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C’est dommage que le public ne voie pas son beau sourire et la joie de vivre qu’elle irradie du fait qu’elle est derrière un micro mais elle tente de les transmettre dans son timbre de voix aux Mauriciens et aux Mauriciennes qui l’écoutent.
Elle est persuadée que la musique change et transforme les Hommes. Elle l’explique en prenant exemple sur le conflit indo-pakistanais. Ennemis jurés depuis la partition entre ces deux pays en 1948, l’industrie du cinéma indien, Bollywood, n’hésite pas Á engager les meilleures voix pakistanaises pour ses films. «La culture pakistanaise, la musique, la poésie que l’on trouve dans les films indiens ont pris le dessus de cette rivalité militaire » explique l’animatrice.
Le père de Samia Haroon est Pakistanais mais sa mère est Mauricienne. Elle est née Á Maurice mais n’avait que six mois quand ses parents l’ont emmenée au Pakistan. C’est lÁ -bas, qu’elle a grandi, étudié et démarré sa vie d’adulte. A l’issue de ses études secondaires et universitaires, elle a travaillé au haut-commissariat de Maurice Á Islamabad, capitale du Pakistan. Samia Haroon est fière d’être Pakistanaise mais elle l’est également quand on lui parle de son sang mauricien. «Je suis Mauricienne et Á la fois Pakistanaise. Je suis fière d’avoir ces deux nations dans mon sang. Le Pakistan m’a donné mon ouverture d’esprit, ma franchise et mes qualités. Ma joie, et mon amour pour mes auditeurs me viennent de Maurice. »
En 2005, elle rentre Á Maurice. Elle trouve de l’emploi Á la Urdu Speaking Union. Puis en raison de ses études en médias faites au Pakistan, elle est embauchée par la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC). Puis, Radio One la recrute en 2008 et depuis, c’est une belle aventure qui se poursuit entre elle et les auditeurs.
Samia Haroon reconnaît qu’il y a beaucoup Á faire pour qu’il y ait l’égalité du genre au Pakistan mais elle insiste sur le fait que les femmes pakistanaises ne sont pas aussi mal loties qu’on pourrait le croire. «Les gens pensent que le Pakistan est un pays où beaucoup de choses sont interdites aux femmes mais c’est faux. Les Pakistanaises vivent leur vie au maximum, malgré le conservatisme qui y règne. Les Mauriciennes, par contre, ne réalisent pas la chance qu’elles ont. Au Pakistan par exemple, la femme ne peut voyager seule en autobus car les hommes qui y sont la dévisagent et la tripotent. Certains Pakistanais considèrent toujours les femmes comme leur objet de soumission mais ici Á Maurice, bien qu’il y ait des lois, des paramètres en notre faveur, les Mauriciennes ne les utilisent pas. Elles doivent évoluer car elles ont les moyens d’y arriver. Au Pakistan, c’est une toute autre histoire ».
Samia Haroon se considère comme une inspiration pour les autres femmes. «Je suis musulmane, divorcée et j’élève seule mon fils. Mais c’est dans la joie que le fais. Chaque combat qu’on veut gagner, c’est dans la joie qu’il faut le faire. Quand je venais d’entrer Á la MBC, j’ai été insultée par des auditeurs quand j’animais des programmes en ourdou. Il y a des gens qui font une confusion entre la langue et la religion. L’ourdou est une langue superbe, belle, avec des mots perses, turques et d’autres apports linguistiques. J’ai toujours gardé la même ligne de conduite et ces mêmes personnes trouvent aujourd’hui mon émission géniale. La musique, comme je l’ai dit, transforme les gens ».
Elle a de fidèles auditeurs masculins et s’en réjouit. «La plupart de ces gens ne me connaissent pas mais ils aiment ma voix et c’est cela qui est formidable. Certains disent que mêmes s’ils ne comprennent pas la langue, ils aiment ma voix. Je fais mon travail avec amour et passion. Et je respecte mon auditoire car si je ne le fais pas, il ne me montrera pas du respect. »
Pour Samia Haroon, le respect doit également s’appliquer dans les rapports entre hommes et femmes. «Quand il n’y a pas du respect, c’est comme si qu’il n’y a pas de musique et rien ne bouge, rien de change en mieux. Les femmes ne sont pas faites que pour faire le ménage et s’occuper des enfants. Certes, elles le font très bien mais elles n’ont pas été appelées Á faire que cela, » soutient l’animatrice.
Elle est catégorique, beaucoup de Mauriciennes sont encore coincées par des traditions qui remontent Á loin et qui, malgré l’évolution de la société, refusent de faire le premier pas et de changer. Samia Haroon appelle donc ces femmes Á marcher avec leur temps pour transformer leur avenir et celui de leurs semblables en général.
Leevy Frivet est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Samia Haroon: La musique et le respect de l’autre peuvent mettre fin aux conflits