MaÁ¯ta Deschambeaux: «dame de fer » malgré elle


Date: September 20, 2010
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La vie n’a pas été tendre envers cette habitante de Terre Rouge, issue d’un milieu modeste. Elle abandonne ses études en 1994, un an avant l’examen crucial de la School Certificate. Elle aimait les études mais ce sont les circonstances qui l’ont contrainte Á  les abandonner. «Mon père avait fait un grave accident. Je pensais même qu’il allait mourir. Cet accident a chamboulé ma vie et celle de ma pauvre mère. On n’avait pas suffisamment d’argent pour pouvoir prendre deux repas au quotidien. Et pas un sou pour que je puisse continuer Á  aller Á  l’école. Je ne pouvais rester insensible Á  la situation familiale. J’ai donc quitté l’école pour faire ça et lÁ  de petits boulots et subvenir aux besoins les plus essentiels de ma famille. Je ne regrette pas mon choix car mes efforts ont été payants. Quinze ans après, mes parents sont toujours vivants et Á  mes côtés ».

Quand l’état de son père s’améliore, MaÁ¯ta décide d’aller faire un petit séjour Á  Rodrigues. A 16 ans, elle rencontre un homme qu’elle aime et vit avec lui. Elle tombe bien vite enceinte. «Je n’avais que 16 ans mais il était hors de question que j’avorte. Cet enfant était innocent et je l’ai gardé. Je pensais que j’allais vivre une vie de couple avec mon conjoint Á  Rodrigues ». Malheureusement, les choses devaient tourner autrement.

MaÁ¯ta est souvent battue par le père de son fils. «Je l’ai souvent quitté mais je suis retournée vers lui Á  plusieurs reprises pour ne recueillir que des gifles, des coups de poings dans la figure, des bleus ».
Ne pouvant plus de cette existence de femme battue, MaÁ¯ta décide donc de retourner a Maurice. Elle trouve un boulot de receveuse d’autobus au Triolet Bus Service. «J’ai toujours cru en l’égalité du genre et c’est pour cela que j’ai pris cet emploi. Les femmes sont aussi fortes que les hommes, aussi intelligentes et plus parfois. J’avais besoin d’argent pour prendre soin de mon petit qui Á  cette époque, n’avait que cinq ans ».

MaÁ¯ta travaille dur. Elle subira des injustices car le monde du transport en commun est encore un monde d’hommes mais elle tient le coup. «Des passagers qui ne payent pas. Certains qui vous insultent, d’autres qui vous dévisagent de la tête aux pieds et d’autres encore qui vous font des propositions indécentes. C’était mon quotidien. J’avais besoin d’être courageuse et psychologiquement forte pour assumer tout cela. Je n’avais qu’une chose tête, Thery, mon fils ».
Malgré sa persévérance, MaÁ¯ta finit par abandonner cet emploi en raison d’une longue maladie qui l’alite.

Lorsqu’elle va mieux, elle apprend la soudure. Ses débuts sont durs mais elle s’accroche. «On a tendance Á  voir la soudure comme un travail dur, qui demande de l’énergie et qui suppose qu’une femme serait désavantagée face Á  un homme dans ce secteur. C’est totalement faux. La soudure est avant tout un métier de précision. Vous pouvez être un colosse mais c’est dans la tête que vous devez l’être et c’est cela qui m’a fait réussir. Tout n’est une question de précision et aussi de concentration. On ne peut être précis si on n’est point concentré. »

Depuis deux ans maintenant, MaÁ¯ta se lève tôt pour faire de soudure et les métaux ne lui résistent pas. Elle soude pour fabriquer des portes, des grilles, des fenêtres, entre autres. Elle est persuadée que d’autres femmes peuvent lui emboîter le pas. «Elles ne doivent pas avoir peur du métal. Avec mes petites mains, j’arrive Á  faire ce que je veux de lui, en fonction de la demande du client. Pourquoi craindre la solidité d’un métal alors qu’il est impuissant entre nos mains? Mais le conseil que je donnerai Á  une femme qui veut faire de la soudure son gagne-pain, c’est de le faire avec amour et passion. Car pour rester parfois Á  travailler au soleil et Á  plier les genoux pour souder des portes gigantesques, il faut de l’amour et de la passion », soutient-elle.

MaÁ¯ta se considère comme une dame de fer et se plaît dans son environnement. «Je suis fière de faire ce métier. Fière d’être une femme avant tout. ÁŠtre une femme n’est pas une fatalité mais une grâce car non seulement nous connaissons le bonheur d’enfanter mais aussi d’exercer le métier que l’on veut… »

Leevy Frivet est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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