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Les institutions issues des élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2011 en République Démocratique du Congo sont déjÁ installées et fonctionnent. L’Assemblée nationale siège et le gouvernement aussi. Or, comme lors de la première législature de 2006 où le cabinet ne comprenait que huit femmes, celles-ci sont toujours sous-représentées dans ces instances de décision. Pour cette deuxième législature, qui ira jusqu’Á 2016, la situation a connu encore un recul manifeste car la représentativité de la femme dans les institutions du pays a fortement diminué.
L’actuel gouvernement compte seulement six femmes contre 30 hommes. Sur ces six femmes, trois sont ministres et occupent les portefeuilles du Genre, Famille et Enfant, de la Justice et Droits humains et du Portefeuille et trois autres sont vice-ministres Á la Justice et Droits humains, au Budget et Á l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel.
A l’Assemblée nationale, la situation est identique. Sur 492 députés élus, il n’y a que 44 femmes, soit 8,94%. Le président de la chambre basse au Parlement congolais, Aubin Minaku, a même dans son discours déploré cette sous représentativité des femmes.
Il y a donc lieu de dire que le principe de la parité tel que consacré dans les articles 12 du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement et 14 de la Constitution de la RDC sont mis Á mal. Les femmes ont encore du pain sur la planche pour intégrer les instances de décision.
Pour Georgette Biebie activiste de la première heure des droits de l’Homme et formatrice en genre Á la chaire Unesco Á l’Université de Kinshasa, la forte présence des hommes dans le gouvernement n’est pas une surprise. «Cela ne me surprend pas », déclare amèrement cette mère de trois garçons. «C’est un gouvernement d’hommes. Ce sont eux qui sont Á la tête du pays. Ces hommes ne respectent pas les engagements. Ils ne respectent pas la signature du Protocole de la SADC, ils ne respectent pas la parole donnée, il ya rien de nouveau, nos hommes ne sont pas encore libérés de mentalités rétrogrades et coutumières. C’est vraiment dommage pour notre pays », regrette-t-elle.
Elle estime cependant que le pays ne manque pas de femmes compétentes qui sont capables de faire partie du gouvernement. Lorsque la femme était encore jeune fille et élève, estime-elle, elle a appris les mêmes matières que l’homme. Elle est donc capable de s’assumer parce que, quand on parle de compétences, c’est par rapport aux connaissances que l’on a, par rapport Á l’expérience. «Alors, il ne faut pas nous faire croire que dans ce pays, il n’y a pas de femmes compétentes ».
A cause des us et coutumes rétrogrades, la femme ne peut pas participer Á la gestion des affaires publiques. La Déclaration universelle de droits de l’Homme accorde les mêmes droits Á tout être humain. La femme étant un être humain, elle a donc droit de participer Á la gestion publique.
Malgré ce résultat piteux, Georgette Biebie insiste sur le fait que les femmes ne doivent pas baisser les bras. Parce que ce n’est pas du jour au lendemain qu’elles obtiendront gain de cause. «Notre combat est un long processus », pense ce professeur de toxicologie Á la faculté de Pharmacie Á l’Université de Kinshasa.
«Ce ne sont pas des choses que nous allons obtenir le même jour. Nous avons un combat rude et nous devrons nous battre jusqu’Á ce que les choses changent. Tant pis, si elles ne changent pas pour nous. Mais, j’espère qu’elles changeront pour nos enfants et nos petites filles, » martèle-t-elle, en soulignant qu’on ne peut pas instaurer un Etat de droit en RDC aussi longtemps que les droits des autres catégories sociales sont bafoués et discriminés. « Il faut que nous arrivions Á respecter les droits des uns et des autres. Pour ce faire, nous continuerons Á mener le combat en faisant entendre notre voix jusqu’au bout ».
Refusant de dévoiler sa stratégie pour les élections provinciales, municipales et locales Á venir, Georgette Biebie maximalise les chances de réussite de la femme lors de ces prochaines échéances électorales. « Je ne veux pas dévoiler nos stratégies mais nous continuons Á sensibiliser la femme pour lui faire prendre conscience qu’elle est capable de gérer les affaires publiques. Nous allons mettre tout en Å“uvre pour que les femmes raflent le plus de postes possible ». Car, pense cette quinquagénaire, lorsque la femme est Á la table de décision, elle va mieux exprimer les besoins de la population. «La femme humanise la politique ».
«Qui va chercher de l’eau Á des milliers de kilomètres, avec le réchauffement climatique où les rivières ont tari ? Qui comprendra mieux la peine de la femme qui voudrait pouvoir accoucher dans de bonnes conditions? », s’interroge Georgette Biebie.
Cette activiste de droits de l’Homme considère que seule la femme peut bien défendre la cause de la femme. Les seules solutions pour l’heure demeurent la sensibilisation et le plaidoyer.
Blandine Lusimana est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on RDC : Recul dans la représentation des femmes au gouvernement