Pères célibataires: Ils assument totalement ce statut

Pères célibataires: Ils assument totalement ce statut


Date: October 19, 2015
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Maurice, 19 octobre: Ils sont des hommes. Mais se disent avant tout des pères Á  part entière malgré leur situation de célibataire. Comparés aux mères qui élèvent seules leurs enfants, les rôles multiples des pères célibataires passent inaperçus dans la société. Pour cause, depuis des dizaines d’années, la société et la presse en général, nous ont servi l’image des mères célibataires frêles et sans le sou, délaissées par leur conjoint, qui doivent trimer du matin au soir pour subvenir aux besoins de leur famille monoparentale. Et de leurs nombreuses difficultés Á  concilier leur rôle de mère et de femme active.

Toutefois, même si aujourd’hui, beaucoup d’entre elles continuent Á  faire face Á  ce genre de situation, il n’empêche que des modèles de réussite chez les femmes en situation de monoparentalité ne manquent pas Á  Maurice comme ailleurs. Mais au chapitre de la monoparentalité, la situation des mères célibataires fait de l’ombre aux papas qui traversent la vie en solo et leurs rôles sont très peu exposés dans les medias alors qu’ils pourraient servir d’exemples Á  d’autres qui se retrouvent dans la même situation. Ou encore pour susciter l’admiration et briser les stéréotypes qui collent Á  la peau des papas perçus comme des êtres autoritaires et dont l’unique rôle serait de subvenir aux besoins matériels de leurs enfants.

Gianni Sutton, âgé de 37 ans, est l’exemple qui balaie d’un revers de main ces étiquettes. Après l’échec de son mariage il y a environ trois ans, il s’est retrouvé seul Á  élever ses deux filles, Peyton, huit ans et Melissie, cinq ans. Un bouleversement total dans la vie de ce Mauricien établi en Angleterre depuis de nombreuses années. «Le changement a été brutal, d’autant que toute ma famille se trouve se trouve Á  Maurice. Elle n’était pas lÁ  physiquement pour m’aider Á  traverser cette épreuve. Mais petit Á  petit, j’ai commencé Á  m’adapter. Le plus dur était de m’organiser », confie-t-il.

Aujourd’hui, c’est d’une main de maitre qu’il concilie sa vie de papa en solo et sa vie professionnelle. «On parle beaucoup des mères célibataires alors que le rôle des pères célibataires est moins connu, moins valorisé alors qu’ils se dévouent tout autant pour nos enfants. Pour moi, c’est un cadeau d’être père et j’assume encore mieux mes responsabilités maintenant. Chaque matin, je me lève tôt, je prépare mes filles pour l’école. Je prépare leur petit déjeuner et leur déjeuner. Côté cuisine, il n’y a plus aucun problème. Le seul hic que je rencontre est lorsqu’il faut les coiffer », dit-il sur un ton amusé.

Et lorsqu’on lui demande s’il existe une différence entre une femme en situation de monoparentalité et celui d’un père dans le même cas, Gianni Sutton répond d’emblée qu’il n’y en a strictement aucune. «Lorsqu’elles rentrent de l’école, je leur donne leur bain. Ensuite, je les aide Á  faire leurs devoirs et après on dine. Je suis Á  la fois la mère et le père. C’est certain que je ne peux combler l’absence de leur mère. Mais mes filles ont tout de même la chance de la voir chaque jour car elle habite dans le même quartier que nous. » Il ajoute que: «J’apprécie chaque minute que je passe avec mes enfants. Elles sont ma vie. Actuellement, nous apprenons Á  préparer des cup cakes. C’est un réel plaisir. »

Certains pères se retrouvent seuls après la mort de leur femme. C’est le cas de Jean-François Gaiki. Agé de 40 ans, sa vie a complètement basculé en 2010 Á  la mort de sa femme Mary-Jane, âgée de 23 ans. Cette dernière a accouché d’une petite fille par césarienne le 7 novembre avant d’être autorisée Á  rentrer chez elle deux jours plus tard alors qu’elle présentait une forte fièvre.

