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Officiellement, il y a 323 familles de squatters Á reloger. Cette situation a été propice Á l’expansion des «vrais-faux » squatters sur les terrains de l’Etat. Certains sont déjÁ propriétaires de maisons mais profitent des failles dans le système pour obtenir gratuitement un autre lopin de terre. D’autres, plus aisés, ont jeté leur dévolu sur des logements sociaux construits dans certaines régions du littoral pour les transformer en résidence secondaire. Mais dans tout cela, personne ne semble se soucier du sort des démunis sans toit, qui ont été forcés Á occuper les terres de l’Etat, se développant en une communauté.
A Dubreuil, il y avait 100 familles. Ce sont les policiers de la Special Mobile Force, aidés de différentes unités de la police, qui ont procédé Á leur évacuation. Des bulldozers ont ensuite pris le relais pour démolir complètement leurs habitations en tôle. Une enquête a permis d’établir qu’il y a 41 cas de squatters réels. Vingt six familles ont été temporairement logées dans une usine désaffectée de Dubreuil et 17 autres, dont la maison avait été épargnée par les bulldozers, vivent dans des conditions de pauvreté absolue.
Après deux mariages et quatre enfants, Marie Raymonde Rioux, 47 ans, est parfaitement consciente de ses actes. Mais c’est volontairement qu’elle a décidé de construire une maison de fortune Á Dubreuil il y a quelques mois. «C’était la seule condition pour que mon compagnon accepte de venir vivre avec moi et notre dernier enfant », explique cette femme, qui pour cela, s’est résolue Á vivre sans eau et sans électricité. Elle savait qu’un jour ou l’autre, les autorités viendraient écraser sa case. Mais c’était le seul moyen pour elle de connaître un peu de bonheur, justifie-t-elle.
Son cas n’est pas isolé. Les histoires de ménage, de familles vivant Á 12 ou 14 dans un deux-pièces sont nombreuses parmi les squatters de Dubreuil. Plusieurs des protagonistes concernés sont de jeunes couples. N’ayant pas les moyens d’habiter ailleurs que chez leurs parents ou beaux- parents, ils se retrouvent coincés dans des appartements sociaux construits par la National Housing Development Corporation où ils ont grandi.
C’est le cas de Mahendra et Meenakshi Ramdin. Il a 30 ans et elle en a 24. Ils se sont mariés en février dernier, ont vécu quelque temps Á l’étroit chez les parents de Mahendra, avant de se décider Á aller squatter. D’autres ont attendu le moment des élections générales en mai dernier pour passer Á l’action. Les autorités sont généralement plus clémentes durant ces périodes ou alors trop occupées pour s’en rendre compte. A Dubreuil, plusieurs des squatters ont pu trouver un travail auprès des propriétaires des champs de légumes aux alentours. D’ailleurs, ce sont des sympathisants et agriculteurs de la région qui leur ont offert des «brèdes » et des pommes de terre, qui ont servi Á apaiser leur faim après la démolition de leurs logis.
Saroja, une ancienne squatteuse du nord de l’île et mère de sept enfants, explique que c’est sa situation de squatteuse de longue date qui lui a permis d’attirer l’attention des autorités. «C’est Á ce moment-lÁ qu’ils ont pris conscience de notre existence. Les travailleurs sociaux et les politiciens se sont alors occupés de nous. J’ai suivi des programmes de formation. Nous avons pu nous en sortir. Mes quatre filles se sont mariés, » ajoute-t-elle.
Il est Á souligner que le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement prévoit la participation égale des femmes dans la formulation et l’application de politiques économiques. Les mesures préconisées entre autres l’accès égal Á la propriété, aux ressources et Á l’emploi.
Maurice n’est toutefois pas signataire de ce Protocole et dans le cas du squat, seule une solution Á long terme pourrait contrer ce problème. Ces familles n’auront jamais les 100 000 roupies, environ 25 000 rands, demandées comme dépôt initial pour faire l’acquisition d’un logement.
Selon Mary Jolicoeur, coordinatrice de la maison Coeur Ecoute, organisation Á l’écoute des personnes ayant un problème de logement, située Á Barkly, région Á la périphérie de la ville de Beau-Bassin/Rose-Hill, «ce problème perdure tout simplement parce que la plupart des études menées sur le logement Á Maurice ne sont pas faites comme il le faut. Dans certaines cités, par exemple, plusieurs familles vivent dans un trois-pièces. Ce sont ces mêmes personnes qui, lorsque l’opportunité se présente, iront squatter. Il y a un réel problème de promiscuité dans certaines régions de l’île et la situation n’ira pas en s’arrangeant si les autorités continuent Á feindre de voir le problème. »
Le ministre de l’Intégration sociale, Xavier-Luc Duval, estime que l’on doit considérer le problème des squatters en général pour trouver une solution Á long terme. “Les femmes enceintes qui vivaient dans cette usine Á Dubreuil, nous les avons installées dans un centre d’accueil et nous veillons Á ce que leurs enfants aillent Á l’école. Mais la seule solution serait de construire 10 000 logements. Nous ne pouvons y déroger, » constate-t-il.
«Il faut simplement avoir le courage de regarder le problème en face et de prendre les mesures qui s’imposent. Le gouvernement doit revoir sa politique de logement. Il lui faut continuer Á construire des logements sociaux et non pas attendre que le problème survienne pour penser Á la construction de nouvelles habitations. Et cette construction, de même que l’allocation de ces logements par la suite, doivent être faites en toute transparence » estime Mary Jolicoeur. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.
Jimmy Jean-Louis est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Squatters Á Maurice: l’envers du logement social