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La situation parle d’elle-même Á Madagascar: une femme sur deux accouche toute seule ou en présence d’une sage-femme traditionnelle. Si 44% des femmes reçoivent l’assistance d’un personnel qualifié durant leur accouchement, seuls 35% de ces accouchements ont lieu dans les centres de sante. Le taux de mortalité maternelle y est très élevé. En effet, il est estimé que près de 10 femmes malgaches meurent quotidiennement durant l’accouchement. Et pourtant, la sage-femme traditionnelle est une personne qui pourrait jouer un rôle clé pour la promotion de la santé maternelle.
Longtemps ignorées par la médecine moderne, les sages-femmes traditionnelles censées avoir un pouvoir divin ou transmis par les ancêtres font accoucher des femmes tout au long de l’année et cela dans des conditions ne répondant pas aux normes sanitaires. Malgré cela, elles ont toujours gardé une place importante dans la communauté malgache et continuent Á jouir de ce même prestige et la même considération.
Tout le monde a entendu la fameuse histoire de la femme qui a accouché de siamois, Mahagaga et Mahalatsa, mis au monde par une matrone traditionnelle, au fin fond de la brousse dans le sud de Madagascar il y a quelques années. Les Malgaches étaient sidérés par la façon dont ces jumeaux ont été mis au monde et vivants malgré les risques encourus.
Les matrones traditionnelles n’exercent pas qu’en brousse. Elles existent même dans la capitale malgache, Antananarivo. Beaucoup de femmes leur font encore confiance. Mais les textes en vigueur exigent que les accoucheuses traditionnelles opèrent dans des lieux où il y a des équipements sanitaires adéquats.
Mais au vu de la mortalité maternelle, il nous revient que d’après le Service de la Maternité Sans Risque du ministère de la Santé et de la Planification familiale, les accoucheuses traditionnelles jouent désormais un rôle de sensibilisatrices. Leur mission est d’identifier les signes de danger chez les femmes enceintes, de faire la promotion de l’accouchement et de la consultation prénatale au sein du centre de santé de base (CSB). Les accoucheuses traditionnelles peuvent pratiquer les accouchements.
La volonté de renforcer les capacités et les compétences de ces femmes est présente car le monde de la médecine est conscient du rôle accru qu’elles peuvent jouer. «Les sages-femmes qui s’y connaissent sont insuffisantes pour desservir une population de près de 21 millions d’habitants. Une sage-femme s’occupe des besoins de 6 600 habitants alors que la norme internationale est d’une sage femme pour 2 200 habitants », explique Bakoly Vololona Ravelonjanahary, vice-présidente de l’Ordre national des sages-femmes, comptant plus de 3600 membres, et qui n’est pas opposée au métier d’accoucheuse traditionnelle.
Elle souhaite toutefois que ces dernières puissent envoyer leurs clientes dans des centres de santé les plus proches dès qu’elles tombent sur une complication de grossesse et ceci afin d’éviter le pire. Seules les femmes vivant non loin des centres de santé ont le privilège d’être suivies de façon normale par les sages-femmes. Les femmes vivant dans les zones reculées sont par contre lésées. D’où la nécessité de renforcer les compétences des sages-femmes qui opèrent en brousse.
La formation des accoucheuses traditionnelles remonte aux années 90. Elle avait été initiée par le ministère de la Santé. A cette époque, elles recevaient des formations en accouchement. Puis diverses associations et organisations non-gouvernementales ont pris le relais. L’association Ny Tanintsika et Feed-back Madagascar ont décidé de délivrer des formations Á ces accoucheuses traditionnelles. A cette époque, près de 600 femmes vivant dans la partie haute terre sud de Madagascar où le taux de mortalité maternelle durant l’accouchement est particulièrement élevé, ont bénéficié de cette formation.
Sur le site web de Feed-Back Madagascar, Marie Dety, la vingtaine et habitant dans la commune rurale de Tsararano, située Á plus de 20 kms du centre de santé témoigne: «J’ai donné naissance Á tous mes enfants ici au village grâce Á une accoucheuse traditionnelle, qui est ma mère ! Elle a suivi toutes les formations nécessaires avec les associations Ny Tanintsika et Feedback Madagascar », explique-t-elle avant de poursuivre. «En tant qu’accoucheuse traditionnelle, ma mère m’a été d’un apport inestimable. Elle assure non seulement une naissance en toute sécurité mais veille aussi Á la survie de la mère. Donner naissance est désormais bien plus sÁ»r dans mon village. »
Quelques années plus tard, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) Á Madagascar a pris le relais en collaboration avec le ministère de la Santé. La formation de ces femmes exerçant dans des zones isolées de Madagascar comprend la reconnaissance des signes d’urgence, les gestes pour sauver les vies, ainsi que l’hygiène.
Jeanne d’Arc, 50 ans, garde encore sa notoriété dans son village natal. Cette femme aux cheveux gris est une référence dans le domaine de la santé maternelle. Après avoir suivi quelques jours de formation dispensée par le ministère de la Santé, elle encourage les consultations prénatales des femmes enceintes aux centres de santé de base pour mieux dépister les éventuelles complications durant leur grossesse.
«Les accoucheuses traditionnelles doivent suivre les femmes tout pendant leur grossesse et elles doivent être au chevet des femmes vivant dans les zones isolées et loin des centres de santé. Une formation supplémentaire est toujours la bienvenue pour vulgariser notre activité », a-t-elle souligné.
La valeur des accoucheuses traditionnelles prend de plus en plus d’importance dans un pays pauvre comme Madagascar. Elles sont les ressources additionnelles pour que le pays puisse arriver Á combattre la mortalité maternelle.
Fanja Razafimahatratra est journaliste en freelance Á Madagascar. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Santé maternelle Á Madagascar: les sages-femmes traditionnelles Á la rescousse