Questions et réponses


Date: December 14, 2013
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Maurice, 14 décembre: Maurice est en état de choc. Une fillette de dix ans qui se saisit d’un couteau et poignarde Á  mort un homme de 51 ans, cela a de quoi préoccuper.

Qu’est-ce qui est passé par la tête de cette enfant ?

Où et comment a-t-elle eu la force de commettre un tel acte ?

Qui a jamais remarqué que la fillette était malheureuse et triste ?

Qui a remarqué un changement de comportement chez elle ?

Qu’ont fait ses parents, sa famille élargie, ses amis et instituteurs ?
Nous sommes tous restés silencieux. Je pourrais continuer Á  m’interroger sans fin. Mais qu’un quotidien placarde sur sa Une « Sauvée par son âge » n’est pas que jeter de l’huile sur le feu mais c’est déjÁ  en soi un jugement par ce titre. La fillette n’a pas encore été jugée et pourtant, ce titre de Une l’a trouvée coupable.

Où allons-nous ?

Que faisons-nous ?

Que pouvons-nous faire?

LÁ  encore, je pourrais continuer cet interrogatoire sans discontinuer. Durant les deux dernières années, Gender Links a organisé des formations Á  l’intention des journalistes sur la couverture médiatique sensible au genre pour les différents thèmes du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement. Le dernier en date avait trait Á  la violence basée sur le genre. En marge de la campagne des 16 jours contre la violence basée sur le genre, nous avons invité les journalistes Á  nous rejoindre dans les localités afin de rencontrer les survivantes de violence basée sur le genre, les représentants d’organisations non-gouvernementales et les conseillers et pour qu’ils prennent connaissance des plans d’action élaborés pour lutter contre cette violence.

Nous les avons invités Á  visiter le site de Gender Links et Á  remplir les cartes de score du genre afin que les médias prennent conscience de leurs propres attitudes. Certaines entreprises de presse ont délégué des journalistes alors que d’autres avaient des questions plus importantes Á  traiter que de prévenir le traumatisme tel que vit actuellement cette jeune enfant.

Lors de la présentation de l’étude de Gender Links intitulée « War@Home – Gender Based Violence Indicators », les participants ont eu des larmes aux yeux lorsque je leur ai raconté l’histoire d’une enfant fragile, vendue par sa grand-mère biologique Á  un vieil homme. Celui-ci la violait chaque nuit sous le toit de sa mémé. L’enfant ne pouvait se saisir d’un couteau car l’homme pesait sur elle de tout son poids. Mais si elle avait pu en avoir un, elle l’aurait poignardé également. Au lieu de quoi, elle a préféré en parler Á  un voisin qui l’a conduite Á  la police. Au moins dans ce cas-lÁ , elle a pu s’ouvrir Á  quelqu’un qui l’a écoutée et prise au sérieux.

Combien d’adultes écoutent les enfants ?

Combien d’instituteurs et d’enseignants réalisent que leurs élèves sont tristes et ont besoin d’une attention spéciale ?

RevoilÁ  les fameuses questions qui restent sans réponse. Jusqu’Á  quel point Ariane Navarre-Marie, ancienne ministre de la Femme, a raison lorsqu’elle dit que nous devons « tirer des leçons de ce cas ». Cette enfant n’a pas eu le soutien approprié alors qu’elle était traumatisée. D’où ma série de questions.

Vidya Narayen, l’Ombudsperson for Children, souligne d’un autre côté « qu’il y a la loi et l’esprit de la loi. L’enfant peut être une victime ou un agresseur mais elle est toujours une enfant ». Rita Venkatasamy, directrice du Centre d’Education pour l’Enfant Mauricien, sait de quoi elle parle quand elle dit « que la culture de violence est présente dans notre société. Une approche globale est nécessaire. Nous avons besoin plus encore de protéger nos enfants Á  la maison ». « La paix commence Á  la maison » a été le leitmotiv de Gender Links durant les dix dernières campagnes des 16 jours contre la violence envers les femmes et les enfants. C’est d’ailleurs avec ceci Á  l’esprit que l’Union européenne nous a aidés Á  imprimer et lancer 10 000 brochures sur la violence basée sur le genre Á  Maurice, avec les numéros d’urgence Á  contacter.

Nous devons nous estimer chanceux d’avoir un directeur des poursuites publiques, Ajit Boolell, et une ministre de la Sécurité sociale, Sheila Bappoo, qui agissent avec promptitude car autrement, cette enfant aurait été traduite devant une cour juvénile et fort probablement placée dans un abri ou même derrière les barreaux.

Sheila Bappoo s’est comportée en chef d’Etat lors de sa prestation télévisée et nous la saluons pour cela. Si seulement Bappoo avait fait école, cela aurait permis de mettre un frein Á  ce fléau social.

A travers le National Institute for Civil Education, qui tombe sous tutelle du bureau du Premier ministre, Gender Links a réussi Á  toucher environ 400 élèves. Durant la courte heure qui nous était impartie, nous avons parlé du lien entre la relation de pouvoir et la violence et nous savons que ces élèves de 15-16 ans ont réalisé qu’ils doivent informer leurs enseignants ou leurs recteurs lorsqu’ils voient des visages tristes. Ils ignoraient qu’ils pouvaient prévenir un suicide ou la violence rien qu’en avertissant les autorités Á  propos de ce qu’ils savent. Il faut dire merci au bureau du Premier ministre pour nous avoir invités Á  parler aux élèves.

Cette année se termine sur une note dramatique avec une femme de 24 ans brÁ»lée vive par son mari et maintenant cette fillette qui subit cet énorme traumatisme.

Il est temps d’en finir avec la culture de « apre lamor latizann » et prenons l’engagement Á  la fin de cette année de dire «Cela suffit ! Avertissons les autorités lorsque nous sommes conscients des cas de violence et qu’il y a des visages tristes autour de nous ».

Loga Virahsawmy est la directrice du bureau francophone de Gender Links. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links et apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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