Ny Aina Ralaiarijoana : la reconnaissance du travail des employés de maison Á   Madagascar

Ny Aina Ralaiarijoana : la reconnaissance du travail des employés de maison Á  Madagascar


Date: September 16, 2014
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Madagascar, 29 avril: Etre employé de maison Á  Madagascar est la pire des professions. Les personnes qui exercent ce métier, la plupart étant des femmes et des jeunes filles, le font parce qu’elles sont au bas de l’échelle économique et sociale. Or, les employés de maison ont élevé bien des enfants dont les parents sont absorbés par leur profession. Valoriser ce métier et le reconnaître Á  sa juste valeur, c’est l’objectif que s’est fixée Ny Aina Ralaiarijaona. Cette jeune Malgache croit en la possibilité de professionnaliser ce travail, tout en lui donnant des lettres de noblesse. Son engagement Á  le faire lui a valu de remporter le trophée du «Meilleur porteur de projet » au concours organisé par la Commission de l’océan Indien. C’était Á  la fin 2013.

Ny Aina Ralaiarijaona n’a que 22 ans et était une des plus jeunes participantes Á  ce concours intitulé «Ambition Jeune 2013 ». Elle a surclassé ses concurrents par son originalité et sa simplicité en exposant son projet. Et pourtant, l’entrepreneuriat n’est pas le domaine de Ny Aina Ralaiarijaona qui a fait des études en sociologie Á  l’université d’Antananarivo.

C’est en appliquant les principes de sociologie appris Á  l’université et en allant sur le terrain qu’elle a pris conscience des cruelles réalités de son pays et surtout de celles des femmes qui sont employées comme bonnes Á  tout faire.

C’est terrible mais il n’y a pas de statistiques sur le nombre d’employés de maison Á  Madagascar mais de nombreuses familles malgaches en emploient une. Ces femmes et ces filles sont mal payées. Elles sont soumises Á  des conditions de travail longues et éreintantes. Et leur maigre salaire ne leur permet pas de mener une vie décente.

Pendant des mois, Ny Aina Ralaiarijaona a étudié toute la question, en particulier dans la capitale Antananarivo et dans la ville voisine d’Antsirabe. Elle s’est ensuite dit pourquoi ne pas former les femmes et les jeunes filles malgaches qui triment comme employés de maison pour quatre sous, ainsi que des hommes qui peuvent exercer comme majordomes afin qu’ils soient plus crédibles et professionnels.

Ny Aina Ralaiarijaona a été formée Á  la culture d’entrepreneuriat par deux organisations non gouvernementales malgaches, notamment Fa Hita et le Club Entrepreneurs Etudiants du Rendez Vous des Entrepreneurs (CEERE). « Je voulais apporter ma contribution Á  ces femmes qui veulent sortir de la pauvreté Á  Madagascar. Je ne me voyais pas du tout dans la peau d’une femme entrepreneur mais au fil du temps, je me suis intéressée Á  la question. De plus, mon père a quitté son travail pour se mettre Á  son compte, tout comme ma mère, institutrice de formation, est restée dans l’enseignement mais a choisi d’ouvrir sa propre école. Cela m’a fait réfléchir. J’ai donc décidé de me battre pour les gens de maison. Mon projet est aussi pour les hommes mais priorité sera accordée aux femmes. Ce n’est pas pour être féministe mais les plus pauvres et vulnérables sont malheureusement les femmes et les jeunes filles. A travers ce projet, c’est pour elles que je me bats ».

Le projet de Ny Aina Ralaiarijaona consiste Á  recruter, former et placer les employés de maison chez des employeurs. La sélection se fera avec la collaboration de la société civile. Ainsi, les églises et les autres acteurs sociaux qui connaissent ces personnes dans le besoin certifieront que la femme ou la jeune fille en question est pauvre, illettrée mais qu’elle veut s’en sortir en travaillant et en gagnant honnêtement sa vie. « Notre but est de restituer la dignité perdue Á  ces femmes. Elles exercent peut-être comme bonnes Á  tout faire mais je veux qu’elles aient des horaires de travail et des tâches bien spécifiques et une rémunération décente. En contrepartie, l’employeur aura une employée de maison professionnelle, propre, motivée, et qui sera d’une aide précieuse pour lui et non un casse-tête ».

Les employeurs se plaignent que de nos jours, les employés de maison qui sont recrutées ne font pas long feu. « Elles disparaissent au bout de deux jours. On leur apprend Á  travailler un jour et le lendemain, elles ont tout oublié et il faut tout leur expliquer Á  nouveau. » Ceci est dÁ» au fait qu’elles n’ont pas été formées au préalable.

La formation pour que les femmes soient autonomisées économiquement et indépendantes, c’est justement ce que préconise le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement Á  ses Etats membres, plus précisément dans son article 14, qui leur demande de faire en sorte que les hommes et les femmes aient un accès égal Á  une éducation et une formation de qualité.

Avec le projet de Ny Aina Ralaiarijaona, le recrutement des employés de maison ne se fera plus dans les bas quartiers mais Á  travers son agence de formation et de placement. De plus, ce projet attirera les femmes et les jeunes filles qui sont Á  risque de tomber dans la prostitution.

La jeune Malgache voit plus loin que les frontières de la Grande Ile. Sachant que la Commission de l’océan Indien a été crée pour justement favoriser des échanges économiques entre les Etats membres, elle ne voit pas pourquoi les employés de maisons malgaches ne pourraient pas être employés Á  Maurice ou Á  la Réunion, deux Etats membres où le pouvoir d’achat est supérieur Á  celui de Madagascar.

« Tout le monde sera gagnant. L’employeur se sentira en sécurité, l’employé de maison aura un travail satisfaisant et une vie décente et le combat contre la pauvreté et l’exclusion avancera. La valorisation des petits métiers est selon moi une démarche qui peut changer la vie des habitants de la région, » estime-t-elle.

La jeune Malgache est pratiquement assurée de voir son projet voir le jour car elle sera une des invités d’un forum international sur l’entrepreneuriat qui se tiendra cette année Á  Bruxelles en Belgique. LÁ , elle pourra présenter son projet et rechercher les financements appropriés auprès de l’Union Européenne.

Leevy Frivet est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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