cette jeune femme.

A cause de cette attitude négative, Audrey ne parle plus Á  certains membres de sa famille. Samantha France, 22 ans également, a aussi été victime de préjugés mais sa chance est que son père travaille dans le même domaine. Employée dans un hôtel de luxe du nord de l’ile elle aussi, elle explique que les hommes et les femmes reçoivent presque le même traitement. A certains égards, les femmes ont peut-être même plus d’avantages que les hommes. Ce que la jeune femme ne voit pas forcement d’un bon Å“il. «Il faut que nous soyons tous traités de la même manière. Le problème est que les hommes pensent que les femmes sont mieux traités et qu’elles ont beaucoup plus d’avantages », explique Samantha.

Par exemple, très peu de femmes travaillent la nuit dans l’hôtel qui l’emploie. Résultat: les femmes gagnent moins en termes d’heures supplémentaires. «Ce n’est pas simplement le fait que la direction ne nous propose pas de travailler la nuit mais bon nombre de femmes ont peur d’assurer le service de nuit », explique Samantha.

Cassim, responsable dans un hôtel de Balaclava, au nord-ouest de l’île, confirme que certaines femmes ne sont pas prêtes Á  occuper n’importe quel poste. «J’ai travaillé en Angleterre huit ans avant de revenir Á  Maurice. LÁ -bas comme ici, il n’y a pas de différence dans le traitement des hommes et des femmes. La vraie différence ici se situe dans l’éducation des femmes Á  Maurice. Elles ont souvent peur de certains aspects du travail ou des responsabilités », confie-t-il.

Cassim explique que certaines femmes ne sont pas prêtes Á  avoir un poste de responsabilités tout simplement parce qu’elles ne sont responsables de rien en dehors du travail. «On apprend aux hommes dès leur jeune âge qu’ils doivent être responsables de leur famille, contrairement aux femmes », confie-t-il. Cette position de second couteau ne rend donc pas service aux femmes qui ont peur des responsabilités ou qui rechignent Á  travailler en dehors des horaires traditionnels.

Cassim confie toutefois que certaines femmes sortent de cet étau patriarcal et prouvent qu’elles sont toutes aussi compétentes que les hommes. «J’ai travaillé avec une femme il y a quelques années Á  Maurice. Elle était responsable de la réception Á  l’hôtel. Elle a eu Á  gérer plusieurs crises seule et a prouvé qu’elle pouvait travailler sous pression et n’avait pas peur de prendre de décisions importantes », affirme-t-il.

Toutefois, il se souvient aussi d’expériences moins concluantes avec des femmes Á  des postes de responsabilités, qui étaient incapables de prendre des décisions seules et se sentaient toujours obligées d’appeler leur supérieur.

Il serait certainement injuste d’associer l’incompétence et le sexe car selon tous nos interlocuteurs, autant d’hommes que de femmes occupent des postes de responsables dans l’hôtellerie. Mais l’argument de Cassim reste intéressant car il reflète qu’il existe encore une perception masculine Á  l’effet que rares sont les femmes qui sont capables d’occuper un poste de responsabilités.

Si les mêmes chances sont offerts Á  tous les employés, les perspectives de promotion sont minces du fait que le personnel fait carrière. «J’ai eu de la chance en quelque sorte », explique Krista, 24 ans. Responsable des mariages dans un hôtel de luxe Á  Balaclava, la jeune femme vient tout d’être promue Á  l’issue de la démission de sa supérieure. A 24 ans, il n’y a toutefois pas d’autres perspectives d’avancement pour elle dans un avenir proche. «Les responsables sont des gens qui ont des carrières de quinze ou vingt ans et il leur reste encore au moins dix ans avant la retraite. Je ne me vois pas attendre tout ce temps », confie-t-elle. Krista explique toutefois n’avoir pas été la cible de commentaires car ce poste est généralement occupé par des femmes. Cela n’a donc étonné personne qu’une jeune femme de 24 ans soit promue.

Audrey explique néanmoins que dans certains métiers de l’hôtellerie où il y a plus d’hommes, l’arrivée des femmes n’est pas très bien vue par les autres employés, même si la direction et les responsables ne nourrissent pas les mêmes préjugés. «En cuisine, c’est déjÁ  dur pour les hommes, mais pour les femmes, c’est pire. J’ai des amies qui n’ont pu supporter la pression. Elles se retrouvaient parfois seule femme parmi une vingtaine d’hommes. Parfois, elles prenaient des commentaires. Le pire est qu’elles préfèrent ne pas rapporter les agissements de leurs collègues car les hommes seront solidaires entre eux alors qu’elles risquent de perdre leur travail ou de voir leur quotidien se transformer en enfer », confie la jeune femme.

Si la cuisine semble être le pire des lieux dans l’hôtellerie pour les femmes, selon Audrey, même Samantha confie que son père ne voit pas d’un bon Å“il qu’elle travaille au bar. « Il refuse que je travaille au bar parce que c’est un monde d’hommes, mais je ne pense pas comme lui. Si un homme peut le faire, je peux le faire aussi », explique la jeune femme.

Officiellement donc, l’hôtellerie est un univers ouvert Á  tous et où l’égalité des chances est une réalité. Dans la pratique toutefois, c’est une autre paire de manches…

Vincent Potage est journaliste en freelance Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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