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« Sans l’appui de la CJ, j’aurais été privée de mes droits. Mon problème conjugal n’avait pas été résolu pendant trois ans. Moi et mon mari, nous avons divorcé en 2007. Le tribunal a rendu son verdict selon lequel nos biens communs devaient être équitablement partagés et que j’allais bénéficier d’une pension alimentaire mes deux enfants. Mon ancien époux n’a pas tenu compte du jugement. J’ai fait appel Á un avocat mais rien n’était acquis », raconte cette femme qui veut rester anonyme.
Créée en 2007, la Clinique Juridique Á Andohatapenaka ou Trano Aro Zo en malagasy, est semblable Á une structure de juridiction. Elle a été mise en place par le ministère de la Justice et le Centre de Développement d’Andohatapenaka, en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
R.D.L est commerçante. Elle vit dans la commune Fihaonana qui se trouve dans le district d’Ankazobe et dans la région d’Analamanga. Cette ville se trouve Á une soixantaine de kilomètres Á l’ouest d’Antananarivo, la capitale, sur la route nationale qui relie celle-ci Á Mahajanga.
C’est par ses clients que R.D.L qui ne percevait toujours pas son dÁ», a appris l’existence de la CJ Á Andohatapenaka. C’est ainsi qu’elle s’est rendue Á Antananarivo. « En septembre 2009, je suis allée Á la CJ. J’ai expliqué Á la responsable ce qui m’était arrivée et toutes les démarches que j’ai engagées depuis pour obtenir mon dÁ». Je suis revenue une semaine après avec tous les dossiers. La CJ a convoqué mon ex-mari et quelques jours plus tard, elle m’a convoquée également pour un face-Á -face avec mon ancien époux, en présence d’un responsable de la CJ. Nous nous sommes expliqués et on a parfois frisé les altercations ».
Son ex-mari pense qu’elle a porté plainte contre lui. Elle lui a expliqué qu’elle ne voulait que ce qui lui était dÁ» et était venue prendre conseil. «J’ai revendiqué mes droits. Nous nous sommes séparés sans être tombés d’accord ».
Didier Randrianaivo, coordonnateur des activités au sein de la CJ, explique que la responsable, qui a assisté Á la confrontation directe, a pris note des deux versions. « Que les parties s’entendent ou pas, le responsable dresse un procès verbal qui n’est pas un simple papier mais a une force juridique ».
La CJ a alors conseillé Á la plaignante de s’adresser Á une autorité judiciaire avec les documents qu’elle avait déjÁ préparés. Accompagnée de deux employés de la CJ, elle s’est Á nouveau présentée devant le tribunal et après quelques jours, le tribunal a ordonné Á son ex-mari de respecter ses engagements pris devant la Cour lors du divorce. « Il a accepté et a cédé la maison. En contrepartie, il m’a demandé de ne pas insister sur le versement de la pension alimentaire et j’ai accepté car mes enfants ont déjÁ dépassé l’âge requis par la loi pour pouvoir en bénéficier ».
R.D.L est enchantée de l’encadrement reçu auprès de la CJ. « Souvent, on considère que les femmes n’ont ni les moyens, ni la force de réclamer leurs droits et de se faire entendre. A la CJ, elles sont entendues ». Ce service est gratuit. Dans le cas de R.D.L, la CJ lui a même payé ses frais de déplacements de chez elle jusqu’Á Antananarivo.
Les femmes sont nombreuses Á se plaindre auprès de ce système de juridiction. Selon Didier Randrianaivo, sur les 3 000 dossiers enregistrés depuis la création de la Clinique Juridique il y a trois ans, plus de 2 200 émanent de femmes ou de jeunes filles, soit 75 % du nombre total de plaignants.
Il l’explique par le fait que dans la société malgache, certains hommes n’ont que faire des problèmes légaux. Ils pensent que leur rôle se limite de chercher de l’argent pour nourrir leurs familles. C’est aussi une question de temps. Les hommes ne restent pas souvent Á la maison. Ils vont travailler le matin et ne rentrent chez eux qu’Á la nuit tombée. «D’autres font le commerce ambulant en brousse ou dans des villes, loin de leur foyer. Ils n’ont pas le temps de nous consulter ou d’aller dans les bureaux administratifs ».
Une autre raison est que des familles malgaches sont souvent des familles monoparentales, soit composées d’un seul parent. C’est souvent la mère avec ses enfants. Evidemment, en tant que chef de famille, c’est elle qui prend toutes les responsabilités.
La CJ est en quelque sorte une justice de proximité, un tribunal délocalisé. Mais, elle ne prétend pas se substituer Á un tribunal judiciaire. Les cas qu’elle peut traiter sont limités Á des conflits communautaires. La CJ ne rend pas de verdicts mais cherche des solutions pour réconcilier les parties en conflits. Elle Å“uvre également pour la sensibilisation des citoyens sur les droits humains.
Les violences conjugales constituent une grande partie des plaintes déposées Á la CJ d’Andohatapenaka. Sur 400 dossiers reçus dans un mois, 50 portent sur des conflits conjugaux. Les autres cas concernent des litiges fonciers, des conflits de voisinages, du tapage nocturne, de l’escroquerie et d’autres conflits communautaires.
Herimanda Rakotomalala est journaliste Á Madagascar Tribune. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Pour que les Malgaches connaissent mieux leurs droits…