Usagers de drogues injectables Á  Maurice: Réhabiliter plutôt que punir

Usagers de drogues injectables Á  Maurice: Réhabiliter plutôt que punir


Date: June 25, 2015
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Port-Louis, 24 juin: Plus de 7000 Mauriciens prennent de la méthadone quotidiennement afin de pouvoir réduire, voire éliminer leur dépendance aux drogues injectables. Les organisations non-gouvernementales (ONG) présentant leurs bonnes pratiques lors du Sommet de Gender Links (GL) sur le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, militent pour que ces personnes soient traitées avec dignité, qu’elles aient un traitement adapté Á  leur dépendance et qu’elles bénéficient d’un suivi pour qu’elles puissent arrêter de se droguer.

Il faut savoir que les articles 16, 27 et 28 du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement ont trait au VIH/SIDA et qu’il est demandé aux Etats membres de ce bloc économique de tout mettre en oeuvre pour empêcher les discriminations contre ces personnes. Combattre les discriminations liées aux usagers de drogues injectables, tout en encadrant ces personnes afin qu’elles mettent fin Á  leur dépendance, c’est une lutte de longue haleine Á  laquelle participent les ONG Aide, Info, Lutte, Espoir, Solidarité (AILES), le Collectif Urgence Toxida (CUT), Young Queer Alliance et le Centre Idriss Goomany. Les animateurs de ces ONG s’engagent quotidiennement pour redonner aux consommateurs de drogue une chance de reprendre leur vie en main.

La méthadone, rappelons-le, est un médicament de substitution permettant aux usagers de drogues injectables de diminuer leur consommation et de pouvoir fonctionner normalement pendant six Á  huit heures, dépendant de la dose administrée. La méthadone est dispensée Á  Maurice dans le cadre du programme de réduction de risques du VIH/SIDA. Brigitte Michel, la directrice de l’ONG AILES déclare ne pas comprendre la motivation de la décentralisation de la distribution de ce médicament de substitution et l’attitude de certains fonctionnaires du ministère de la Santé qui le dispensent tous les jours dans la cour des postes de police.

Ces derniers temps, les usagers, qu’AILES nomme «bénéficiaires », allèguent que les doses de méthadone distribuées ne correspondent pas Á  la dose qu’ils sont censés prendre. De ce fait, la durée d’action de ce produit est raccourcie et les bénéficiaires ressentent des symptômes de manque. Ils sont donc Á  risque de rechute. D’autres bénéficiaires vont plus loin et parlent même de «distribution de méthadone périmée » qu’ils sont obligés d’absorber sous peine d’être arrêtés. Ils se plaignent aussi du fait que les conditions dans lesquelles ce médicament est distribué ne sont pas hygiéniques. «Il paraît que les petits gobelets sont parfois sales », rapporte Brigitte Michel.

Contactée au sujet de ces plaintes, une source proche du dossier au ministère de la Santé maintient qu’une personne a le droit de refuser de prendre sa dose de méthadone et ne peut être arrêtée pour cela. Par contre, si elle s’adonne Á  un trafic de méthadone, elle peut l’être. Cette même source précise qu’il y a un département spécifique au ministère de la Santé qui s’occupe de la vérification de la qualité de la méthadone avant qu’elle ne soit distribuée aux bénéficiaires. Donc, dit-elle, la méthadone ne peut en aucun cas être périmée. «Les doses sont calculées en accord avec les prescriptions des médecins qui assurent le suivi des bénéficiaires. Ces derniers sont obligés de respecter la dose prescrite ».

Il n’y a pas que l’application du programme de réduction de risques qui pose problème. Le nouveau certificat de moralité constitue aussi un obstacle au retour Á  une vie normale. Brigitte Michel raconte qu’un de ses bénéficiaires de 24 ans a perdu son emploi récemment. Il a été arrêté Á  l’âge de 15 ans pour possession de gandia. Autant l’ancien certificat de moralité ne détaillait pas les délits commis, autant le nouveau document l’indique. Lorsque son employeur l’a su, il l’a mis Á  la porte. «Une personne qui a déjÁ  été condamnée a payé sa dette envers la société. Elle ne devrait pas subir de la discrimination », estime Brigitte Michel.

Elle raconte que les bénéficiaires font face Á  plusieurs problèmes de ce type. Premièrement, la distribution de la méthadone est parfois inaccessible Á  certains, faute de transport pour qu’ils puissent aller récupérer leur dose. Les fonctionnaires du ministère de la Santé font aussi la loi. S’il n’y a que deux femmes Á  avoir besoin de méthadone, ils les font patienter jusqu’Á  avoir un quorum d’au moins dix femmes. De plus, le personnel hospitalier refuse de traiter les malades de l’hépatite C qui ont consommé de la drogue et qui sont encore sous son influence.

Ce n’est pas tout, explique Brigitte Michel. L’association AILES se dit perdue car elle n’a pas réussi Á  convaincre le ministère de la Santé d’adopter certaines de ses propositions par rapport Á  la distribution de la méthadone. Car ce médicament est une des meilleures solutions permettant aux usagers de drogues injectables d’en finir avec leur addiction. AILES, avec la collaboration de plus de 13 ONG, travaille actuellement Á  la constitution d’une Drug Platform et a prévu d’envoyer un document sur ce sujet au ministère de la Santé.

Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que 44% des personnes qui s’injectent des drogues vivent avec le VIH et que 97% d’entre elles souffrent de l’hépatite C. Parmi d’autres moyens de transmission du virus, il y a le partage de seringues souillées. CUT qui fait partie du programme de réduction de risques est la seule ONG Á  distribuer des seringues. Elle accompagne aussi les personnes séropositives Á  l’hôpital.

Le Centre Idriss Goomany est également actif dans le domaine de la réhabilitation et de la prévention. Il encourage l’autonomisation économique des personnes consommatrices de drogues qui veulent s’en sortir. A ceux-lÁ , ce centre offre des formations en coiffure, en couture, en cuisine, entre autres.

La réhabilitation au lieu de la condamnation est le message fort que ces ONG qui étaient présentes au sommet de GL veulent faire passer. Elles souhaitent que ce message soit entendu dans toute l’île. Loga Virahsawmy, membre du conseil d’administration de GL, soutient qu’un travail d’éducation doit être fait afin de recadrer les consommateurs de drogues injectables. Et d’ajouter qu’un espace d’accueil devrait être aménagé pour eux et pour les femmes qui sont prostituées dans la cour des postes de police afin qu’ils aient un temps de repos après avoir absorbé leur dose de méthadone.

Aurélie LodoÁ¯ska est étudiante en deuxième année Á  l’Université de Maurice. Elle fait partie des étudiants sélectionnés par Gender Links pour participer Á  la rédaction de son bulletin spécial sur le Sommet national.


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