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Maurice, 30 novembre: Chaque année, les Nations Unies décrètent la période entre le 25 novembre, qui est la Journée internationale de l’éradication de la violence envers les femmes, et le 10 décembre, Journée mondiale des droits humains, comme celle des 16 jours destinés Á dire NON Á la violence envers les femmes et ce, Á travers le monde. Pour l’occasion, le bureau mauricien de Gender Links et ses organisations partenaires conçoivent un programme complet comprenant des slogans, des chants, des logos avec numéros de hotline Á apposer dans les autobus, organisent des ateliers de travail, de même que des campagnes de sensibilisation Á travers Maurice. Gender Links dispense aussi des formations aux entreprises de presse sur la couverture médiatique appropriée aux cas de violence envers le genre.
Nous sommes conscients que les journalistes ont des contraintes étant donné que cette campagne de 16 jours d’actions contre la violence basée sur le genre tombe en pleine campagne électorale et que le 10 décembre, les Mauriciens vont aux urnes. Mais lorsque l’on parle de cette journée dédiée aux droits humains, cela englobe aussi les droits des femmes. Et la violence envers les femmes est en train de figurer quotidiennement dans l’actualité Á Maurice. Et les résultats flagrants de notre recherche sur les indicateurs de la violence basée sur le genre montrent que 24% des femmes, soit une Mauricienne sur quatre, a connu la violence et que 16% ont connu la violence émotionnelle. Ceci est une autre forme de violence souvent invisible jusqu’Á ce que la femme fasse une dépression, ne parvienne plus Á vivre normalement et tente de se suicider. C’est une des questions majeures soulevées par des psychiatres lors du premier congrès mauricien sur les femmes et la santé mentale, organisé par la Mauritius Psychiatric Association, le 12 novembre 2014.
Malheureusement, durant cette période électorale, la violence envers les politiciennes et les activistes du genre est monnaie courante. Il n’y a pas eu de violence physique en tant que telle sur les femmes excepté lorsque les femmes et les enfants assistent aux meetings politiques et que des personnes mal intentionnées balancent du gaz lacrymogène dans le hall. Mais la violence subtile et la discrimination peuvent être tout aussi nocives et détruire des individus. L’argument est que lorsque vous faites de la politique, vous devez être blindés mais cela ne signifie pas une licence pour la discrimination.
Une activiste politique opérant dans le sud de l’île a déclaré Á Gender Links que « les femmes sont des cibles faciles et subissent la discrimination sur plusieurs fronts. Elles sont de bonnes activistes et les hommes n’aiment pas cela. Lorsqu’elles proviennent d’un certain groupe ethnique, les autres ethnies les affublent de tous les noms. Les hommes sont si violents lors de meetings politiques et leur langage est si vulgaire qu’heureusement la présence des femmes les calme. Je suis vraiment choquée par le langage des hommes vis-Á -vis des femmes. C’est vraiment très difficile pour les femmes d’être en campagne. Je suis tellement déprimée parfois que je pense Á abandonner. Mais je crois en mon parti et dans ma circonscription et il est de mon devoir de m’assurer qu’il y aura des changements ».
La violence semble être Á l’ordre du jour durant cette période de campagne électorale qui tombe en pleine campagne des 16 jours d’actions contre la violence basée sur le genre. Le langage violent utilisé contre les politiciennes et les femmes activistes peuvent faire un tort immense. Très souvent les femmes ne réalisent pas qu’elles sont sujettes Á la violence en raison de la subtilité du langage. Mais lorsque cela vient des journalistes, cela empire les choses. Nous nous demandons alors qui surveille ceux censés être les « chiens de garde » ?
Le samedi 15 novembre, avant la présentation officielle des candidats de l’alliance PTr/MMM, un journaliste radio a très bien fait son travail lors d’un direct Á propos de la liste finalisée des candidats des deux principales alliances politique en lice. Mais il s’est senti obligé de dire qu’Á l’heure où il s’adresse aux auditeurs, Indira Seebun, ancienne ministre de la Femme, est probablement chez le coiffeur vu qu’elle a obtenu un ticket et qu’elle sera finalement candidate. Ce journaliste s’est avancé jusqu’Á dire qu’elle viendrait sÁ»rement Á la conférence de presse de présentation officielle des candidats en sari rouge. Je me demande pourquoi les journalistes ne font pas de telles réflexions Á propos des candidats ? Eux également se rendent chez le coiffeur et revêtent des habits de toute une multitude de tons de rouge, de mauve, d’orange et de bleu !
S’il-vous-plaît, n’ajoutez pas l’insulte Á l’injure. Les femmes vivent déjÁ la discrimination en étant si faiblement représentées en tant que candidates au sein des deux principales alliances en lice. En effet, l’alliance PTr/MMM n’a aligné que 21.6% de femmes alors que l’alliance Lepep en a aligné encore moins, soit 15%. Soyons justes et équilibrés lors de la couverture médiatique de cette campagne électorale. Les femmes souffrent suffisamment de cette sous représentation électorale et elles n’ont pas besoin qu’on leur en rajoute une couche d’insultes. Et lorsque des journalistes ne comprennent pas cette forme subtile de stéréotypes, de discrimination ou de violence envers les femmes, cela empire les choses. Cela donne l’impression que les femmes sont creuses et qu’elles sont davantage intéressées Á soigner leur apparence. Avec une telle mentalité, ce n’est guère étonnant que nous ayons pu voir des publicités de t-shirt sur lequel la femme qui le porte est censée souhaiter que son cerveau soit aussi développé que ses seins ! Cette forme de violence lÁ est si subtile que très souvent les femmes elles-mêmes ne réalisent pas qu’elles sont ce faisant sujettes Á la violence.
Les activistes du genre doivent surveiller rigoureusement le débat public et la couverture médiatique afin de s’assurer que le contenu et la substance y soient mais pas les critiques basés sur le genre. C’est pourtant la forme la plus difficile de violence Á débusquer alors qu’elle fait énormément de dégâts. Son degré de subtilité est tel qu’il est gravé dans l’esprit des gens, y compris dans ceux des journalistes. Nous avons tous le devoir de rectifier ce qui doit l’être et d’arrêter de stéréotyper les femmes par rapport Á leur habillement, leur vernis Á ongles, leur maquillage ou coiffure. C’est leur choix et leur droit de porter les couleurs qu’elles veulent.
Je ne peux digérer cette violence indigeste car invisible et qui constitue le summum de la discrimination. Il est dommage que les politiques de tous bords et leurs activistes, hommes et femmes confondus, sans doute trop pris par leurs congrès et autres exercices de porte-Á -porte, n’aient pas été voir la comédie musicale “Zozef ek so palto larkansiel”. Car au-delÁ de son aspect divertissant, ils auraient vu et compris ce qu’est vraiment vivre comme une nation arc en ciel.
Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links et membre du conseil d’administration de cette organisation non-gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article fait partie du service d’information de GL.
Comment on Ne rajoutez pas l’insulte Á l’injure