Maurice sur la voie de la parité en politique


Date: September 16, 2014
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Maurice, 14 avril: Le Livre blanc intitulé “Modernisation du système électoral” présenté par le Premier ministre, mauricien, Navin Ramgoolam, le lundi 24 mars 2014, est révélateur de l’engagement politique envers l’égalité du genre au plus haut niveau du gouvernement. L’Histoire retiendra que c’est Navin Ramgoolam qui a réellement mis le genre Á  l’agenda politique et qui a modifié le cours de l’histoire pour les femmes. Il a réussi lÁ  où d’autres ont eu peur de s’élancer.

La Constitution de Maurice, vieille de 46 ans, a fait son temps et a en effet été le fondement de la stabilité politique et sociale. Mais tout est dynamique dans ce monde qui bouge Á  une vitesse vertigineuse. Bien que la société mauricienne soit encore patriarcale, les femmes brillent dans tous les secteurs et brisent les stéréotypes en faisant leur entrée dans des secteurs encore dominés par les hommes. Mais lÁ  où elles sont encore Á  la traîne, c’est en politique.

Dans l’introduction du Livre blanc sur la réforme électorale, le Premier ministre souligne que « nous devons léguer Á  la prochaine génération de Mauriciens un système adapté au 21e siècle qui reflète les changements ayant eu lieu depuis bientôt un demi siècle et qui corresponde aux aspirations des plus jeunes générations et dont les fondations seront aussi solides que celles que nos pères fondateurs nous ont laissées ». Il a ajouté que « toute réforme de notre système électoral devrait maintenir et renforcer la tendance existante de favoriser une représentation plus large et diversifiée, incluant les femmes ».

Les politiciens de tous bords n’ont d’autres choix que d’approuver ce document car autrement, ils devront porter cette responsabilité devant l’Histoire et seront perçus comme discriminatoires envers 51% de la population. Les propositions révolutionnaires contenues dans ce document constituent « une fondation solide pour la réforme révolutionnaire dont a besoin Maurice au carrefour de son Histoire », a déclaré le Premier ministre avant d’ajouter que lesdites propositions « offrent une solution pratique et unique, conçue sur mesure pour nos réalités spécifiques »

Pendant trop longtemps, les femmes été laissées sur le banc de touche. Gender Links et les autres mouvements d’activistes du genre se sont battus bec et ongle mais sans engagement politique, il était difficile d’obtenir des avancées.

En 2005 lorsque Gender Links et la Media Watch Organisation ont organisé un premier atelier de travail avec les leaders politiques des quatre principaux partis, les représentants de ces partis se sont engagés Á  aligner davantage de femmes candidates. Le Premier ministre d’aujourd’hui qui était alors leader de l’opposition a fait une intervention remarquée sur l’importance d’avoir des femmes en politique. Il a même affirmé Á  la centaine de participants présents ce jour-lÁ  que son parti était très conscient de ce déficit de femmes (il n’y avait Á  l’époque que 5.4% de femmes parlementaires), ajoutant que le système uninominal était un obstacle majeur pour les femmes alors que la proportionnelle ou un système mixte leur serait favorable. « J’espère que lorsque nous serons au pouvoir, nous obtiendrons le consensus pour introduire le système de représentation proportionnelle dans notre réforme électorale ».

Mais aucun d’eux n’a tenu parole. Le discours politique est une chose et l’engagement politique une autre. Le résultat a été 17% de femmes parlementaires aux dernières élections générales de 2010. Avant cette année lÁ , Gender Links a formé des femmes membres des partis politiques pour les inciter Á  se présenter comme candidates et devenir des activistes politiques. Le résultat a été une simple augmentation de 2% d’élues. Mais juste après les élections générales et alors que les élections locales se profilaient Á  l’horizon de 2012, Gender Links a rendu visite au ministre des Administrations régionales pour exprimer sa préoccupation d’une si faible représentation des femmes au sein des collectivités locales.

Tandis que Gender Links formait les femmes dans tous les villages de Maurice, la Local Government Act a été amendée dans le sens d’une approche neutre du genre où tous les partis doivent aligner au moins 33% de candidats de deux sexes. Ce qui a permis Á  Gender Links d’utiliser cette loi comme document de référence lors de la formation.

Lors du sommet sur la justice du genre et des collectivités locales de Gender Links en 2013, Hervé Aimé, ministre des Collectivités locales et des îles éparses, a reconnu le mérite de Gender Links et des organisations de la société civile Á  faire élire un plus grand nombre de femmes. « La Local Government Act amendée est en effet une étape importante en faveur de l’égalité du genre. Je remercie la directrice du bureau francophone de Gender Links, Loga Virahsawmy, de même que Gender Links, pour leur aide durant les deux dernières années Á  s’assurer que les changements radicaux que j’ai proposés deviennent réalité. Cette loi constitue un autre pas envers la conformité Á  la philosophie gouvernementale sur le rôle de la femme dans l’Ile Maurice moderne. Je veux autonomiser les femmes Á  travers les collectivités locales. Leur présence est celle de la proximité car tous les conseillers doivent résider la localité. Beaucoup deviennent des leaders de leur communauté. Je veux que les collectivités locales soient le tremplin permettant aux femmes d’émerger au niveau de la politique nationale où moins de 20% d’entre elles sont parlementaires ».

