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Maurice, 31 aoÁ»t: Le viol en prison est souvent montré au cinéma. Mais cette pratique existe dans les prisons, Á Maurice comme Á l’étranger. Toutefois, ces agressions sexuelles en milieu carcéral sont très rarement dénoncées par les victimes. D’ailleurs, dans la plupart des pays Á travers le monde, il n’existe aucune étude officielle concernant le nombre d’agressions sexuelles en prison alors que ce problème devrait être l’une des priorités de tout gouvernement dit responsable.
Car le viol, comme toute autre forme de violence, qu’il soit commis derrière les barreaux ou ailleurs, constitue en tout et pour tout, une véritable atteinte aux droits de la personne humaine. Et dans sa newsletter de juin 2015, le directeur des poursuites publiques lève un pan du voile sur ce sujet particulièrement tabou. Dans ce document, il est mentionné que la sodomie, pratiquée souvent sans consentement, est un fait courant dans les prisons et que les cas ont été rapportés plusieurs fois par les autorités pénitentiaires Á la police.
Mais la loi mauricienne étant parfois très complexe, le directeur des poursuites publiques explique qu’il faut également comprendre que le viol, la sodomie ou encore les agressions sexuelles sont des délits très distincts. A titre d’exemple, le viol, condamnable Á une peine pouvant aller jusqu’Á cinq ans de prison, n’est pas défini dans la loi mauricienne. Alors que la sodomie, est elle, punie par un emprisonnement de 10 Á 40 ans de prison, est définie comme étant le «seul acte de pénétration perpétré sur un homme qui serait, au nom de la loi mauricienne, condamnable ». L’agression sexuelle est définie comme un geste Á caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne ciblée.
Cela étant dit, la violence sexuelle en prison se manifeste de différentes façons. Et les termes qui s’y appliquent varient aussi d’un pays Á l’autre, comme le fait ressortir Just Detention International (JDI), un mouvement qui travaille Á faire respecter les droits constitutionnels des personnes en milieu carcéral. Cette organisation définit le viol en prison comme «tout contact sexuel non-consenti, toute menace d’atteinte sexuelle de la part d’un détenu sur un autre et tout contact sexuel, quel qu’il soit, de la part d’un membre du personnel, avec ou sans pénétration et quelque soit le sexe de la victime ».
Et d’ajouter que les abus sexuels en prison ne concernent pas uniquement les hommes. Car ces actes se produisent aussi dans des prisons pour femmes et les agresseurs peuvent être tout aussi bien du même sexe que du sexe opposé. Mais une fois encore, les victimes sont très peu nombreuses Á en parler. Comme l’avance Cyril (prénom fictif), un ancien détenu de la prison centrale.
«Les agressions sexuelles en prison sont fréquentes. Mais ceux qui se font abuser n’en parlent pas pour plusieurs raisons. Ils ont peur que leurs agresseurs s’en prennent davantage Á eux et les torturent encore plus. Car il n’est pas rare que les agresseurs forment partie des gangs où règne la loi du plus fort. Même si le détenu victime dénonce son agresseur aux autorités pénitentiaires, celles-ci vont l’éloigner de son agresseur certes mais ce sont les amis de ce dernier qui vont continuer Á lui pourrir la vie », explique notre interlocuteur.
Un garde-chiourme raconte la même chose sous le couvert de l’anonymat. «C’est toujours la loi du plus fort qui prime. Et c’est souvent les nouveaux prisonniers qui paient le prix fort. Par exemple, les anciens vont leur demander des cigarettes ou autres objets. Et s’ils ne leur donnent pas ce qu’ils veulent, ils vont abuser d’eux et les torturer moralement », dit-il.
