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Fara Ny Aina Razafimamonjy nous rencontre au stade Malacam. Elle est accompagnée de NaÁ¯a, sa fille de trois mois. Cette jeune femme de 25 ans, qui a des allures de garçon manqué, est la première femme malgache arbitre international de rugby.
Elle a toujours aimé le sport, en particulier le rugby et s’est toujours mise en tête d’en faire, malgré les interdictions de ses parents qui l’ont toujours conseillé de ne pas entrer dans ce milieu de garçons. «Mon père est professeur de français et il voulait absolument que je devienne professeur comme lui. Après le baccalauréat, je lui ai proposé d’intégrer une école normale supérieure (ENS) pour y suivre des études en français. Il était d’accord mais ne savait pas que j’avais également passé le concours pour être admise dans la filière éducation physique et sportive (EPS). J’ai fini par lui annoncer que j’ai obtenu mon admission en EPS. Il a été pris au dépourvu et ne pouvait qu’accepter. C’est comme cela que j’ai pu faire des études en sport », explique-t-elle.
Ayant obtenu son diplôme en 2008, elle a pris goÁ»t Á la pratique du sport comme lorsqu’elle était championne du 100m et du 200m plat durant le championnat national d’athlétisme scolaire en 1999. Elle a ensuite intégré le club de basket-ball du BBCM avant d’être le fer de lance de l’Asc Aro en handball. De nature insatiable, elle a redécouvert la passion du rugby qu’elle avait éprouvé Á l’école primaire du temps où elle se battait avec son professeur pour pouvoir jouer avec les garçons.
Mais cette redécouverte a pris la forme de l’arbitrage. « J’ai suivi des cours d’arbitrage en cachette. Ce n’est que lorsque j’ai obtenu mon diplôme en 2004 que ma famille a su que j’étais dans le milieu du rugby. Depuis, je suis passé d’arbitre régional Á arbitre national et international. Ma plus grande expérience a été l’arbitrage du tournoi Development de la Confédération africaine de rugby Á Maurice en 2008 qui a vu la participation de la Tanzanie, de Mayotte, Maurice et la Réunion », se souvient-elle.
Fara Ny Aina impressionne par son parcours scolaire et sportif mais aussi par sa détermination Á faire ses propres choix et prendre des risques. Elle a toujours soif d’apprendre et d’élargir ses connaissances en suivant des formations sur le rôle et la responsabilité des éducateurs sportifs, des dirigeantes et dirigeants sportifs. Formations qui se sont déroulées aux Seychelles et au Maroc en 2009 et tout récemment Á Mayotte.
Parallèlement Á ses études universitaires, elle s’est toujours demandée quelle serait la discipline sportive populaire qui la ferait grandir et dans laquelle elle pourrait briller. Au bout du compte, elle a trouvé le rugby ou plus particulièrement l’arbitrage du rugby. Elle insiste sur le fait que si les femmes veulent se distinguer vraiment et apporter leurs atouts au sport, il faut obligatoirement qu’elles entrent dans un milieu d’hommes.
Elle n’a peur de rien, même si elle a été harcelée et même menacée de mort par certains spectateurs mécontents de son arbitrage. Certaines fois, les spectateurs soutenant l’équipe vaincue sont si mécontents qu’elle doit se faire raccompagner Á la maison par des policiers. C’est une battante et c’est en affrontant cette réalité pas toujours facile Á vivre qu’elle a obtenu le respect des joueurs et de celui du monde du rugby malgache en général.
« Sur le terrain, il faut toujours être près de l’action pour avoir un meilleur jugement et pour cela, il faut avoir une très bonne condition physique, voire plus que celle des joueurs. Fara Ny Aina remplit pleinement ces conditions et elle est ferme dans ses décisions. C’est un bonne exemple pour nous, les femmes arbitres. En plus, ce n’est pas facile pour une femme de diriger un match de rugby. Mais quand Fara Ny Aina a un sifflet en main, elle est le maître du jeu », rappelle Simonia Mahita, collègue de Fara Ny Aina.
En arbitrant en moyenne 44 matches en une année, le métier d’arbitre ne lui permet pas de vivre comme il faut. Elle touche entre 25 000 Á 40 000 ariary, soit entre 12 et 20 dollars américains, pour les matches de championnat national et moins quand il s’agit de championnat régional ou autre. Tout cela pour dire que si elle a choisi d’être arbitre, c’est parce que c’est une vraie passion et non pour arrondir ses fins de mois.
Pour l’instant, elle gagne sa vie en tant que professeur certifié en EPS au collège Saint Michel Itaosy. « Fara Ny Aina est un bon exemple aussi bien pour les autres femmes arbitres malgaches mais aussi pour le corps arbitral en général. C’est une femme de caractère qui sait ce qu’elle fait et qui sait également où elle va. Nous, au sein de la fédération malgache de rugby, on est lÁ pour l’aider Á accomplir son rêve de pouvoir arbitrer les grandes rencontres internationales. Pour cela, on sollicitera l’aide la fédération internationale qui pourrait lui trouver des formations et d’autres stages pour qu’elle puisse constamment se perfectionner », promet Marcelin Joseph Rakotomalala, président de la fédération malgache de rugby.
Fara Ny Aina attendra a retrouvé son uniforme d’arbitre et son sifflet Á la fin juillet après un congé de maternité. Elle veut absolument développer le rugby malgache et inciter la fédération malgache de rugby Á faire du rugby féminin Á VII une priorité. Comme toute sportive qui se respecte, elle a des objectifs. « J’aimerai apporter ma contribution pour promouvoir l’organisation de compétitions pour le rugby féminin Á VII Á Madagascar. Etant une discipline olympique, le rugby Á VII a de l’avenir et il faut partir du bon pied pour pouvoir suivre son évolution. J’aime plutôt partager que recevoir mais je ne pourrais rien transmettre si je ne suis pas l’évolution des choses. Aussi, je souhaite pouvoir aller découvrir de nouvelles expériences Á l’échelon international en arbitrant plus de rencontres Á l’extérieur ».
Dina Razafimahatratra est journaliste Á Madagascar. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Une Malgache et son sifflet d’arbitre