RDC : les maraîchères du site agricole de Kingabwa retrouvent leur domaine avec soulagement

RDC : les maraîchères du site agricole de Kingabwa retrouvent leur domaine avec soulagement


Date: February 26, 2015
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Kinshasa, 27 février: Les maraîchères du site agricole de Kingabwa ont poussé un ouf de soulagement ! Après une victoire gagnée Á  l’issue de sept ans de lutte acharnée contre Mukonzo Mutuza, elles ont pu reconquérir le domaine communément appelé Ngwele dans la commune de Limete Á  l’Est de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). Les maraîchers et autres riziculteurs, anciens occupants de ce lieu, vont désormais s’y réinstaller pour y exercer leurs activités agricoles comme c’était le cas auparavant.

Des bulldozers ont été mis Á  contribution pour démolir les constructions érigées sur ce site que le gouvernement avait mis Á  la disposition du département de l’agriculture et du développement rural au début des années 80. Ce site a fait l’objet d’une spoliation de la part d’un ancien agent des affaires foncières du nom de Mukonzo Mutuza. Aidé par les éléments de la police nationale congolaise et des forces armées de la RDC, ce dernier a réussi Á  faire déguerpir de ce site agricole des maraîchères et des riziculteurs qui avaient pourtant été recrutés par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) dans le cadre de premières expérimentations de culture de riz dans la ville de Kinshasa avec la bénédiction du gouvernement du jour.

Depuis cette appropriation, plusieurs tentatives de la part de ces maraîchères visant Á  rentrer en possession de cet espace qui leur avait été dévolu, ont été vouées Á  l’échec. De même, toutes les fois où elles ont tenté de saisir la justice contre Mukonzo Mutuza, elles perdaient leurs procès. Ce qui les a obligées Á  manifester Á  l’entrée principale du Palais du peuple, banderoles Á  la main, pour dénoncer la spoliation de ce site agricole de Kingabwa. Leur présence au siège du Parlement a coÁ¯ncidé avec une séance plénière où une des questions portait justement sur la spoliation de ce site agricole de Kingabwa et adressée au ministre des Affaires foncières, Robert Mbwinga, par le député national Toussaint Alonga Likili.

Le spoliateur s’était servi d’une réquisition d’information mais aussi et surtout d’un arrêté ministériel datant de 1991 que le ministre des Affaires foncières a qualifié de «faux » parce que non publié dans le journal officiel et n’ayant aucune trace dans les archives de son ministère.

« Ce site agricole constitue une véritable source de revenus pour de nombreuses familles. Autrefois, il alimentait la capitale en riz cultivé sur place, de mêmes que d’autres produits maraîchers », explique Adolphine Nzuzi, membre d’une association d’agriculteurs. Elle ajoute que les maraîchères sont fières aujourd’hui d’avoir consulté un bon cabinet d’avocats qui a géré leur affaire sur plusieurs plans, autant sur celui du droit que de la politique.
Au Parlement, tous les députés de l’opposition comme ceux du pouvoir, ont été d’accord pour que la question des maraîchères puisse trouver une issue dans leurs intérêts.

Selon le ministre Mbwinga, l’arrêté ministériel n °1.440/00159/80 du 4 septembre 1980 avait mis Á  la disposition du département de l’agriculture et du développement rural des moyens pour l’aménagement des rivières Mango, Mekobi, Bono, Bangi et Tshiangu dans le but d’alimenter le site agricole de Kingabwa.

Curieusement, une équipe composée de quatre géomètres menée par Mukonzo Mutuza et accompagnée d’inspecteurs judiciaires de la brigade criminelle du Parquet de Kinshasa/Matete et des éléments de la police nationale congolaise et ceux des forces armées, munis d’une réquisition d’information n °1.666/RI/4276/PRO23/KAM a fait déguerpir tous les occupants du site, prétextant y avoir droit selon l’arrêté ministériel n °CAB/AF/ 0106/91 du 27 mars 1991.

Malgré les différentes interventions des autorités de la place, les éléments de la police et des forces armées sont restés sur place pour le compte de Mukonzo Mutuza. C’est sur ces entrefaites que le ministre Mbwinga a pris l’engagement de procéder Á  la démolition de toutes les constructions anarchiques sur le site spolié, assurer sa sécurisation pour sa restitution au ministère de l’Agriculture, ainsi qu’annuler tous les actes administratifs passés de façon Á  ce que nul ne puisse s’en prévaloir.

Car, dit-il, «Eu égard aux éléments évoqués, j’estime que la ministre de la Justice et des Droits humains devrait être instruite afin que la juridiction compétente procède Á  la réouverture des débats sur cette affaire pour laquelle l’usage du faux est établi. Il en de même de celui de l’Intérieur, de la sécurité, de la décentralisation et des affaires coutumières afin qu’il rappelle les policiers déployés sur ce terrain qui empêchent les maraîchères de vaquer Á  leurs occupations quotidiennes ».

Le ministre Mbwinga relève que « les éléments essentiels sur lesquels la gestion foncière se trouve liée sont contenus dans l’arrêté n °CAB/AF/0106/91 du 27 mars 1991, portant sur la création de cinq parcelles dans la commune de Limete, Kingabwa, ville de Kinshasa. De l’examen dudit arrêté au niveau de la circonscription foncière du Mont-Amba, il se dégage que Mukonzo Mutusa s’est fait propriétaire des concessions de terre sur la base d’un faux arrêté ministériel identifié, portant sur la création et l’approbation de cinq parcelles de 100 hectares chacun sur le site dit Kingabwa, dans la commune de Limete ».

A la réception de cette information, les maraîchères ont chanté et dansé en l’honneur du député Alonga Toussaint qui a mené cette bataille avec courage et détermination. Car, a soutenu Safi Godelive, l’une d’entre elles, «nous croyons effectivement au rôle des élus Á  qui nous avons donné un mandat pour nous représenter ».
Pour le député Alonga Toussaint, les maraîchères ne peuvent pas être sacrifiées pour «des intérêts égoÁ¯stes de certains individus qui usent du trafic d’influence au mépris de la loi ». Selon ce juriste de formation, un individu ne peut pas s’accaparer d’une portion de plus de 500 hectares dans une ville comme celle de Kinshasa. «C’est inadmissible », a-t-il martelé.

L’on se souvient que dans cet imbroglio des maraîchères et des personnes qui les soutenaient, certaines d’entre elles ont été battues et ont subi un mauvais traitement sur l’ordre de Mukonzo Mutuza qui tenait Á  demeurer le seul maitre des lieux.

Le chef de cabinet du Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, avait assuré le député que «le ministre de l’Intérieur, de la sécurité, de la décentralisation et des affaires coutumières, ainsi que son collègue des Affaires foncières prendront les mesures qui s’imposent pour restaurer l’ordre légal et réglementaire en vigueur concernant le site de Kingabwa en faveur des maraichères ».

Certaines maraîchères appellent, cependant, Á  l’indemnisation des victimes d’arrestations arbitraires perpétrées par les agents de Mukonzo. En appliquant la loi contre l’expropriation du site agricole de Kingabwa alloué aux maraîchères et en leur restituant leur terre, le Parlement et le gouvernement congolais se conforment au Protocole de la SADC qui exhorte ses Etats membres Á  laisser aux femmes le droit Á  la propriété foncière.

Arthur Kayumba est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service d’informations de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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