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Port-Louis: «Je crois que la plus grand force que les femmes emportent avec elles lorsqu’elles font de la politique au plus haut niveau, ce n’est pas d’être des figures maternelles aimantes et attentives mais qu’elles apportent un certain degré de perspectives différentes, une différente manière de voir les choses, qui sont valables pour nous tous », déclarait Nicholas Kristof, journaliste, auteur et gagnant du prix Pulitzer.
La professeure Ameenah Gurib Fakim restera dans l’histoire de Maurice comme la première femme présidente de la République qui a brisé les stéréotypes du genre. Elle a montré que les femmes peuvent y arriver par un dur labeur et de la persévérance. Elle est la seule présidente de la République qui ne soit pas issue d’un sérail politique et qui se retrouve aux plus hautes fonctions de l’Etat en raison de ses propres mérites. Tous les présidents hommes qui se sont succédé depuis 1992, Á commencer par sir Veerasamy Ringadoo et continuer avec Cassam Uteem, Karl Offman, sir Anerood Jugnauth et Kailash Purryag, étaient tous membres de partis politiques. En occupant le poste le plus élevé et le plus prestigieux de la République mauricienne, Ameenah Gurib-Fakim porte le flambeau et montre au monde que les femmes africaines et mauriciennes peuvent se hisser au sommet.
Ameenah Gurib-Fakim fait partie des femmes les plus qualifiées de Maurice et de la région. Elle fait figure de monument dans les domaines scientifiques et technologiques. Elle rejoint le club des femmes leaders. Nous sommes fiers qu’elle figure dans la cour des grandes parmi Ellen Johnson Sirleaf du Liberia, Cristina Fernandez de Larchner d’Argentine, Dalia Grybanskaite de Lituanie, Dilma Rousseff du Brésil, Michelle Bachelet du Chili, Atifete Jahjaga du Kosovo, Park Geun-hye de la Corée du Sud, Kolinda Grabar-Kitarovic de Croatie, Marie Louise Coleiro Preca de Malte, pour ne citer que celles-lÁ . Après Joyce Banda, ancienne présidente du Malawi, nous avons maintenant Ameenah Gurib-Fakim comme seule femme présidente dans la région de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC).
Ameenah Gurib-Fakim n’est pas née avec une cuiller d’argent dans la bouche mais contrairement Á de nombreuses Africaines, elle a eu de la chance d’avoir des parents qui croyaient en l’égalité du genre et en l’éducation des filles.
Jamais dans nos rêves les plus fous aurions-nous imaginé que dans une société aussi patriarcale que la nôtre, les Mauriciens parleraient d’une seule voix pour se dire prêts Á accepter une femme comme présidente de la République. Et ceci après 47 ans d’indépendance et 23 ans de République.
Ameenah Gurib-Fakim est arrivée au sommet Á travers ses réalisations au niveau national, régional et international. Briser les plafonds de verre n’est pas un travail facile en particulier lorsque le verre est particulièrement épais et dur. De nombreuses femmes sont restées scotchées au sol, entourées de débris de verre.
Je me souviens que lorsque je formais un groupe de femmes pour les inciter Á faire de la politique, un homme occupant de hautes fonctions publiques m’a demandé si je voulais placer des ‘vases Á fleurs’ Á des postes de décision. Je lui ai rétorqué qu’il y avait davantage d’hommes vases Á fleurs dans ces postes. Ameenah Gurib-Fakim vient démontrer que ce politicien a tort. Mais néanmoins, j’admets que nos femmes parlementaires ont beaucoup Á apprendre. Elles devraient suivre l’exemple de notre présidente.
Celle-ci a fait ses études universitaires en Grande Bretagne et détient un doctorat en science de l’Université d’Exeter. Elle a été la première femme Á détenir une chaire de chimie organique Á l’Université de Maurice, de même qu’être doyenne de la faculté des Sciences et pro-vice Chancelière au sein de cette même université. Elle a été la première femme Á diriger le Centre de Phytothérapie et de Recherches rebaptisé depuis le département Recherches et Innovation du Centre International de Développement Pharmaceutique. Elle fait aussi la promotion du Biopark Á Maurice.
En tant que membre fondatrice de l’association des normes sur les plantes médicinales africaines, elle a été coauteure de la toute première base de données de la pharmacopée africaine. Elle a également été coauteure et écrit plus de 30 livres sur les plantes médicinales et aromatiques. Ses réalisations sont trop nombreuses pour être listées mais il est bon de mentionner qu’elle siège sur plusieurs conseils d’administration, qu’elle est membre de plusieurs prestigieuses institutions, qu’elle a été fait Honoris Causa par les Universités Pierre et Marie Curie et de Pretoria. Elle est aussi la première femme mauricienne Á avoir décroché le prix l’Oréal-Unesco pour les femmes et la science et le prix de l’Union africaine pour les femmes et la science. Mais ses distinctions ne s’arrêtent pas lÁ . Elle a reçu la plus haute décoration mauricienne, soit le Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean et a été faite Chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques par le gouvernement français.
L’Union africaine a lancé officiellement la Décennie de la Femme africaine (2010-2020) dans l’optique de faire avancer l’égalité du genre Á travers l’accélération de l’application de décisions et des engagements mondiaux et régionaux pris en faveur de l’égalité du genre et de l’autonomisation des femmes. Lors du lancement, le président Wa Mutharika, a rappelé Á l’audience que plusieurs plans ont été réalisés et plusieurs engagements pris dans le passé mais que les femmes ne sont toujours pas pleinement émancipées. Il a souligné que cette Décennie de la Femme Africaine devrait apporter de vrais changements positifs dans la vie des femmes africaines, incluant leur participation dans tous les processus de décision. Maurice a de quoi être fier que la nomination d’Ameenah Gurib-Fakim comme présidente se situe est en droit fil avec cette Décennie de la Femme Africaine dont le premier rapport doit être soumis cette année.
L’avers du décor est moins rose car sur 15 pays de la SADC, Maurice a régressé dans le classement du pourcentage des femmes parlementaires. Le pays qui occupait la 10e place avec 19% de femmes parlementaires figure maintenant en 12e position avec seulement 12% de femmes parlementaires. Le pays est maintenant parmi les cinq pays de l’Afrique australe ayant le pourcentage le plus faible d’élues Á l’Assemblée nationale avec le Malawi, la Zambie, la République Démocratique du Congo et le Botswana.
Nous devons encourager les femmes et les filles Á s’imaginer en leaders. Nous devons oser être nous-mêmes. L’année 2015 marque la soumission du premier rapport sur la Décennie de la Femme Africaine et Maurice éclaire la voie avec la nomination d’Ameenah Gurib-Fakim comme présidente et Maya Hanoomanjee comme première femme Speaker Á l’Assemblée nationale. Souhaitons que cette dernière ne soit plus appelée «Madame Speaker Monsieur » !
Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links et membre du conseil d’administration de cette organisation non-gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Une présidente pour tous les Mauriciens