Redonner leur dignité aux handicapés mauriciens


Date: September 25, 2010
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La ministre de la Sécurité sociale, Leela Devi Dookhun-Luchoomun, a récemment affirmé que l’intégration des enfants handicapés serait sa priorité. C’était lors de la 19e édition du François Sockalingum Award. Il s’agit d’un programme de bourses lancé par le National Council for the Rehabilitation of Disabled persons (NCRD) afin d’encourager les enfants souffrant d’un quelconque handicap Á  poursuivre leur scolarité secondaire et même des études universitaires.

Le François Sockalingum Award, lancé en 1992, a pour objectif de valoriser les personnes handicapées et de favoriser leur réinsertion sociale Á  travers l’accès Á  l’éducation. Ce programme encourage également la scolarisation chez les enfants handicapés pour qu’ils aient une mobilité sociale et trouvent un éventuel emploi. Des sommes variant entre Rs 500 et Rs 1500 mensuellement, soit entre 125 et 375 rands, sont offertes aux étudiants handicapés.

Ces derniers voudraient être autonomes. Mais ils ont besoin de l’attention de leur entourage. «Le handicapé a besoin avant tout qu’on le respecte mais il a aussi besoin d’amour et d’affection. Tout dépend aussi de la nature de son handicap. Par exemple, il y a des handicapés qui ne pourront pas digérer certains aliments et il faut y être attentif. D’autres ne pourront pas être transportés aisément vers des centres hospitaliers lorsqu’ils grandissent », explique Irène Alessandri, psychologue et directrice de l’Association des Parents d’Enfants Inadaptés de Maurice.

Il ne suffit pas de confiner l’enfant handicapé Á  la maison. Cela nuirait Á  son développement. Comme les autres enfants, il a besoin d’être en contact avec la nature et les autres et il doit aussi s’instruire. Les enfants handicapés sont d’ailleurs doués et ont de nombreux talents. De plus, il existe aujourd’hui plusieurs institutions spécialisées pouvant aider les enfants handicapés dès leur plus jeune âge et des traitements et thérapies multiples pour faciliter leur épanouissement. «Il ne faut pas que les parents hésitent Á  solliciter un accompagnement psychologique si le besoin se fait sentir. Ils doivent aussi apprendre Á  partager leurs responsabilités », déclare Véronique Wan Hok Chee, psychologue.

Récemment, Shakeel Mohamed, le ministre des Relations industrielles et de l’Emploi, a menacé de durcir les lois pour rendre obligatoire l’embauche des personnes autrement capables. Pourtant, la loi de 1996 existe pour lutter contre les discriminations envers ces personnes et donner un cadre légal aux structures oeuvrant pour leur formation et leur embauche dans nos entreprises. S’il est indéniable qu’une politique d’insertion existe, il s’avère qu’en réalité, les choses sont loin d’être réjouissantes.
Un manuel intitulé “Why and how to employ people with disabilities in Mauritius », lancé par le ministère de la Sécurité sociale, vient d’être publié. «Ce guide vient démontrer notre volonté de permettre Á  chaque handicapé d’occuper la place qui lui revient de droit. Nous voulons que la société mauricienne soit une société pleinement inclusive, qui ait Á  coeur cette importante notion de fair-play et de solidarité envers ses membres les plus vulnérables », a déclaré la ministre Dookun-Luchoomun.
En juin dernier, son ministère et celui des Petites et Moyennes Entreprises ont lancé un programme de formation d’une durée de sept jours destiné aux artisans handicapés. L’objectif étant de leur permettre de comprendre les bases de l’entrepreneuriat, les coopératives, le marketing, l’accès aux finances et l’élaboration d’un plan de business pour ne citer que ceux-lÁ .

Certains, Á  l’instar de Mervyn Anthony, sourd et partiellement muet, ont eu un coup de pouce de la chance. Ce dernier a décroché cette année son Master in Business Administration auprès du Management College of Southern Africa (MANCOSA), une institution éducative basée en Afrique du Sud. Il refusait de se contenter d’occuper le poste de clerc Á  la Mauritius Sugar Authority, fonction qu’il assumait depuis bientôt dix ans. C’est ce qui l’a poussé Á  frapper Á  la porte de la YK Business School, qui représente le MANCOSA Á  Maurice.

C’était en 2005. Il voulait poursuivre des études en gestion. «Nous avons accepté d’accueillir Mervin chez nous sur une base humanitaire. De plus, nous avons lu la détermination dans ses yeux. Il s’est montré très persuasif », explique Nazli Jaumally, directrice de la YK Business School.
Mervin a donc entrepris des études par correspondance auprès du MANCOSA, avec le soutien des chargés de cours de la YK Business School. Derrière la réussite de Mervin, il y a deux femmes: sa maman Suzie et son épouse Estelle. «C’est grâce Á  ma mère que j’ai persévéré dans mes études. Quant Á  Estelle, elle est entrée dans ma vie Á  un moment où je passais par une étape très difficile. Je voulais tout abandonner en raison de mes nombreuses déceptions. Elle m’a soutenu et m’a fait remonter la peine. C’est grâce Á  elle que je n’ai pas lâché prise », nous dit-il. Estelle est sa «lumièreÀˆ » parce qu’elle a su le regarder différemment, faisant presque l’impasse sur son handicap. Ils sont mariés depuis aoÁ»t 2007.

La question de traitement des personnes autrement capables figure dans le Protocole de la Communauté de Développement de l’Afrique australe sur la santé. Ce Protocole demande aux Etats membres d’adopter des législations et d’autres dispositions nécessaires Á  la protection des personnes handicapées. Ces mesures doivent aussi tenir compte des vulnérabilités particulières des femmes autrement capables qui doivent être notamment protégées contre «la violence sexiste ». Et «leur accès aux établissements et services de soins génésiques doit être favorisé. »

 

Le ministère de l’Education nationale mauricien est aussi conscient de son rôle dans l’intégration des enfants handicapés et Á  besoins spéciaux. Pour l’année 2009/10, l’Université de Maurice a accueilli six étudiants souffrant d’un handicap.
Le gouvernement adoptera très prochainement une série de mesures en vue d’aider les personnes handicapées Á  mieux exercer leur droit civique et cela, en conformité avec la Convention des Nations Unies sur les Droits des personnes ayant des incapacités. Ces mesures comprennent: (i) une salle de vote séparée dans chaque bureau de vote et aussi près que possible de la porte (ii) un fauteuil roulant disponible dans chaque bureau de vote; (iii) l’aménagement de rampes spéciales pour permettre l’accès aux fauteuils roulants aux salles de vote (iv) des tables Á  hauteur des fauteuils dans les isoloirs; (v) des campagnes de sensibilisation pour encourager les personnes handicapées Á  aller voter. En appliquant ces mesures, l’Etat mauricien donnera un bel exemple de facilitation de la vie des personnes handicapées.

 

Jimmy Jean-Louis est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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