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Maurice, 2 avril: Dans toutes les sociétés, Á des degrés divers, les personnes âgées sont victimes de violences sous plusieurs formes. Mais ce phénomène de maltraitance Á l’endroit des aînés est très peu connu. Car ces derniers ont eux-mêmes du mal Á l’admettre et surtout Á en parler. Hélas, c’est un sujet encore tabou dans notre société et peu de victimes osent demander de l’aide. Facteur qui rend leur protection encore plus difficile. Parmi les formes de maltraitances les plus courantes chez les personnes âgées, on retrouve la négligence, le chantage émotionnel, la violence physique qui, dans certains cas, peut entrainer la mort. Il y a aussi les humiliations, les insultes, les menaces d’abandon, le mauvais traitement intentionnel dans le but de nuire qui font partie du lot quotidien de nombreuses personnes âgées. Accaparer les biens d’une personne dans l’incapacité de se protéger en raison de son âge avancé ou de son état physique et psychique est aussi courant.
Maurice n’est pas épargné de ces inégalités faites aux personnes âgées qui constituent une affreuse atteinte Á leurs droits constitutionnels et humains, comme en témoignent les récents cas d’agressions sur des personnes âgées dans l’ile. Et une fois de plus, le constat donne froid dans le dos car on retrouve davantage de femmes âgées victimes de ces agressions barbares.
Rien que depuis le début 2015, deux femmes d’âge mÁ»r ont été sauvagement agressées par leurs proches. L’année dernière, deux autres personnes âgées avaient trouvé la mort dans des conditions inhumaines. Certaines d’entre elles ont été abusées sexuellement avant de succomber Á leurs multiples blessures.
Ces crimes barbares ont plusieurs points en commun. Aussi choquant et révoltant que cela puisse être, les victimes ont toutes été violentées par des membres de leurs familles. Les auteurs sont soit un petit-fils, soit un neveu ou encore un voisin, pour ne citer que ceux-lÁ . De plus, le mobile de ces atrocités repose sur un seul facteur: l’argent. Et finalement, les agresseurs sont tous des jeunes de moins de quarante ans.
Dans certains cas, des mineurs sont même impliqués. C’était le cas dans l’agression de Rosita Cupidon, abusée sexuellement et battue Á mort par son neveu de 17 ans. Ce dernier s’était introduit chez sa victime dans l’ultime but de lui voler RS 65 000 qu’elle venait d’obtenir pour rénover le toit de sa maison.
Selon la police, le jeune agresseur n’en est pas Á son premier coup. Pour cause, il était déjÁ impliqué dans une affaire de viol collectif pour laquelle il a été libéré sur parole en raison d’un manque de preuves. Et c’est justement lÁ où le bât blesse, selon les observateurs de la société et ceux engagés dans la lutte contre la violence Á l’égard des femmes.
Ces activistes déplorent une absence de prise en charge des agresseurs dans le but de prévenir le risque de récidive. C’est ce qu’explique Bruneau Woomed de Men Against Violence (MAV). «L’Etat a le devoir moral de s’occuper des gens hors de contrôle. Le suivi psychologique d’un agresseur doit devenir obligatoire. Il y a une évaluation Á faire avant la libération d’un présumé agresseur. Il est temps d’introduire des programmes de réhabilitation qui fonctionnent ailleurs et qui pourraient être adoptés Á Maurice », explique-t-il.
Mais comment expliquer le fait que les agresseurs soient de plus en plus jeunes ? Peut-on associer cette agressivité Á une perte de valeurs ? En février dernier, Irelande Beerjolall, âgée de 86 ans, a été violée et battue Á mort par un homme de 27 ans que son petit-fils avait accueilli sous son toit. Le bourreau, un récidiviste notoire, a aussi abusé de la fille de l’octogénaire le jour où le drame s’était produit. Interrogé par la police, le présumé criminel a expliqué qu’il n’a pas supporté le fait que la vieille dame lui ait refusé Rs 100 pour qu’il s’achète une bouteille d’alcool.
Et deux semaines plus tard, Maurice connaissait un nouveau drame: Battasiah Gopaul, 76 ans, était battue Á mort par nul autre que son petit-fils qui avait pour habitude de la maltraiter. Quelques mois plus tôt, le petit-fils avait été arrêté et maintenu en détention policière pour s’être justement montré violent envers sa grand-mère. Mais son incarcération n’a eu aucun effet dissuasif sur lui. Encore moins le Protection Order que sa victime a reçu de la Cour. Et une fois de plus, l’argent était le mobile de cette agression mortelle.
