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Maurice, 5 février: Les élections générales sont derrière nous depuis près de deux mois. Un nouveau gouvernement a été constitué mais la parité continue Á poser problème puisque nous avons reculé en termes de représentation féminine au Parlement. En effet, il n’y a désormais plus que huit femmes sur 69 députés Á l’Assemblée nationale alors que 2015 est l’année butoir pour nombre de conventions et protocoles régionaux et internationaux. Documents dont le gouvernement mauricien est signataire et dans lesquels l’égalité du genre et l’autonomisation des femmes sont des éléments essentiels.
Par rapport Á l’autonomisation des femmes, on peut dire que le programme gouvernemental qui trace dans les grandes lignes la politique gouvernementale et dont lecture a été faite le 20 janvier 2015 par le président de la République, est sur la bonne voie. Renforcer les capacités économiques des femmes est le troisième des Objectifs du Millénaire pour le Développement approuvé par Maurice lors du sommet des Nations Unies pour le Millénaire en l’an 2000. L’autre partie de cet objectif est l’égalité du genre.
Un extrait du programme dit ceci : «Le comité de coalition nationale contre la violence domestique fonctionne sous la tutelle du bureau du Premier ministre. Le comité assurera la liaison avec le ministère de l’Egalité du Genre, du développement de l’enfant, du bien-être de la famille et celui de la Sécurité sociale, de la solidarité nationale et des institutions réformatrices pour s’assurer que les victimes de violence domestique soient immédiatement placées dans un abri gouvernemental et qu’un emploi et une maison leur soient trouvés pour qu’elles puissent tourner la page et commencer une nouvelle vie ».
Comme bon nombre de problèmes, l’inégalité du genre a une solution. Des mesures positives prises ont prouvé que l’autonomisation économique des femmes est possible Á Maurice. Plusieurs actions concrètes menées ont réduit les inégalités dans certains domaines. Les filles par exemple font mieux que les garçons au niveau éducatif. Les femmes ont accès aux emprunts et la majorité des petites et moyennes entreprises sont dirigées par des femmes. Il y a davantage de femmes que d’hommes dans le judiciaire et plus de 40% de femmes occupent le poste de secrétaire permanent dans la Fonction publique. Mais il y a encore beaucoup Á faire. La violence basée sur le genre et la représentation féminine au Parlement demeurent des sujets de préoccupation.
L’inégalité du genre est profondément enracinée dans les attitudes. Et l’engagement politique au plus haut niveau est la condition sine qua none pour déclencher le changement social.
Selon la recherche de Gender Links intitulée « War at Home – les indicateurs de violence basée sur le genre » une Mauricienne sur quatre a connu la violence et presque le même pourcentage de Mauriciens a admis avoir été violent. Les attitudes des hommes comme des femmes dans cette même étude par rapport aux relations du genre et aux droits sexuels sont alarmantes car 82% d’hommes et 79% de femmes sont d’accord qu’une femme doit obtenir l’autorisation préalable de son mari pour pouvoir prendre un emploi rétribué. De plus, 84% d’hommes et 77% de femmes estiment qu’une femme doit obéir Á son mari alors que 18% d’hommes et 13% de femmes considèrent que la femme active doit remettre son salaire entre les mains de son mari.
Ces chiffres sont préoccupants, tout comme le sont le fait que 55% d’hommes et 38% de femmes Á Maurice croient que si une femme commet une erreur, son mari a le droit de la punir ou encore que 34% d’hommes et 37% de femmes trouvent qu’il est possible qu’une femme soit violée par son mari, sans compter les 30% de femmes et 38% d’hommes qui pensent qu’une femme n’a pas le droit de refuser d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Ces chiffres indiquent clairement où se trouve la racine du problème et que les normes sociales justifient la domination masculine.
