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De petite taille, les cheveux longs, Sandrina a toutefois le sourire resplendissant. Mais ses yeux déversent des larmes dès qu’elle parle de sa vie. Elle n’a pas encore 30 ans mais elle a vécu des expériences traumatisantes. A son menu: prostitution, trahison et prison.
Née Á la Baie du Tombeau, région périphérique de la capitale Port-Louis, son enfance est difficile. Son père refuse de la reconnaître comme sa fille, estimant qu’elle n’est pas de lui et l’abandonne avec sa maman qui est malade. Sa mère la déclare alors. Elle ne fait par conséquent que sa scolarité de base. A 12 ans, elle fait de petits boulots Á droite et Á gauche qui lui rapportent quelque sous mais cela ne suffit pas. «Les gens avaient pitié de ma mère et de moi et nous offraient souvent une boite de lait ou un sachet de riz. Mais la plupart du temps, on ne mangeait qu’une seule fois par jour. J’étais triste pour ma maman. Elle ne méritait pas cela. Je sentais que j’étais devenue un fardeau additionnel pour elle ».
Sandrina rencontre alors deux femmes de la localité qui s’adonnent Á la prostitution. «C’étaient deux sÅ“urs. Elles ne faisaient pas le trottoir Á proprement parler mais sortaient avec des hommes précis. Elles fonctionnaient dans une une sorte de réseau informel. Elles m’ont dit qu’il y a avait de la place pour moi. J’ai accepté sans même réfléchir et Á l’époque, si je passais la nuit avec un homme, normalement j’obtenais Rs 1000, (soit quelques 30 dollars). C’était il y dix ans et cela en valait la peine. Les clients étaient des hommes d’affaires, des avocats, des jockeys mais aussi des retraités. »
Elle se prostitue ainsi pendant plusieurs années avant de rencontrer celui qu’elle va épouser. «Je l’ai connu comme client. Il n’était pas riche mais il avait l’argent pour payer. Donc, je suis sortie avec lui. Il était différent des autres. Il ne m’a jamais donné l’impression que je n’étais qu’un objet qu’on achetait pour une nuit de divertissement. Et c’est ainsi que nous nous sommes attachés l’un Á l’autre. Il m’a dit que je devais cesser de faire ce travail et m’a proposé d’être sa compagne. J’ai accepté. Je pensais vraiment qu’il m’aimait. Mais les doutes sont arrivés après, quand il est trop tard. Parce que même si j’avais arrêté le métier, je recevais toujours des appels d’anciens clients. Généralement, je ne répondais pas mais un soir, il m’a avoué que sa situation financière était précaire, qu’il devait beaucoup d’argent Á des créanciers et m’a demandé de me prostituer juste pour quelques temps, le temps pour lui de rembourser ses dettes et de ramener de l’argent Á la maison. J’ai accepté mais j’ai commencé Á être dégoÁ»té quand il a invité certains de ses créanciers Á coucher avec moi. »
Ce calvaire a duré plusieurs mois. Sandrina voulait quitter ce mari proxénète mais elle ne pouvait s’y résoudre car il lui avait donné un enfant entre-temps, un petit garçon, et elle ne voulait pas séparer l’enfant de son père. Non seulement son partenaire l’encourageait avec insistance Á se prostituer mais il était loin d’être honnête envers elle.
«J’ai su où allait l’argent que je lui donnais. Mon mari et sa famille faisaient un trafic de cannabis. Il avait besoin d’argent pour acheter et payer des gens pour qu’ils en revendent et corrompent d’autres personnes. Quand j’ai découvert cela, j’aurais pu le tuer mais j’ai pensé Á notre fils. Je me suis donc soumise une nouvelle fois ».
Sandrina ne perçoit pas le moindre sous de ce trafic. Elle n’en veut pas. « Je ne voulais pas qu’on achète ne serais-ce qu’un morceau de pain avec de l’argent sale. Je reconnais avoir été une prostituée mais je suis consciente que le trafic de drogue tue des gens innocents et détruit des familles. A chaque fois que je me montrais récalcitrante, mon mari m’insultait en me traitant de pute avec une conscience. J’ai enduré tout cela, sans savoir que le pire allait se produire ».
En effet, en 2007, la brigade anti-drogue fait une descente dans la cour familiale où vivaient Sandrina et sa belle famille et saisit du cannabis. Plusieurs personnes sont arrêtées, dont elle, son mari et sa belle-mère. Tous sont relâchés sauf elle. «Ils ont dit Á la police que le cannabis retrouvé dans la cour m’appartenait. Ils ont dit que j’étais une prostituée et qu’eux étaient des gens honnêtes et responsables. C’est ainsi qu’ils ont mis les policiers de leur coté. J’ai toujours clamé mon innocence. Mais un an plus tard, soit le 5 avril 2008, la cour intermédiaire m’a condamnée Á deux ans de prison, sans remise de peine. »
Sandrina a donc passé deux ans derrière les barreaux. Sept cent trente jours aux côtés d’autres femmes punies par la loi et dont elle dit du bien. «Il y en avait qui avaient vendu leur propre fille, d’autres qui ont tué leur mari, d’autres des passeuses de drogue qui en ont pris pour 30 ans. Mais après deux ans passés avec ces femmes, j’ai compris beaucoup de choses. Toutes voulaient juste d’une vie tranquille, avoir de quoi manger, boire, se vêtir et surtout être aimées. C’est ce dernier verbe qui a fait le plus défaut dans leurs vies. Elles ont été abandonnées par ceux qu’elles chérissaient, qu’elles adoraient. Certaines ont acceptées de purger 10 ans pour protéger un mari coupable, un homme qui pendant ces années n’a jamais rendu de visite ou n’a jamais écrit une seule lettre. J’ai repris courage en écoutant tous les soirs les récits de ces détenues dans des cellules parfois glaciales. »
En sortant de prison en 2010, Sandrina a dÁ» recommencer Á se prostituer. «Je suis sortie avec quelques personnes pour le fric parce que l’on avait incendié la maison de ma pauvre mère et il fallait de l’argent pour la retaper. Ensuite j’ai travaillé dans un salon de massage pour me faire un peu d’argent. Mais aujourd’hui, j’ai arrêté tout cela. J’ai ma dignité de femme. Je souhaite retrouver et obtenir la garde de mon fils. La vie ne m’a certes pas fait de cadeau mais ce qui est bien, c’est que j’ai encore de longs jours Á vivre et je vais tenter de changer les données en ma faveur, » affirme-t-elle, convaincue que de meilleurs jours l’attendent.
Leevy Frivet est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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— Gender Links (@GenderLinks) March 5, 2025
Comment on Sandrina la Mauricienne: une destinée marquée par la persécution