Parlons-nous bien des collectivités locales?


Date: May 4, 2015
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Maurice: Pourquoi continuons-nous Á  les appeler collectivités locales lorsque les conseillers ne doivent pas forcément être issus des communes où ils seront candidats? La question mérite d’être posée car selon les amendements apportés au Local Government Act et approuvés par les parlementaires au début du mois d’avril 2015, les conseillers ne doivent pas forcément habiter dans la ville ou le village où ils posent leur candidature.

Avec ces amendements, les candidats peuvent se présenter dans des circonscriptions et des villages qui leur sont inconnus. C’est la direction du parti qui décidera qui s’alignera où aussi longtemps que le quota neutre du genre de 30% sur la liste du parti est respecté.

Le gouvernement issu des urnes de décembre 2014 a pris trois mois pour défaire ce qui était considéré comme un modèle dans la région de la SADC, Á  savoir le Local Government Act aussi connue comme la loi Aimé. Des pays de la SADC veulent tirer des leçons du succès de Maurice dans son application de cette loi. UN Women a même demandé Á  Gender Links d’animer un atelier de travail pour eux Á  Maurice Á  propos de cette loi révolutionnaire.

Après son intervention Á  l’ouverture du Sommet de Gender Links (GL) sur la justice du genre et les collectivités locales Á  Johannesburg et devant 350 délégués en 2012, l’ancien ministre des Collectivités locales, Hervé Aimé a été applaudi pour cette nouvelle loi. Il a attribué l’élection d’un plus grand nombre de femmes Á  GL et aux organisations de la société civile. «La nouvelle loi sur les collectivités locales est en effet un jalon vers l’égalité du genre. J’aimerais remercier Loga Virahsawmy, la directrice du bureau francophone de GL et la direction de GL pour leur aide durant les deux dernières années qui visait Á  assurer que les changements radicaux que j’allais proposer deviendraient réalité. Cette nouvelle loi est un pas supplémentaire en ligne avec la philosophie du gouvernement Á  propos du rôle des femmes dans une île Maurice moderne. Je veux autonomiser les femmes Á  travers les collectivités locales. Leur présence est celle de la proximité car tous les conseillers doivent résider dans la commune où ils poseront leur candidature. Plusieurs deviennent des leaders de leur communauté. Je veux que les collectivités locales deviennent le tremplin pour que les femmes émergent et participent aux élections au niveau national car moins de 20% des parlementaires sont des femmes ».

La directrice exécutive de GL, Colleen Lowe Morna, lui a donné la réplique en disant que «Maurice nous a montré qu’avec de la volonté politique, rien n’est impossible. Le défi est désormais de suivre cette percée phénoménale ».
En raison de l’application de cette législation, les élections de décembre 2012 ont vu respectivement une triple et une quintuple augmentation de candidates dans les régions urbaines et rurales. Avant ces élections, 19 conseils de villages sur un total de 124 n’avaient aucune femme conseillère. Le pourcentage de conseillères est passé de 5.8% Á  25.5% dans les villages alors qu’au sein des mairies, le pourcentage a grimpé de 12.7% Á  35.5% avec les mairies de Curepipe et de Vacoas/Phoenix ayant plus de femmes élues que d’hommes. Avec pour résultat régional que Maurice a quitté la 14e place parmi les 15 pays de la SADC pour prendre la sixième place.

Les amendements apportés par le nouveau gouvernement au mois d’avril prévoient quatre candidats au lieu de trois par commune pour chaque conseil municipal. Le gouvernement aurait pu avoir fait d’une pierre deux coups puisque avec quatre candidats, le quota aurait pu avoir été augmenté Á  50%. C’est plus facile de jouer avec des nombres pairs quand il s’agit de 30% de candidats. Selon ces amendements, les candidats ne doivent plus habiter la localité où ils poseront leur candidature. Mais toute l’idée des collectivités locales repose justement sur la proximité et les conseillers doivent habiter leur commune. C’est une condition sine qua non car ils doivent connaître tous les problèmes de leur localité.
Depuis plusieurs années, GL travaille avec toutes les collectivités locales Á  Maurice afin qu’elles deviennent des centres d’excellence. Ce faisant, nous avons vu comment les conseillères ont transformé la vie des gens de leur commune. Malini Seewoksing, ancienne conseillère Á  Curepipe et actuelle parlementaire, peut témoigner Á  cet effet.

Les conseillères aussi bien au niveau municipal que villageois travaillent main dans la main avec la communauté, la police, les organisations non gouvernementales et les Family Support Bureaux. Ils traitent des questions fondamentales courantes et connaissent tous les problèmes au niveau de la base. Les conseillères sont les héroÁ¯nes méconnues de Maurice. Elles pratiquent une politique de portes ouvertes et les gens viennent frapper Á  leurs portes de jour comme de nuit.

Satyam Chummun a raconté Á  GL comment elle a aidé les gens lorsqu’elle était conseillère de village Á  Triolet. « Je sais que les femmes souffrent davantage. Les habitants de la localité venaient frapper Á  ma porte Á  toute heure de la nuit lorsqu’ils avaient des problèmes et il était de mon devoir de trouver des solutions Á  leurs problèmes. Les villageois ont été choqués de voir une femme en sari grimper sur un camion. C’était important pour moi de le faire pour m’assurer que les techniciens faisaient leur travail correctement afin que les femmes et les enfants ne souffrent plus en raison de rues et de ruelles obscures et non éclairées ».

Marie Michelle Lepredour, conseillère et adjointe au maire Á  Curepipe, a raconté Á  GL comment elle aide la Cité Mangalkhan, région périphérique de la ville où elle a été élue. «Je n’hésite pas Á  rechercher un soutien financier ou en nature lorsqu’il y a un drame dans la région. En cas de mortalité, les familles ont besoin de chaises et d’autres choses et je les aide Á  les obtenir. Certains parents ne savent pas comment faire admettre leur enfant Á  l’école et je les accompagne pour les aider Á  le faire. Je remplis même les fiches d’inscription pour eux. Parfois, les enfants vont Á  l’école le ventre vide et sans casse-croÁ»te dans leur sac. Je m’assure qu’aucun enfant ne soit laissé de côté et que tous les enfants de la localité aillent Á  l’école le ventre plein ».

Nous vivons dans un pays où chaque matin lorsque nous écoutons les informations, les médias nous accueillent avec des histoires sordides de filles et de femmes torturées, violées et assassinées ou traitées comme des paillassons ou des animaux. Les femmes portent sur leurs épaules le poids de la pauvreté et de la violence. Nos personnes âgées sont Á  la merci d’auteurs de violence et d’autres prédateurs. Avec des outils appropriés, les conseillers vivant dans leur localité peuvent aider Á  réduire ces problèmes.

Nous faisons donc un appel Á  tous les partis politiques pour qu’ils s’assurent que lorsqu’ils alignent des candidats aux élections locales de juin 2015, les candidats choisis habitent les communes où ils se porteront candidats et qu’il y ait au moins 50% de candidates femmes Á  briguer le suffrage.

Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de GL et membre du conseil d’administration de cette organisation non gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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