Le gouvernement doit aussi être félicité pour avoir inclus dans son programme la mise sur pied d’un comité de coalition nationale contre la violence domestique. Mais la violence basée sur le genre doit être la préoccupation de tous les ministères, de la police, des ONG, de tous les acteurs engagés dans la lutte et des Mauriciens dans leur ensemble. C’est bien que ce comité fonctionne sous l’égide du bureau du Premier ministre et nous espérons qu’Á travers ce comité, la voix des survivantes sera entendue. La disparité au niveau des cas référés aux différents mécanismes d’application des lois indique une absence de système référent clair. La même étude de Gender Links montre que la prévalence de la violence basée sur le genre est 15 fois supérieure au nombre de plaintes enregistrées auprès des Family Support Bureaux; que celle du viol est 11 fois supérieure au nombre de cas rapportés auprès des postes de police et que la violence sexuelle est 61 fois supérieure au nombre de cas rapportés Á la police.
Dans son bulletin mensuel de mars 2014, Ajit Boolell, directeur des poursuites publiques, souligne que la violence domestique est un crime sérieux qui ruine des vies, brise des familles et fait des victimes collatérales en la personne des enfants. Ayant consulté l’étude de Gender Links, il estime que les statistiques qui y figurent sont inquiétantes, surtout lorsque l’on sait que la violence domestique a rarement une incidence unique mais est une série d’incidents qui augmentent en fréquence et en sérieux. «Lorsque tout a échoué, la victime doit rassembler son courage et venir de l’avant pour rapporter le cas. L’application de la loi est une infime partie de la solution. Plus d’efforts sont requis de différents quartiers: employeurs, écoles, fournisseurs d’accès Á l’Internet, médias et ONG ». Il fait aussi ressortir que trop de victimes ne vont pas de l’avant avec les poursuites en ne se présentant pas en Cour, en refusant de témoigner ou en retirant simplement leur plainte, par peur de représailles. « Une approche alternative est nécessaire si nous devons aller jusqu’au bout avec les poursuites aux auteurs de violence domestique », a-t-il dit.
Puisque le gouvernement s’est engagé Á offrir un abri immédiat aux survivantes de violence, il serait intéressant de savoir comment les femmes auront accès aux abris et combien d’abris disposant de facilités appropriées seront construits. Actuellement, SOS Femmes est l’unique abri pratiquant une politique de portes ouvertes et vers lequel les femmes peuvent courir s’abriter Á n’importe quel moment. Vu le travail phénoménal abattu par SOS Femmes, cette ONG aurait dÁ» être constamment soutenue financièrement par le gouvernement et pas seulement lorsqu’elle en fait la demande. Une proposition en ce sens figure dans le programme gouvernemental.
Maurice a depuis longtemps ratifié la Convention sur l’élimination de toutes formes de violence envers les femmes (CEDAW) et parmi ses dispositions, il y a celle de faire en sorte que les femmes et les hommes puissent jouir de leurs droits politiques de façon égale.
Or, les élections générales de décembre dernier montrent clairement que Maurice a régressé en termes de représentation féminine au Parlement, se classant parmi les cinq pays de l’Afrique australe ayant le plus faible pourcentage de femmes parlementaires – de concert avec le Malawi, la Zambie, la RDC et le Botswana.
Le nouveau gouvernement devrait se garder de jeter l’eau du bain avec le bébé car avec les amendements apportés Á la loi sur les collectivités locales sous l’ancien régime, le nombre de femmes conseillères est passé de 6% Á 24%. Si ces changements avaient été apportés au système électoral dans son ensemble, nous aurions eu au moins 33% de femmes élues députés aux dernières élections générales de décembre 2014. Or, l’ancien gouvernement avait parlé de réformer le système électoral pour introduire une dose de représentation proportionnelle Á l’Assemblée nationale et garantir une meilleure représentation des femmes. C’est mentionné dans le programme gouvernemental lu le 20 janvier mais cela ne suffit pas. C’est seulement en offrant des opportunités aux femmes que la justice du genre prévaudra et que nous parviendrons Á combattre la pauvreté, l’analphabétisme, le changement climatique et quelques autres problèmes qui secouent la société mauricienne.
La seule voie vers l’égalité du genre est l’application de ce programme gouvernemental et de celle du Livre Blanc sur la réforme électorale.
Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links et membre du conseil d’administration de cette organisation non gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article fait partie du service d’information de GL qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
📝Read the emotional article by @nokwe_mnomiya, with a personal plea: 🇿🇦Breaking the cycle of violence!https://t.co/6kPcu2Whwm pic.twitter.com/d60tsBqJwx
— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
Comment on Maurice: Le genre dans le programme gouvernemental 2015-2019