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Maurice, 21 janvier: Les attaques Á l’acide et les immolations sont les deux formes de violence envers les femmes qui n’ont Á ce jour, pas de frontières. Ces pratiques très présentes dans des pays asiatiques tels que l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan, le Népal mais aussi dans certains pays d’Afrique comme l’Ouganda, voire l’Afrique du Sud, sont dénoncés chaque année dans la presse. A Maurice, force est de constater que les agressions par le feu Á l’encontre des femmes gagnent du terrain. Car chaque année, au moins une femme succombe Á ce genre de barbarie.
Avant de mourir, certaines victimes arrivent péniblement Á désigner le responsable de leur malheur Á la police. Dans bien des cas, ce sont les partenaires intimes qui sont pointés du doigt. Alors que dans d’autres cas, les femmes attaquées n’ont pas la chance de dénoncer leur agresseur car leur état est trop sérieux. Elles tombent dans le coma et succombent Á leurs graves brulures, rendant ainsi la tâche difficile aux enquêteurs de faire la lumière sur ces agressions fatales car il n’y a pas de témoin pouvant faire éclater la vérité et rendre justice Á la femme décédée.
Parfois, les femmes agressées défendent leur partenaire jusqu’au bout. Bien que se sachant Á l’article de la mort, elles inventent un accident domestique tout Á fait banal pour justifier leur état aux enquêteurs dans le but de protéger leur présumé agresseur par ce qu’elles croient être un « acte d’amour ». Quoiqu’il en soit, les survivantes de ces formes d’attaques sont torturées moralement et physiquement et leur réhabilitation physique et morale demeure incontestablement l’étape la plus difficile Á franchir.
Car il leur est dur d’affronter le regard des autres, de subir des commentaires désobligeants sur leur passage et d’être considérées comme des monstres vivants, parfois au sein même de leur entourage. Ce sont lÁ des atrocités supplémentaires auxquelles sont confrontées les survivantes de ces drames. Les raisons derrières ces crimes sont souvent les mêmes. Les victimes sont attaquées parce qu’elles ont osé prendre des décisions concernant leur vie. Eh oui, certains hommes ont encore du mal Á accepter que leur partenaire puisse décider librement de sa vie et ils passent Á l’attaque et martyrisent!
Parce qu’elles ont décidé de se séparer de leur maris violents ou pas, parce qu’elles ont estimé que rester dans un foyer et subir les coups n’étaient pas la vie dont elles rêvaient et voulaient, des femmes ont étés tuées. Pire encore, sur la base de simples allégations d’infidélité, des femmes ont été immolées. Parce qu’elles ont osé vouloir rester maîtresse de leurs corps et refuser d’avoir des relations sexuelles forcées avec leurs partenaires, des femmes ont été transformées en torche vivante!
C’est hélas le sort qu’a connu Allissa l’Aiguille Packiry, une Mauricienne de 24 ans et mère d’un enfant de six ans. Sur son lit d’hôpital, elle a pu raconter son malheur Á sa famille, ainsi qu’Á la police venue la questionner sur son état. «Mon mari m’a aspergée d’un produit inflammable avant de faire craquer une allumette qu’il a jetée sur moi. Il a tenté de me brÁ»ler vive parce que j’avais refusé d’avoir des relations sexuelles avec lui car il était ivre. » Après un mois d’hospitalisation en soins intensifs, la jeune femme a succombé Á ses brÁ»lures.
La fin tragique d’Alissa l’Aiguille Packiry est révoltante. Car après avoir été attaquée sauvagement par son mari Ramalingum Packiry, 46 ans, ce dernier a refusé de l’emmener Á l’hôpital et encore moins de lui donner de quoi payer l’autobus pour s’y rendre. Il n’a même pas contacté ses proches. Il la regardait mourir Á petit feu. Ce n’est que lorsque Linda Leste, la mère d’Alissa, lui a rendu une visite surprise quatre jours après l’agression que le pot aux roses a été découvert.
« Elle faisait de la peine Á voir. Je savais qu’elle était souvent le souffre-douleur de son mari et Á plusieurs reprises, je lui avais demandé de s’en séparer, en vain », témoigne la mère de la victime qui a obtenu depuis la garde de son petit enfant. Le bourreau d’Alissa a quant Á lui avoué son crime. Pour sa défense, il a expliqué Á la Cour qu’il avait agi sous l’influence de l’alcool. Depuis, il a été placé en détention en attendant son procès. Le cas d’Alissa l’Aiguille soulève également la question du viol conjugal. Combien de femmes sont forcées de satisfaire les envies sexuelles de leurs maris ou partenaires intimes alors qu’elles disent haut et fort qu’elles ne veulent pas de relations forcées ?
