Sexe ou viol: quelque chose ne tourne plus rond!


Date: December 1, 2010
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Lorsque l’histoire du viol d’une collégienne du Jules High School dans l’enceinte de son école a fait la Une des journaux en Afrique du Sud, j’ai eu un flash-back. Je me suis remémorée mon pire moment en tant que mère de deux filles lorsqu’elles étaient âgées de sept et dix ans.

Il y a 16 ans, mes deux princesses sont rentrées retournées de l’école un après-midi car deux hommes avaient été vus rodant non loin des douches des filles. Mes filles, avec qui je n’avais pas encore discuté de sexe, voulaient connaître la signification du mot «viol ». J’étais inhabituellement Á  court de mots. Cela me fait encore mal en pensant que le moment où j’allais initier mes filles Á  tous les rites de passage de l’enfance Á  l’âge adulte, m’était ainsi subitement dérobé et de façon cruelle.

A la veille du lancement de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence envers le genre 2010, l’actualité a été dominée par cet incident au Jules High School que certains appellent «sexe », d’autres «viol » et d’autres encore de «viol allégué ». La confusion et l’amalgame entre sexe et viol – également apparente dans le fameux procès pour viol du président Jacob Zuma il y a deux ans – est un rappel flagrant que quelque chose ne tourne plus rond dans notre société.

Dans le cas du Jules High School, on nous dit que des garçons ont drogué une fille de 15 ans mais dans le même souffle, il est dit qu’elle était consentante. Pendant 15 jours, un journal a paru avec trois titres contradictoires en Une, Á  savoir «La jeune fille sur la vidéo était consentante », puis après une interview exclusive avec la fille, «Je ne me souviens plus de rien après avoir bu ce verre » et une semaine après, «La jeune fille admet avoir été consentante ».

La jeune fille a logé une accusation de viol pour se voir ensuite accuser de viol par une contorsion bizarre de la loi sur les délits sexuels, le Sexual Offenses Act, qui criminalise le rapport sexuel avec une fille de moins de 16 ans mais qui fait d’elle une coupable également si elle y consent.

Devant le magistrat, la jeune fille a dit qu’elle y a consenti en réalité. Que serait-il arrivé si elle n’avait pas dit cela? Quelles auraient été ses options? Aller en prison (pour s’être auto-violentée) ou faire face Á  un procès atroce où les dés sont déjÁ  pipés d’avance pour elle? Même le président du pays a été blanchi en disant qu’il n’a pas forcé la jeune femme qui le considérait comme son père Á  avoir des relations sexuelles avec lui alors qu’elle répétait de façon continue qu’elle n’était pas consentante.

L’accusatrice du président Zuma s’est exilée depuis. La jeune fille fréquentant le Jules High School est le sujet d’une vidéo téléphonique diffusée sur la toile. Si elle ne vit pas un exil physique au sens propre du terme, psychologiquement elle doit vivre l’enfer. LÁ  où les deux garçons impliqués (que les policiers n’ont pas voulu interpeller afin de ne pas les déranger en période d’examens) seront considérés comme des héros machistes, sa réputation Á  elle est celle d’une salope facile.

Je ne disculpe pas pour autant les femmes qui ont des rapports sexuels consentants et qui crient ensuite au viol. Tout comme je n’excuse pas les enfants de moins de 16 ans, qui ont des rapports sexuels, quelque soit le prétexte, dans l’enceinte de l’école. Ce que je dis, c’est quand la ligne entre le sexe et le viol est devenue si floue que nous utilisons ces termes de façon interchangeable, c’est que quelque chose va vraiment de travers. Au cÅ“ur de ce problème, il y a les relations inégales de pouvoir entre les garçons et les filles, entre les hommes et les femmes qui résultent en notre incapacité Á  distinguer quel est le comportement approprié et lequel ne l’est pas.

L’Internet n’aide pas. Avez-vous déjÁ  essayé de taper le mot «filles » sur Google? Vous vous attendez Á  voir des photos de jeunes filles qui vont Á  l’école, qui planifient leurs carrières, qui font du sport ou qui jouent. Au lieu de quoi, vous trouverez de jeunes femmes en bikinis, qui se vernissent les ongles, qui sont disponibles pour les garçons. Les photos des «garçons » en revanche les montrent chassant en groupe, pratiquant un sport, savourant leurs réussites et fièrement rebelles.

Gender Links et le Medical Research Council sud-africain ont rendu public les résultats d’une étude préliminaire sur la prévalence de la violence envers le genre dans la province de Gauteng. Ceux-ci indiquent que 51.1% des femmes de cette province ont vécu une forme de violence et que 78.3% d’hommes ont admis avoir commis une forme de violence émotionnelle, physique, sexuelle et économique sur leur partenaire au cours de leurs vies.

Une femme sur quatre dans cette province a déjÁ  vécu la violence sexuelle. Un plus grand pourcentage d’hommes (37.4%) a avoué avoir été violent sexuellement. Ce qui glace dans cette recherche, c’est que les hommes interrogés corroborent la version des femmes sondées et bien plus que ce qu’elles avancent. Et pour mettre un chiffre sur un fait connu, la recherche montre que globalement, seul un viol sur 25 est rapporté Á  la police.

A la suite du tollé populaire soulevé par la décision des autorités de poursuivre les deux garçons et la fille impliqués dans l’incident du Jules High School, les trois protagonistes devront probablement suivre un programme de «diversion ». Il serait intéressant de savoir ce que comportera exactement ce programme? Des consignes pour ne pas droguer une jeune femme? Pourquoi il ne faut pas avoir des relations sexuelles dans l’enceinte de l’école? Ou comment traiter son vis-Á -vis avec le respect qu’une Constitution ancrée dans les droits égaux demande?

Il se peut que si les filles et les garçons comprenaient vraiment ce que signifie le respect mutuel, nous aurions été en mesure de faire immédiatement la différence entre «sexe » et «viol » comme nous le faisons entre le bien et le mal. Les batailles évidentes en faveur de l’égalité du genre – comme par exemple, promulguer une loi contre les délits sexuels -, ontd déjÁ  été remportées. Ce que l’incident du Jules High School suggère, c’est que la bataille pour changer les attitudes et les mentalités ne fait que commencer.

Colleen Lowe-Morna est la directrice exécutive de Gender Links. Cet article fait partie de la campagne des 16 jours contre la violence envers le genre. Pour plus de détails sur la recherche citée dans l’article, allez sur le site www.genderlinks.org.za

 


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