«Elle n’était pas bien. Le lendemain de son retour Á  la maison, je l’ai reconduite Á  l’hôpital où un médecin lui a donné des médicaments et lui a dit qu’elle pouvait retourner Á  la maison. Le soir, elle allait encore plus mal. Nous sommes donc repartis Á  l’hôpital. Une fois de plus, on lui a demandé de retourner la maison. Et le 14 novembre, elle a été admise Á  l’unité des soins intensifs où elle est décédée le 8 décembre », raconte Jean-François qui est toujours meurtri par la tragique disparition de son épouse. A la suite de cette affaire, quatre médecins de l’hôpital où Mary-Jane s’était présentée ont été suspendus de leurs fonctions alors que deux autres ont été limogés avec effet immédiat.

«Au début, j’ai lutté pour que ma femme obtienne justice. Mais Á  chaque fois je revivais ce moment douloureux et j’ai donc stoppé mes démarches pour me concentrer uniquement sur l’avenir de ma fille Kelly-Jane qui a maintenant quatre ans », explique Jean-François, la voix chargée d’émotion. Epaulée par sa mère dans ses tâches quotidiennes, il concède que l’aide de cette dernière lui est très précieuse. «Je quitte la maison Á  sept heures chaque matin pour aller travailler. Lorsque je pars, ma fille dort encore. Donc, c’est ma mère qui s’occupe d’elle, la prépare pour aller Á  l’école et qui la récupère dans l’après-midi. Et lorsque je rentre de ma journée de travail, je profite pour passer du temps avec elle, pour préparer le diner, faire un peu de lecture et même faire des balades dans le quartier », raconte-t-il en affirmant que rien ne pourra remplacer l’absence de son épouse Mary-Jane. Contrairement aux veuves qui touchent une pension de l’Etat après la mort de leur époux, les veufs par contre n’obtiennent rien. Pour Jean-François Gaiki, cela constitue une énorme discrimination Á  l’égard des hommes.

«Je me demande toujours ce que j’aurais fait si ma mère ne vivait pas sous le même toit que moi. Comment aurais-je fait pour payer la garderie? » se demande-t-il. Il est d’avis que le gouvernement devrait revoir cette question pour plus de justice et d’équilibre de traitement entre homme et femme. Et ce n’est pas Darmen Appadoo de SOS Papa qui dira le contraire. Cette association milite pour les droits égaux des papas depuis de nombreuses années. «Il faut appliquer l’égalité Á  tous les niveaux. Il est inconcevable qu’un homme qui perd son épouse ne touche aucune pension alors que lui aussi doit subvenir aux besoins de ses enfants Á  même titre que la femme qui a perdu son époux », précise ce dernier.

Et ce n’est pas Charlotte qui dira le contraire. L’ainée d’une fratrie de deux enfants, elle a vu son père trimer du matin au soir pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille lorsqu’il a perdu sa femme, cadre dans le secteur privé, dans un accident de la route il y a de nombreuses années. «En grandissant, j’ai trouvé cela très injuste. Car logiquement, mon père aurait dÁ» toucher une pension de veuf. Mais il n’y a rien de tel dans la loi. Durant des années, j’ai vu mon père bosser comme un malade pour que nous ne manquions de rien, mon frère et moi. Il sacrifiait ses week-ends au travail pour gagner de l’argent. C’était horrible car j’avais l’impression d’avoir perdu mes deux parents d’un seul coup », raconte la jeune femme aujourd’hui âgée de 24 ans. Mais son père dit-elle, est le meilleur père qui existe dans le monde. «Il nous a prouvé chaque jour Á  mon frère et Á  moi que nous étions les seuls qui comptaient pour lui depuis que maman est décédée. Il voulait notre bonheur et c’est toujours le cas. Les pères célibataires méritent beaucoup plus de considérations. » Car qu’ils soient pères ou mères célibataires, ils endossent les mêmes rôles et sont Á  pied d’égalité. Mais sur un plan juridique, l’égalité a encore du chemin Á  faire pour les veufs.

Laura Samoisy est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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