Si tel est vraiment le cas, les responsables des prisons sont-ils au courant de cette criante réalité? En tout cas, Michel Vieillesse, président de l’organisation non gouvernementale «Kinouete », engagée dans la réhabilitation des détenus, explique que ce genre de cas est réglé par l’administration de la prison elle-même. «Si cela existe vraiment, ces cas ne parviennent pas jusqu’Á nous. Les prisonniers ne nous en parlent pas. Et l’administration non plus. On s’occupe uniquement de la réhabilitation des prisonniers pour qu’une fois libérés, ils ne récidivent pas au point de se retrouver derrière les barreaux une fois de plus », soutient-il.
De son côté, Jean Bruneau, le commissaire des prisons, précise qu’un seul cas de sodomie a été rapporté officiellement depuis qu’il a été nommé Á ce poste en décembre 2010. «Il y a aussi quelques cas d’agressions sexuelles qui ont été signalés. Mais après enquête, la police a conclu qu’il n’y avait pas eu sodomie. Il se pourrait qu’il y a ait des relations sexuelles avec ou sans consentement entre les détenus. Mais nous ne pouvons agir que lorsqu’un cas est rapporté », fait-il ressortir. Selon ce dernier, lorsqu’un cas d’abus sexuel est rapporté, il faut suivre un protocole déjÁ établi, Á commencer par l’ouverture d’une enquête interne.
«Puis, j’informe aussitôt la police, tout en m’assurant au préalable que toutes les pièces Á conviction soient préservées. En attendant l’arrivée de la police, il est aussi de notre devoir de donner les premiers soins médicaux Á la victime alors que le présumé agresseur est mis en garde Á vue jusqu’Á son interrogatoire et son examen par la police et le médecin légiste. » Au-delÁ de l’aspect légal, les autorités pénitentiaires offrent également un suivi psychologique Á la victime qui bénéficie de l’encadrement du département du soutien et du bien-être de la prison. «La victime est aussi prise en charge par l’association Befrienders qui la conseille au cas où elle aurait des idées de suicide. »
Toutefois, comment faire pour prévenir des cas d’abus sexuels en prisons? A cette question, Jean Bruneau concède qu’auparavant, et en raison de la surpopulation en milieu carcéral, les détenus étaient gardés en cellule par groupe de trois, au minimum. «Mais cette politique a changé. Désormais la nouvelle politique est d’avoir un détenu par cellule, tout en encourageant l’utilisation de dortoirs. »
Le viol, comme tout autre type d’abus sexuel, a des répercussions graves sur la victime tant sur le plan émotionnel que sur le plan physique. Pour chaque victime, l’expérience traumatisante est unique. Mais il y a des réactions et des sentiments que tous partagent. Comme la peur, la honte, la colère, les crises d’angoisse, pour ne citer que ceux-lÁ . En plus du choc émotionnel, ces victimes sont exposées au VIH/SIDA et Á d’autres infections sexuellement transmissibles. Surtout si elles gardent le secret après leurs agressions et qu’elles ne bénéficient alors d’aucun traitement médical.
LÁ encore, il est du devoir d’un gouvernement dit responsable, de briser le tabou sur le viol en milieu carcéral. D’ailleurs, le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement demande aux Etats membres d’adopter les mesures nécessaires afin de mieux faire respecter les droits des détenus et aussi de faire reculer la violence sexuelle par 50% d’ici aoÁ»t 2015. Concernant le viol en milieu carcéral, il est primordial d’en parler. Et la meilleure façon d’y parvenir est de miser sur la prévention et la sensibilisation de la population carcérale. Mais pas seulement, car il est tout aussi important d’inclure le personnel pénitencier dans ce combat car ils sont souvent les premières personnes Á avoir des informations sur les cas d’abus en milieu carcéral. Et leur devoir, en tant qu’officiers du gouvernement et citoyens de la République est de dénoncer tout acte d’abus et ainsi faire respecter les droits constitutionnels et légaux de la personne humaine.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
📝Read the emotional article by @nokwe_mnomiya, with a personal plea: 🇿🇦Breaking the cycle of violence!https://t.co/6kPcu2Whwm pic.twitter.com/d60tsBqJwx
— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
Comment on Maurice: Les agressions sexuelles en milieu carcéral sont une réalité criante!