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«Ce n’est pas facile de conscientiser les couples congolais sur l’importance de la planification familiale. » C’est le constat fait par Serge Mukongo, infirmier et mobilisateur sur le terrain pour le compte de DKT, une organisation non-gouvernementale spécialisée dans la planification familiale.
Depuis quelques mois, Serge s’est engagé dans la sensibilisation des femmes et des couples Á travers un programme de santé de la reproduction. Il sillonne ainsi les quartiers périphériques de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, pour proposer des méthodes de contraception modernes aux mères de famille.
«Je me déplace toujours avec un kit composé de préservatifs et de pilules contraceptives que je propose aux femmes. En sus de cela, je leur parle des autres moyens de contraception tels que l’utilisation du stérilet ou l’introduction d’un implant ». L’objectif de cette action est d’amener les couples Á utiliser au moins l’une de ces méthodes de contraception en prenant les préservatifs ou pilules ou en acceptant d’aller se faire suivre par des professionnels dans un centre de santé.
Mais son travail n’est pas de tout repos. « Les jours de chance, sur 20 Á 30 couples visités, un ou deux d’entre eux accepteront de laisser leur femme se faire suivre dans un centre de santé », explique Serge Mukongo. Une fois au centre, la femme est obligée d’exhiber une autorisation écrite de son mari pour être examinée par les médecins, ce qui pose problème parce que la majorité des Congolais n’apprécient pas le programme de planification familiale.
Serge Mukongo plaide pour le droit de la femme d’être informée et assistée, même sans l’accord de son époux. «En ne permettant pas Á leurs femmes de se protéger, certains hommes ne tiennent pas compte du fait qu’ils exposent leur partenaire Á divers risques. »
Une autre catégorie vulnérable est celle des filles-mères. Ces dernières ne sont pas autorisées Á être examinées dans les centres de santé pour obtenir des conseils en matière de contraception. C’est la loi qui veut ça. Cette lacune légale est Á la base de beaucoup d’abus. Les filles mères se retrouvent parfois avec deux, trois, voire quatre enfants, nés de pères différents parfois.
Si ces jeunes mères, sexuellement actives, avaient été assistées et qu’une méthode de planning familial leur avait été conseillée, la RDC n’aurait pas enregistré autant de grossesses non-désirées. Serge Mukongo voudrait aussi toucher cette catégorie de personnes mais pour ce faire, la loi doit être amendée.
Une autre difficulté pour ce mobilisateur est le contact avec les femmes. « Comme je suis un homme, je rencontre souvent des oppositions de la part des femmes Á qui je rends visite. La plupart d’entre elles sont plus ouvertes et plus Á l’aise quand elles sont en face d’une personne du même sexe qu’elles. »
Bien que trouvant cela injuste, Serge Mukongo les comprend car il sait que le poids de coutumes pèse encore lourd dans la vie des Congolaises. Cela ne le décourage pas pour autant. Au contraire, c’est un défi pour lui car il est convaincu que la résolution des problèmes liés Á la santé de la reproduction passe par l’implication de tous. «Une fois, j’ai impliqué un responsable d’un camp militaire et le résultat a été que près de 12 femmes de militaires ont été se faire suivre dans un centre de santé. Le responsable en question a promis de m’aider Á convaincre d’autres ménages faisant partie du même camp. »
La situation est si alarmante qu’elle exige une implication générale pour ne pas dire nationale. En 2010, le pays a enregistré près de 3 200 000 accouchements dont un tiers, c’est-Á -dire, environ 1 250 000 sont non-désirées. Les statistiques récentes attestent d’un niveau de mortalité maternelle très élevé, soit 1100 décès pour 100 000 naissances. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement en RDC, ce pays figure parmi les six comptabilisant jusqu’Á 50% du taux global de mortalité maternelle dans le monde. »
Une des raisons pour l’expliquer sont les nombreuses naissances et celles trop rapprochées et précoces. Les femmes en âge de procréer font en moyenne 6,3 enfants et plus de 24% des adolescentes de plus de 15 ans sont déjÁ mères. Une situation attribuable au fait qu’au fil des années, l’utilisation des contraceptifs modernes a beaucoup chuté. Si entre 1981 et 1989, cette utilisation avoisinait les 15%, la courbe a fléchi Á partir de 1990, année de l’arrêt de l’aide internationale en la matière, pour atteindre les 4% d’utilisation. Actuellement, le taux d’utilisation des méthodes modernes de contraception est de 5% seulement.
Il faudrait redoubler d’effort pour retrouver ce taux de 15% atteint dans les années 80 après l’acceptation officielle par le pays de l’usage de méthodes contraceptives modernes en décembre 1972. Cela passe d’abord par l’implication du gouvernement qui est appelé Á augmenter le budget de la santé en accordant plus de la moitié de la dotation Á la santé reproductive; par la suppression des barrières socioculturelles et juridiques et par la lutte contre certaines croyances religieuses qui ne reconnaissent que la régulation naturelle de naissances.
Un budget conséquent pour la santé renforcerait aussi le déploiement sur le terrain des interventions menées notamment par Serge Mukongo en faveur de la santé reproductive.
Anna Mayimona Ngemba est journaliste en freelance en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
GL Special Advisor @clowemorna opens the floor & breaks the ice in welcoming all the different grantees with their country's @WVLSouthAfrica Conference#GenderEqaulity#CSW69 pic.twitter.com/P9zDtXcIAy
— Gender Links (@GenderLinks) March 5, 2025
Comment on Un mobilisateur de planification familiale congolais qui a du mal Á faire passer son message