Dans un article écrit par la directrice exécutive de Gender Links, Colleen Lowe Morna, celle-ci souligne que « Maurice a montré qu’avec de la volonté politique, rien n’est impossible. Le défi désormais est de suivre cette percée phénoménale. Les changements constitutionnels permettant l’introduction d’un quota au sein des élections locales ont effectivement rendu caduques les raisons avancées par Maurice pour ne pas signer le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement. Ce résultat phénoménal devrait encourager le gouvernement mauricien Á  étendre le quota au niveau national lors des élections de 2015 ».

Cette sous représentation des femmes au Parlement a été une grande préoccupation et Maurice était embarrassée sur les forums régionaux et internationaux. Rama Sithanen, l’ancien ministre des Finances et constitutionnaliste, recommande dans sa « Feuille de route pour un meilleur équilibre entre la stabilité et la justice dans le système électoral » que les partis ne sélectionnent pas plus de deux candidats du même sexe dans chacune des 20 circonscriptions du système uninominal de Maurice.

Le document présenté par le Premier ministre parle « d’espoirs et d’aspirations de notre peuple et de la moitié de la population qui a été historiquement sous représentée Á  l’Assemblée nationale et dont la contribution potentielle Á  la culture politique et Á  la société n’est pas optimisée. La représentation parlementaire des femmes a augmenté de 5.7% en 1983 Á  seulement 17.1% e 2005 et 18.8% en 2010. Et en dépit de la reconnaissance de cette sous représentation, il n’y a eu que des avancées modestes en la matière ».

Bien que Maurice ne soit pas signataire du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, il applique quasiment les dix thèmes du Protocole, exception faite de la gouvernance. Les femmes ont accompli des progrès majeurs dans plusieurs domaines et ont même surpassé les hommes dans certains secteurs. Mais leur représentation au Parlement est demeurée faible. Le Livre blanc sur la réforme électorale n’est pas un rêve mais une réalité. Il souligne que «l’équilibre du genre a toute son importance et des preuves empiriques suggèrent qu’il est nécessaire d’avoir une masse critique d’au moins 30% de femmes au Parlement ».

Ce document propose une formule neutre du genre qui respecte l’égalité entre hommes et femmes en politique. Il suggère qu’au moins un tiers du nombre total de candidats du système uninominal soit de l’un ou l’autre sexe ; s’assure qu’aucun sexe ne représente moins de 33% des candidats sur la liste de chaque parti ; qu’il y ait au moins une personne de sexe différent Á  partir de trois candidats séquentiels figurant sur les listes des partis ; et qu’au cas où la seconde option soit adoptée, au moins un tiers de la liste proportionnelle établie par les leaders des partis politiques soit de l’un ou l’autre sexe. Ce qui est une situation avantageuse pour les femmes car elles figureront aussi bien dans le système uninominal que de représentation proportionnelle.

Les dés sont maintenant jetés et on ne peut plus reculer. De plus durant la campagne électorale de 2010, le Premier ministre, comme le leader de l’opposition, Paul Bérenger, ont dit qu’ils aligneraient plus de femmes aux élections de 2015. Ramgoolam a même dit aux hommes de faire attention car il pourrait bien aligner plus de femmes que d’hommes Á  ces élections alors que Bérenger a déclaré qu’il mettrait une femme dans chaque circonscription en 2015.

Maurice bouge en effet avec son temps. Peu de temps après les élections générales de 2010, Maurice a nommé sa première femme vice-présidente de la République en la personne de Monique Oh San-Bellepeau. En 2013, après 75 ans d’existence, le Parti Travailliste a nommé sa première secrétaire générale en la personne de Kalyanee Juggoo. Dans une interview Á  Gender Links, celle-ci a déclaré que sa nomination est un pas dans la bonne direction et « le résultat d’une longue lutte ». Elle a remercié Gender Links pour avoir été instrumental de tous les changements qui interviennent. « Pour moi, Gender Links est la première organisation non-gouvernementale Á  avoir inscrit le genre Á  l’agenda politique. » Ayant participé Á  toutes les manifestations de Gender Links dont la dernière était le groupe de référence pour revoir le Baromètre de la SADC sur le Genre et le Développement, elle a associé son succès Á  Gender Links.

De la 14e place parmi les 15 pays de la SADC, avec des résultats améliorés pour les femmes aux dernières élections des collectivités locales, Maurice a grimpé Á  la sixième place et se rapproche de la Tanzanie. Au niveau des femmes parlementaires, Maurice est Á  la dixième place parmi les 15 pays de la SADC. Les élections générales sont prévues pour 2015. Souhaitons que nous fassions un saut identique Á  celui des élections locales, si ce n’est un saut de géant.

Ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links, Loga Virahsawmy est membre du conseil d’administration de cette organisation non-gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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