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Goma, 24 juillet: L’eau, denrée vitale, est presque inaccessible dans la ville de Goma, capitale du Nord-Kivu, une des provinces Á l’Est de la République Démocratique du Congo. Comme la collecte de l’eau repose sur les épaules des femmes, ce sont elles ou parfois leurs enfants, qui parcourent de longues distances Á pied pour s’en procurer. Si jusqu’ici Á Goma, certains hommes flairant un bon filon, transportent de l’eau Á vélo pour la vendre Á la criée et en faisant du porte Á porte, une femme a décidé de leur emboîter le pas. Il s’agit de Louise Masika qui est l’unique femme Á exercer l’activité de porteuse d’eau dans la ville, suscitant l’admiration partout où elle passe.
Bien qu’entourée du lac Kivu, la ville de Goma est dépourvue d’eau potable. Une situation qui pousse les habitants Á parcourir des kilomètres Á pied pour puiser l’eau du lac et collecter cette denrée si vitale pour leur survie. Le hic est que ce sont généralement les femmes et les enfants qui vont chaque jour Á pied jusqu’au lac, avalant des dizaines de kilomètres pour remplir de lourds récipients qu’ils devront porter précautionneusement durant le trajet retour. Et comme dans le passé, plusieurs femmes ont été attaquées et violées par des rebelles, cette situation a fait naître dans la ville de Goma un nouveau commerce: celui de la vente de l’eau Á vélo.
Plusieurs hommes vont ainsi Á vélo puiser de l’eau au lac Kivu qu’ils transportent ensuite dans des bidons de 20 litres avant de revenir en ville et s’engager dans une vente au porte-Á -porte pour dépanner les ménages et éviter que les femmes et les enfants ne mettent leur vie en péril en se rendant au lac ou aux lointaines fontaines.
La seule femme Á exercer cette activité est la trentenaire Louise Masika, mère de six enfants. Elle raconte qu’elle a commencé cette activité informelle sans y être vraiment préparée. Son mari possédait un vélo qui restait Á la maison. Un jour, comme l’eau vint Á manquer chez elle, elle est partie Á pied comme toutes les autres femmes chercher de l’eau au lac Kivu pour la ramener dans son foyer. En cours de route, elle a aperçu des hommes Á vélos, transportant des bidons d’eau et qui retournaient en ville pour aller la vendre au public.
Mais elle n’a pas immédiatement pensé Á l’aspect commercial. Elle s’est dit qu’elle pouvait aussi se servir du vélo de son mari pour transporter de l’eau pour son ménage. Mais le lendemain quand elle est revenue du lac en transportant sur son vélo cinq bidons remplis, les personnes qu’elle a croisées lui ont demandé de leur vendre ce précieux liquide, et du coup, sans le vouloir, elle s’est lancée dans ce commerce qui l’aide Á subvenir aux besoins des siens depuis maintenant trois ans.
Louise Masika vend un bidon de 20 litres d’eau Á 200 francs congolais, soit 0,50 $. Par jour elle peut vendre dix Á 15 bidons. Avec l’argent qu’elle obtient, elle achète du matériel scolaire pour ses enfants, quand cet argent n’arrondit pas les fins de mois. « Le fait d’être la seule femme dans le domaine m’aide Á avoir plus des clients que mes collègues, » reconnait-elle.
Cette habitante de Majengo, un des quartiers populaires de la ville de Goma, se dit très fière de cette activité rémunératrice. Elle est aussi appréciée de ses ‘collègues’ hommes. Elle ajoute que ce travail lui a permis de rencontrer d’autres gens et de faire la promotion de son eau en bidons. Elle a en effet obtenu un contrat d’approvisionnement en eau avec plusieurs compagnies affectées Á des chantiers de construction.
Claude Malwira, maître d’ouvrage d’un de ces chantiers approvisionnés par Louise Masika, se dit impressionné par la volonté et la persévérance de cette femme qui met beaucoup d’énergie Á pédaler pour pouvoir respecter les échéances d’approvisionnement et être toujours Á l’heure.
Bien que cette activité lui apporte un certain confort financier, Louise Masika a de l’ambition. Elle ne compte pas demeurer puiseuse et porteuse d’eau éternellement. Elle veut aussi apprendre un vrai métier. La maçonnerie par exemple la fascine. « Je suis déterminée Á ne pas baisser les bras. Bien que je me suis spécialisée en coupe et couture, j’apprends également la maçonnerie en ce moment pour pouvoir être indépendante financièrement Á l’avenir » dit-elle.
Son mari est admiratif d’elle car son activité de porteuse d’eau ne l’empêche pas de s’acquitter quotidiennement de ses devoirs de mère et d’épouse et de se charger des tâches ménagères. «Avec cette activité, Louise m’aide énormément dans la prise en charge de notre foyer » se réjouit-il.
Bien qu’elle suscite une pointe de jalousie parmi les autres porteurs d’eau, ils lui reconnaissent un courage et un enthousiasme exceptionnels. « Je suis un peu jaloux car elle a plus des clients que nous les hommes qui exerçons cette activité avant elle. Mais je crois que son succès, elle le mérite amplement », lance un porteur d’eau avec le sourire.
Il y a toutes les chances qu’avec le changement climatique qui affecte tous les pays et en particulier l’Afrique, l’eau se raréfie sur le continent. C’est pour cette raison que les activistes du genre insistent auprès des chefs d’Etats des pays de la SADC pour que le Protocole sur le Genre et le Développement ait un addendum. En attendant, tout suggère que Louise Masika fera école…
Evelyne Luyelo est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on RDC: Une vendeuse d’eau Á vélo qui étonne Á Goma!