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Maurice, 3 septembre : Bien des conventions et des lois ont été adoptées Á travers le monde pour le respect des droits des personnes en situation de handicap. Mais sont-elles vraiment respectées ? Ces personnes ont elles les mêmes chances que les personnes dites ‘normales’ ? Pas tout Á fait. Car force est de constater que les personnes vivant en situation de handicap sont encore souvent exclues de l’accès aux services de base tel que l’éducation, la santé, l’emploi, les systèmes de soutien social et juridique pour ne citer que ceux-lÁ . Et ce n’est pas Mervyn Anthony, sourd, qui nous dira le contraire Á l’occasion de la Journée mondiale du handicap.
«Tant que les mentalités ne changeront pas, nos droits ne seront pas respectés. Pour nous les handicapés, l’inclusion est un combat de chaque instant car on ne nous intègre pas dans la société comme il faut. Nous sommes des exclus. Je veux dire Á nos dirigeants et aux Mauriciens que nous n’existons pas uniquement Á une date précise. Mais que nous sommes lÁ tous les jours », dit-il haut et fort.
Agé de 37 ans, cet habitant de Pointe-aux-sables se bat depuis très longtemps pour faire respecter ses droits en tant que personne en situation de handicap. «J’ai rencontré beaucoup de problèmes Á cause de mon handicap. Je n’ai pas eu les mêmes chances que les autres. Et je me bats encore aujourd’hui pour obtenir réparation. Face Á tant d’injustices, j’ai vu que personne n’allait m’aider et qu’il fallait que je m’aide moi-même », avance notre interlocuteur qui a puisé une force immense de ses expériences douloureuses pour créer une compagnie dans le but de proposer aux institutions privées et publiques de l’ile des ateliers de travail. «Le but est de les amener Á changer leur approche, leurs mentalités et leurs stratégies envers les handicapés », précise ce dernier, qui se décrit comme quelqu’un de très ambitieux. Eh oui car Mervyn Anthony a fait de son handicap sa plus grande force.
Né le 09 janvier 1978 Á Cluny, un petit village situé dans le sud de l’ile, ses parents constatent très vite que leur petit a du mal Á entendre. «Je n’entendais rien de l’oreille gauche. Mais je pouvais entendre de l’oreille droite. » Mais malgré son problème auditif, Mervyn, qui est l’ainé de la famille, connait une enfance des plus heureuses aux côtés de son frère et de sa sÅ“ur. «A l’époque, Cluny était un endroit défavorisé. Je suis moi-même issue d’une famille très modeste. Mais je suis heureux de dire haut et fort que je suis fier de mes racines. Et ce n’est pas parce que quelqu’un est défavorisé ou qu’il vient d’une région défavorisée qu’il doit rester au bas de l’échelle toute sa vie », fait-il ressortir avec conviction. Et ce sont justement ces raisons qui lui ont donné des ailes pour aller toujours plus haut dans la vie. Ce, même lorsque les circonstances n’ont pas joué en sa faveur.
A l’âge de 13 ans, alors qu’il est en Form II au collège St Helena, il perd l’usage de son oreille droite. «On l’a découvert Á l’école lorsque je n’arrivais plus Á faire des dictées. A partir de lÁ , ma vie a complètement changé. On m’a changé d’école et il a fallu que je m’adapte dans un nouvel environnement. Je suivais aussi des traitements Á l’hôpital ENT et j’étais également suivi par une orthophoniste indienne car j’éprouvais des difficultés Á parler », soutient ce dernier. Toutefois, ne reculant devant rien, Mervyn Anthony prend part aux examens du School Certificate qu’il décide de repasser une année plus tard dans le but d’améliorer ses résultats.
Une fois son certificat de School Certificate empoché, Mervyn Anthony se met Á la recherche d’un emploi. Il fait choux blancs pendant deux ans! «Ce n’est que lorsque j’ai intégré le Training and employment disabled persons board que j’ai finalement pu trouver un emploi. J’ai commencé en tant que Clerical officer Á la Mauritius Sugar Authority. J’y ai travaillé pendant 12 ans sans avoir de promotion Á cause de mon handicap. J’ai subi beaucoup de discrimination. Surtout lorsqu’avec la réforme de l’industrie sucrière, toutes les organisations de cette industrie se sont regroupées. J’ai alors opté pour un Voluntary retirement scheme. Mais mon employeur a trouvé toutes sortes d’excuses pour ne pas me payer mon temps de service comme il le fallait. D’ailleurs, j’ai logé une affaire en ce sens devant l’Equal Opportunities Commission. »
Toutefois, Á la suite de cet épisode, Mervyn Anthony ne baisse pas les armes. Bien au contraire. Pour lui, il n’y a rien de mieux que l’éducation pour lutter contre les pratiques discriminatoires. «Malgré les obstacles, il est important de maintenir la motivation et la vibration émotionnelle pour pouvoir lutter contre vents et marées. J’ai donc suivi des cours de management et je m’étais inscrit auprès du Management College of Southern Africa qui avait une filiale Á Maurice. Mais on a tout fait pour que mon inscription soit invalidée. Mon cas a même été évoqué au Parlement”, se souvient ce dernier, qui Á force de persévérance, a décroché son Masters in Business Administration.
Ambitieux et des rêves plein la tête, Mervyn Anthony est aussi marié et est père d’un petit bout de chou âgé de quatre ans. Et il complète sa dernière année de droit auprès de l’université de Wolverhampton. A la fin décembre, il sera Á même de prêter serment comme avocat, dit-il en précisant que c’est «par la grâce de Dieu ». Et d’ici 2020, il compte faire son entrée au Parlement pour lutter en faveur du respect des droits des personnes en situation de handicap. Car dit-il, «le seul handicap dans la vie est la mauvaise attitude… »
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence envers les femmes et les enfants du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Maurice : Mervyn Anthony ou le sourd qui sait faire entendre sa voix !