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Antananarivo, 30 novembre : Les élections se réfèrent généralement Á une bataille acharnée pour n’importe quel candidat, que ce soit Á la présidentielle, aux législatives, aux communales ou aux sénatoriales. Eva Ravaloriaka, maire de la commune urbaine de Manjakandriana, située Á 47 kilomètres de la capitale Antananarivo sur la route nationale 2 vers l’Est, s’est engagée dans cette lutte et elle en est sortie grande vainqueur.
Cette mère de famille s’est présentée aux communales pour la première fois en décembre 2007 dans la circonscription de Manjakandriana, qui était auparavant une commune rurale. Durant son premier mandat, sa conviction était d’aider les femmes Á sortir de leur mutisme, Á avoir le courage de prendre en main leur vie. «Souvent, les femmes elles-mêmes croient qu’elles n’arriveront jamais Á s’épanouir, qu’elles souffrent le martyre et il fallait changer cette image. J’ai la ferme conviction que chaque femme peut avoir sa place au soleil et s’épanouir, que la société peut entendre sa voix et pour y arriver, elle doit prendre sa part de responsabilités », argue-t-elle.
Agronome de formation, Eva Ravaloriaka a travaillé dans le secteur privé avant de choisir le développement local. «Les agents de la commune n’avaient pas l’habitude de travailler dans la régularité. J’ai dÁ» leur démontrer ce qu’est la rigueur et la discipline. Ils ne les ont pas supportées mais Á force de s’y familiariser, ils ont commencé Á comprendre la valeur et le sens de la fermeté et du règlement », poursuit-elle. S’inspirant d’elle, trois femmes ont suivi sa trace et président les fokontany de Manjakandriana, d’Ambohimahandry et d’Antsakambahiny. Trois autres suppléent aux chefs fokontany de Fiadanana, d’Anosimanarivo et d’Andranomangatsiaka.
Cette maire, qui aime le tact, sacrifie le luxe et vit dans la simplicité. Le combat qu’elle mène en faveur de l’éducation et la lutte contre la violence se poursuit. Elle a pu récupérer plusieurs enfants qui travaillaient comme domestiques et Á les réinsérer dans le système éducatif. La commune compte actuellement cinq collèges d’enseignement général dont quelques-uns dans les fokontany périphériques afin d’alléger le problème d’éloignement. Plusieurs associations de femmes, ainsi qu’un centre d’écoute et de conseil juridique ont été créées lesquels traitent des problèmes légaux et de droits conjugaux.
Lors des préparatifs des communales, Eva Ravaloriaka a souhaité se retirer de la course mais Á la demande de certains inscrits, elle s’est portée candidate sous la couleur Tiako i Madagasikara (TIM), parti d’opposition, en s’alignant avec trois autres candidats. A l’issue du vote, elle a pris la première place avec 49,21%.
«Tout est une question de confiance et son atout réside dans la bonne gouvernance. La commune n’a aucun arriéré, le salaire des agents est dÁ»ment payé et nous n’avons jamais connu de détournements de fond », soutient un agent de la commune, souhaitant garder l’anonymat.
Elle raconte comment elle s’est battue pour ce second mandat. «La concurrence a été dure sachant que les agents de tous les services techniques ont appuyé le candidat du régime actuel. Toutefois, je loue la bienveillance des électeurs qui ont eu l’esprit de discernement et pu raisonner en suivant leur logique », ajoute-t-elle. A travers cette victoire, elle veut passer deux messages. Le premier est sa vision qu’Á Manjakandriana, il n’y aura plus de femmes ayant les bras ballants. «Dans notre commune, nous faisons en sorte que les femmes puissent avoir leur autonomie, qu’elles travaillent chez elles en se concentrant sur une activité génératrice de revenus de leur choix. Le second message est destiné aux électeurs et politiciens. Je tiens Á leur dire qu’une élection n’est pas forcément destinée Á un candidat du régime en place. Un fokontany qui n’a pas voté pour moi mérite tout mon soutien car il fait partie de ma juridiction. Quelle que soit la couleur d’un élu, il peut collaborer avec le pouvoir central. Il appartient au président de la République de bien répartir les richesses car il dirige le pays en entier. Le fait que j’arbore la couleur de TIM ne signifie pas que l’État doit me refuser des subventions et du financement. Il faut que le traitement soit égalitaire », insiste-t-elle.
Pour son deuxième mandat, la maire de Manjakandriana fait de la scolarisation des enfants sa priorité, de même que la formation des jeunes afin qu’ils aient un meilleur avenir. Un projet de centre de formation professionnelle se met en place dans le fokontany d’Antsahamaina, Á 16 kilomètres de la commune. Ce service de proximité vise Á initier les jeunes aux métiers individuels selon leurs compétences en matière de coupe et couture, en cuisine, en menuiserie, en agriculture et en élevage.
Elle se penche également sur le renforcement de l’autonomisation des femmes en leur prodiguant des formations en cascade. Des agents de la commune mènent des enquêtes au niveau des fokontany pour recueillir les besoins des femmes. La maire contacte ensuite des formateurs qui assurent le transfert de connaissances. C’est ainsi qu’une vingtaine de femmes ont reçu une formation en matière d’entrepreneuriat et de leadership. En quelques semaines, elles ont pu ouvrir chacune un compte d’épargne, développer leur activité respective allant de l’élevage Á l’artisanat, du commerce Á la photographie. Des associations de femmes se lancent actuellement dans la préservation de l’environnement et produisent des pépinières d’arbres fruitiers et de plantes autochtones. C’est ça la gouvernance selon la maire Ravaloriaka dont les actions sont conformes aux recommandations du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui demandent aux Etats membres d’autonomiser les femmes.
Farah Randrianasolo est journaliste Á Madagascar. Cet article fait partie de la campagne des 16 jours contre la violence envers les femmes du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
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