Bruneau Woomed a une idée bien précise par rapport Á cette situation qui donne des sueurs froides. « Nous vivons dans une société où le matérialisme prime. Les jeunes sont influencés par l’appât du gain. Et pour avoir de l’argent, ils n’hésitent pas Á passer Á l’offensive. Mais nous ne pouvons pas blâmer la jeunesse dans son ensemble. Il y a un travail d’éducation Á faire auprès de la nouvelle génération. Il faut les sensibiliser quant Á la violence Á l’égard des femmes et Á la violence en général. »
Et c’est justement Á ce niveau qu’intervient Men Against Violence. Avec son équipe, Bruneau Woomen fait la tournée des écoles, des centres de jeunesses ou encore des quartiers dits « chauds » en vue de former la nouvelle génération. Leur cible: des jeunes âgés de 12 Á 22 ans. « On travaille avec les deux sexes. D’un côté pour éduquer les garçons, leur apprendre Á respecter les femmes et de toujours dire non Á la violence. Et de l’autre, on travaille avec les filles dans le but d’éveiller leurs consciences, de créer un déclic chez elles et pour qu’elles comprennent que vivre sous l’emprise de quelqu’un, se faire battre ou maltraiter verbalement n’est tout simplement pas de l’amour. Mais qu’il s’agit bel et bien d’une forme de violence. »
Toutefois, pour Manaicha Veerupen, responsable de campagne contre la violence Á l’égard des femmes au sein de la Junior Chamber International City Plus, il ne suffit pas d’un encadrement adéquat pour faire reculer la violence Á l’égard des femmes de tous âges dans la société. Encore moins se reposer uniquement sur les campagnes dans le but d’apporter du changement. «Les victimes doivent être les premières Á dénoncer leurs bourreaux et Á n’accepter aucune forme de violence. Trop de victimes ne vont pas au bout de leurs plaintes. Elles ne se présentent pas en Cour lorsque l’affaire est appelée. C’est un mauvais signal qu’elles envoient Á leurs bourreaux. »
Et qu’en est-il de la force policière, la première instance vers laquelle une victime se tourne en cas de problème ? A cette question, notre interlocutrice ne mâche pas ses mots. « Combien de fois, des femmes victimes de violence se sont tournées vers nous pour nous dire qu’Á tel ou tel poste de police, on a refusé d’enregistrer leur déposition. La raison: un policier ou plusieurs d’entre eux sont amis ou proche du bourreau. »
Mais que faire justement pour mettre fin Á cette politique de petits copains? « Miser sur la formation des policiers, les sensibiliser. Un jour ils ont affaire Á une étrangère. Mais demain, ce sera peut-être une de leur proche, une cousine, une sÅ“ur, voire leur propre mère. La force policière doit soigner son approche. Je propose même qu’une unité spéciale soit mise sur pied dans chaque poste de police pour accueillir les personnes victimes de violences conjugales, de maltraitances entre autres. »
La ministre de la Sécurité sociale, Fazila Daureeawoo a réagi après ces agressions mortelles sur les personnes âgées. Elle déplore la dégradation des valeurs et des mÅ“urs au sein de la société mauricienne. « Il est temps d’agir. Il est temps de mettre un terme Á la banalisation de la violence Á l’égard des femmes et des personnes âgées. Nous avons mis en place ce qu’on appelle le Elderly Watch. On encourage la population Á dénoncer toute forme de violence sur les vieilles personnes. Mais la maltraitance n’existe pas uniquement au sein de la famille. »
Selon la ministre, les foyers d’accueils/maisons de retraite n’en seraient pas en reste. Pour y mettre bon ordre, elle compte venir avec une nouvelle législation. «Une loi sera bientôt introduite. Chaque établissement devra obligatoirement être équipé d’un système de caméras CCTV. Un médecin Á plein temps devra être embauché aussi. Puis nous miserons sur un service de proximité, c’est-Á -dire, que les travailleurs sociaux y soient plus présents pour déceler les moindres signes de violence et en parallèle, nous multiplierons les campagnes de sensibilisation. »
Maurice n’est pas signataire du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui demande aux Etats membres de tout mettre en Å“uvre pour réduire de moitié la violence faite aux femmes d’ici fin 2015. Mais Maurice se conforme Á presque toutes les 28 dispositions de ce Protocole. Et les mesures recommandées par la ministre Daureeawoo sont en parfaite adéquation avec cet instrument régional. Reste maintenant Á savoir quand celles-ci seront appliquées.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Violences contre les personnes âgées Á Maurice: Stop Á la banalisation !