RDC: Réduire les pesanteurs socioculturelles pour renforcer le pouvoir économique des femmes

RDC: Réduire les pesanteurs socioculturelles pour renforcer le pouvoir économique des femmes


Date: December 4, 2014
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Kinshasa, 4 décembre: La persistance des pesanteurs socioculturelles liées Á  certaines coutumes et Á  des traditions rétrogrades demeure l’un des obstacles majeurs Á  l’intégration du genre dans les politiques et programmes de développement de beaucoup de pays de la région de la SADC, y compris en République Démocratique du Congo (RDC). Malgré quelques avancées observées au niveau de lois, dans bon nombre de régions urbaines mais surtout rurales, les coutumes continuent Á  avoir la main haute.

C’est le cas des mariages précoces et forcés qui continuent Á  peser sur les filles et les jeunes femmes en RDC. Le rapport sur les Multiple Indicators Cluster Survey 10 (MICS 10) a révélé qu’environ 10% de Congolaises sont mariées Á  15 ans. Les deux KasaÁ¯ viennent en première position avec au moins 12% de filles se trouvant dans ce cas-lÁ . Il est difficile d’obtenir des statistiques pour les mariages forcés mais selon certains observateurs sur le terrain, le pourcentage serait égal ou supérieur Á  celui des mariages précoces. Car, estiment-ils, tout mariage précoce est presque toujours forcé et quand on ajoute Á  cela le fait que des jeunes femmes pourtant âgées de plus de 18 ans, sont encore mariées sans leur consentement, le chiffre doit être encore plus élevé. Ces pratiques discriminatoires sont renforcées par diverses autres croyances religieuses et coutumières qui n’ont pourtant aucune base juridique.

En effet, quand on examine les lois, rien n’oblige les petites Congolaises Á  se marier précocement. La Constitution de la RDC, par exemple, reconnaît en son article 40 Á  chaque personne le droit social d’épouser qui elle veut: «Tout individu a le droit de se marier avec la personne de son choix et de fonder une famille.

De plus, le législateur congolais a intégré aussi dans le Code pénal, dans la loi contre toutes les formes de violences sexuelles, la loi sur la protection de l’enfant et le Code de la famille qui vient être révisé au Parlement, des dispositions pour la protection de la jeune fille. A ce sujet, la majorité civile a même été fixée Á  18 ans.

Dans le document sur la stratégie nationale d’intégration du genre, on peut également lire que « le fait que l’union matrimoniale Á  la base de la famille et de la communauté humaine se contracte aux dépens des droits humains de la femme constitue un des obstacles majeurs Á  la promotion et l’autonomisation de cette dernière et par la suite se pérennise dans la progéniture du même sexe au sein de la famille et de la communauté. »

Or, les réalités sur le terrain diffèrent. L’étude sur la situation des enfants et des femmes qui sont exploités sur les sites miniers du KasaÁ¯ occidental, publiée dans le courant de cette année par le Consortium communautaire pour la prévention contre l’exploitation de l’enfant et de la femme sur les sites miniers (COCOPEF/CAPSM) atteste bien Á  quel point les droits des femmes et des filles sont foulés aux pieds. Depuis la libéralisation de l’exploitation du diamant et de l’or en 1982, les négociants et creuseurs artisanaux jouissent d’une pleine liberté qui se traduit par des pratiques conduisant Á  l’exploitation des femmes et des enfants et ce, sans qu’ils soient le moindrement inquiétés par les autorités.

Dans ladite étude menée auprès d’un échantillon d’au moins 4000 femmes âgées entre 26 et 30 ans, 23% d’entre elles ont arrêté leurs études en raison d’un mariage forcé ou d’une grossesse; 57,6% l’ont fait par manque de moyens pour leur survie. Seules 15% de ces femmes ont réussi Á  compléter leurs études. Quand Á  leur niveau d’instruction général, il reste inférieur Á  celui des hommes car 52,7% d’entre elles sont sans instruction et 13% seulement ont entamé le secondaire. Cette situation a des répercussions sur leurs occupations. En effet, 50% de ces femmes sont dans l’agriculture et dans les carrières et les mines et 23% tiennent un petit commerce.

La province du KasaÁ¯ occidental est réputée pour son conservatisme. Les filles ne sont pas encouragées Á  aller Á  l’école. Elles sont plutôt orientées vers le mariage dès leur jeune âge, notent Irène Mbombo et Betty Malu, deux activistes de droits de la femme dans la ville de Kananga, capitale du KasaÁ¯ Occidental.

Avec de si maigres revenus, ces femmes sont totalement dépendantes de leurs maris. En effet, l’agriculture qu’exercent ces femmes n’est pas développée en RDC et particulièrement dans cette région du pays. Par conséquent, cette forme de travail ne peut générer de revenus conséquents qui permettent de couvrir les dépenses éducatives ou de soins de la famille. A cela, il faut ajouter les conditions difficiles de travail dans la majorité des carrières des mines. C’est la raison pour laquelle la plupart des femmes interrogées auraient voulu changer de vie.
Ainsi, 65% de femmes approchées dans le cadre de cette étude ont exprimé la volonté d’arrêter ce travail pour aller apprendre un autre métier tel que la couture, l’entreprenariat, l’artisanat ou encore l’agriculture formelle. La principale question est : ont-elles le pouvoir de décider de leur avenir ?

Le versement de la dot par l’homme lors des négociations du mariage donne Á  celui-ci une supériorité statutaire au sein de son futur foyer et de la communauté. Pour beaucoup de ces femmes, c’est la famille qui a décidé de leur mariage et une fois dans leur foyer, c’est l’homme qui continue Á  décider.

Il est clair que bien que les Congolaises soient protégées sur papier, dans la pratique, elles subissent ces formes de violence. Le changement de mentalités et de comportements et l’abolition de pratiques socioculturelles discriminatoires Á  l’égard des femmes et des filles sont indispensables pour atteindre l’autonomisation des Congolaises. Et pour cela, il faut de la volonté politique pour faire appliquer les lois et les autres instruments juridiques tels que le Protocole de la SADC sur le genre et le développement…

Anna Mayimona Ngemba est journaliste en freelance en RDC. Cet article fait partie de la série spéciale axée sur les 16 jours de campagne contre la violence basée sur le genre du service d’information de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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