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Port-Louis, 9 décembre : L’intimidation ne date pas d’hier. Sous forme de lettre anonyme, d’appel anonyme ou de racket Á la sortie de l’école, l’intimidation s’est transportée sur Internet avec l’explosion des réseaux sociaux. A l’instar du très célèbre site Facebook dont l’utilisation première permet de rester en contact avec ses amis et sa famille Á travers le monde. Mais hélas, force est de constater que ce réseau social est depuis quelques années, utilisé pour harceler et faire du chantage, dénigrer, inciter Á la débauche ou encore, pour diffuser le plus largement possible, toute sortes de méchancetés pour porter atteinte Á la dignité et Á la vie privée d’une personne dans le but de lui nuire.
Cette forme de violence, baptisée la cyber-violence ou le fléau 2.0 touche particulièrement les femmes et les enfants. Subir de la cyber-intimidation peut faire des ravages, que ce soit chez un adulte ou un adolescent, pouvant dans certains cas, conduire au suicide si une victime n’en parle pas autour d’elle et ne bénéficie pas d’un suivi psychologique et surtout d’une assistance légale. La victime de ce type de comportements ne sait pas forcément qui est l’agresseur, bien que dans la moitié des cas, il soit connu. Comme un ancien mari ou un ex petit-copain, qui pour récupérer celle qu’il a perdue, n’hésite pas Á faire du chantage. C’est ce qu’a vécu une jeune Mauricienne de 30 ans et mère d’une fillette de trois ans que nous prénommerons Suzie.
Son cauchemar a commencé après qu’elle se soi séparée de son concubin. «Après la naissance de notre enfant, mon concubin s’était transformé. Il rentrait tard Á la maison, me parlait violement. Au bout d’un moment, je n’en pouvais plus et j’ai pris la décision de tout arrêter et de recommencer une nouvelle vie. J’avais obtenu la garde de ma fille et il ne l’avait pas supporté. Il a alors commencé Á publier des messages vulgaires sur mon mur de Facebook et Á faire circuler toutes sortes de rumeurs sur moi pour nuire Á ma réputation. Comme c’est le père de mon enfant, je ne voulais pas aller Á la police. Nous nous sommes expliqués pour régler cette situation. Mais cela n’a pas changé. Cette affaire m’affectait psychologiquement au point où je ne pouvais plus travailler. Au final, après avoir subi ses attaques pendant deux semaines, j’ai porté plainte Á la police », confie Suzie.
Son ex-concubin, dit-elle, a par la suite été arrêté par la police et a été condamné Á payer une amende. Pour elle, il est important qu’une victime de cyber-intimidation dénonce son agresseur ou signale le cas Á la police si elle ne connaît pas l’identité de son harceleur. «Quand on se retrouve dans ce genre de situation, on ne sait pas trop quoi faire et comment réagir. Surtout, si on connait la personne qui est derrière les attaques. Mais j’ai compris que qu’on connaisse ou pas notre agresseur, c’est notre droit qui est bafoué et il faut dénoncer et en parler. C’est ce qu’on m’a dit Á maintes reprises lorsque j’ai dénoncé le cas Á la police. Et c’est le meilleur conseil que je peux donner Á une victime », précise-t-elle fermement.
Les agresseurs qui se cachent derrière leurs écrans d’ordinateur sont hélas nombreux et leur mode opératoire presque identique. A commencer par la création d’un faux profil en y affichant une photo plutôt attrayante pour attirer un plus grand nombre de filles sur leurs pages. C’est ce que nous explique un fonctionnaire de la Cybercrime Unit. « Ils vont généralement afficher la photo d’un beau jeune homme pour se présenter. Au début, ils vont se montrer courtois et mettre leur prochaine proie en confiance. Il faut dire qu’ils vont aussi choisir des jeunes femmes, comme des adolescentes et des adultes ne dépassant pas vingt ans. Et une fois la confiance établie, ils vont souvent proposer aux filles de leur envoyer des photos d’elles en petite tenue ou de faire des webcams en montrant leurs seins ou les inciter Á faire du streap-tease. Mais ce que les victimes ne savent pas, c’est qu’une fois qu’elles tombent dans ce piège, les agresseurs enregistrent les images en question pour ensuite les faire circuler sur Internet dans l’optique de leur faire un odieux chantage », explique ce dernier qui invite les jeunes femmes Á faire preuve de prudence lorsqu’elles utilisent Internet.
Toutefois, il n’y a pas que sur les réseaux sociaux que ce genre d’attaques se produit. Pour cause, les applications de Chat pour les téléphones androÁ¯des se multiplient chaque jour. Et même si les termes d’utilisation mentionnent clairement que ces sites sont réservés Á un public adulte, il est difficile, voire impossible Á ses modérateurs de certifier l’âge d’un abonné. Ceci étant dit, n’importe qui peut avoir accès Á ces Chats pour mobile et les installer sur son smartphone en un temps record. Et c’est justement sur ce genre de Chat que trainent des prédateurs sexuels qui sont Á la recherches de sexting, une expression signifiant des conversations Á caractère sexuel, voir pornographique. Du simple chat, il n’est pas rare que les prédateurs proposent des relations sexuelles contre paiement Á leurs victimes qui se retrouvent souvent au cÅ“ur d’un réseau de prostitution infantile, ce qui constitue une forme de violence.
Les technologies de l’information et de la communication sont des armes Á double tranchant. Elles peuvent s’avérer très utiles pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes et donner davantage de pouvoir aux femmes pour communiquer mais elles peuvent aussi constituer une menace pour leur intégrité physique et psychique lorsque ces technologies sont utilisées pour commettre des actes violents. De plus, la facilité avec laquelle elles permettent de répandre des propos diffamatoires ou d’humilier quelqu’un en public, sans compter que les agresseurs peuvent agir Á distance et de manière anonyme, fait qu’il est d’autant plus difficile de les poursuivre en justice ou même simplement d’empêcher la diffusion de contenus indésirables ou encore, de les démasquer.
Ces exemples choquants de perpétuation de crimes et autres méfaits grâce aux supports électroniques mettent en évidence les vides juridiques par rapport Á la protection des victimes et leur droit d’obtenir réparation. Si rien n’est fait pour combattre ce problème, le fléau 2.0 risque hélas de devenir l’une des principales sources de violences faites aux femmes et aux enfants dans très peu de temps.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article écrit dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence envers le genre fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Maurice : Les technologies de l’information et de la communication sont des armes Á double tranchant