Il s’agit lÁ bel et bien de viol conjugal. Mais comme ce délit spécifique ne figue pas dans le Code pénal, les victimes qui ont honte, n’osent pas porter plainte Á la police. Il est grand temps que les hommes machos changent leurs mentalités car même mariés Á une femme, cette dernière n’est certainement pas et ne sera en aucun cas leur propriété privée !
Par ailleurs, les agressions Á l’acide envers les femmes, bien que peu communes jusqu’ici dans l’ile, commencent Á se répéter. Et un cas répertorié doit être dénoncé pour dire non Á cette barbarie humaine. A Maurice, il est facile de se procurer de l’acide qui est un produit peu cher et dont la vente n’est pas contrôlée. C’est pour ainsi dire une arme Á la portée du citoyen lambda. Il suffit de quelques millilitres de ce liquide corrosif pour faire des ravages car il dissout la peau et atteint parfois l’os. Et s’il est introduit dans les yeux, il y a de fortes chances pour que la personne devienne aveugle.
En décembre 2013, la jeune Rubina (nom fictif), en passe de se marier, a été agressée Á l’acide alors qu’elle dormait profondément chez elle. Lors de l’attaque, plusieurs membres de sa famille dont deux enfants en bas âge, ont également reçu des jets d’acides sur diverses parties de leurs corps. Après enquête, un membre de cette famille a été interpellé par la police. Il a désigné le beau-frère de Rubina comme le commanditaire de cette agression. La raison de cette barbarie: le beau-frère ne supportait pas que Rubina, de qui il était secrètement amoureux, en épouse un autre ! Dans l’ultime but de provoquer l’annulation du mariage de la jeune femme, il n’a pas trouvé mieux que de s’attaquer Á sa beauté et sa féminité en la défigurant Á l’acide.
Mais ce produit corrosif a causé des dommages collatéraux car les deux jeunes enfants – neveu et nièce de Rubina – qui dormaient ce soir-lÁ aux côtés de la jeune femme, ont été les plus sévèrement touchés. Brulé au visage et sur plusieurs parties du corps, le petit garçon de sept ans, qui a perdu la vue, a dÁ» subir plusieurs opérations chirurgicales avant de rendre l’âme 25 jours après l’agression. Sa petite sÅ“ur âgée de quatre ans a également été brulée mais elle a survécu. Elle porte toutefois de lourdes séquelles de cette agression. «Elle est brÁ»lée sur le front et sur certains endroits du visage. Elle continue ses traitements Á l’hôpital. On ignore si les cicatrices vont disparaître un jour ou si elle devra vivre avec toute sa vie. Sans compter les séquelles morales que laissera cet acte sur elle. Ce drame nous a beaucoup affectés. J’ai perdu mon fils. Ma famille est encore traumatisée par l’horreur vécue. Nous sommes tous suivis psychologiquement mais c’est quelque chose qui nous hantera Á vie. Pour avoir un peu de tranquillité d’esprit et arriver Á dormir le soir, je dois avaler des somnifères », raconte le père des enfants.
LÁ où le bât blesse dans ce genre de cas, c’est que les bourreaux retrouvent parfois la liberté conditionnelle, même après avoir avoué leur crime. Par exemple dans l’affaire de Shirley Doobraz, 32 ans, brulée vive par son mari Roshan Doobraz, en 2012, ce dernier a avoué être l’auteur de l’agression, alléguant, pour se justifier, qu’il n’en pouvait plus de subir les humiliations de sa femme qui lui était infidèle. Il a été remis en liberté conditionnelle quelques mois plus tard. Quel signal donner Á la population en relâchant sous caution un présumé meurtrier qui a avoué son crime alors que plusieurs études ont démontré que ces mêmes personnes peuvent récidiver Á tout moment en faisant d’autres victimes?
Pourtant, le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement dont Maurice n’est pas signataire mais dont les idéaux correspondent Á ce qui est préconisé dans les lois du pays, demande de tout mettre en Å“uvre pour réduire de moitié le nombre de violence faites aux femmes et de veiller Á ce que les auteurs de ces actes barbares soient traduits devant un tribunal compétent. Maurice dispose de tout un arsenal de lois mais il est clair que c’est l’éducation dès le plus jeune âge au respect de la femme et de l’humain en général, qui viendra Á bout de ces barbaries.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
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