Violences envers les femmes : nous portons tous une part de responsabilité

Violences envers les femmes : nous portons tous une part de responsabilité


Date: December 16, 2013
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Maurice, 16 décembre: Tous les ans, le gouvernement mauricien et surtout les organisations non-gouvernementales comme Gender Links, organisent des manifestations pour marquer la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence envers les femmes et les enfants. Cela n’empêche pas certains hommes de continuer Á  se comporter en bourreaux envers leur partenaire intime, comme le démontre le cas de Zarina, 24 ans, brÁ»lée vive par son mari. Or, si nous faisons un examen de conscience national, nous réaliserons que nous portons tous une part de responsabilité dans tous ces drames qui se jouent bien souvent Á  huis-clos.

Quand nous ne sommes pas confrontés Á  la violence, nous la jugeons inacceptable. Mais lorsqu’elle fait partie du quotidien d’une femme, elle engendre des sentiments ambivalents qui font que la victime est souvent partagée entre l’envie de fuir cette violence et celle de rester auprès de son partenaire qui montre presque toujours des signes de repentance au lendemain d’un acte violent.

C’est un peu ça, la triste histoire de Zarina Goolamgoskhan, Mauricienne de 24 ans, brÁ»lée vive par son époux le 28 novembre dernier et qui a rendu son dernier soupir huit jours plus tard. Souvent battue et maltraitée par son époux, elle avait le réflexe de porter plainte au poste de police. Les policiers ont bien vu qu’elle avait été agressée, délit punissable par la loi.

Or, dès le lendemain, ils ont accepté qu’elle retire sa plainte et ce scénario se répétait systématiquement. Il est vrai que la loi est faite ainsi et que toute personne voulant retirer sa plainte a le droit de le faire mais il serait temps de revoir certains aspects de la loi afin que nos sÅ“urs puissent jouir d’une meilleure protection. Il faudrait par exemple, interdire Á  une femme de retirer sa plainte contre son partenaire violent quand il est clair qu’il y a eu délit et donc matière Á  poursuites.

Deuxièmement, les femmes victimes de violence conjugale devraient être suivies par un psychologue pour qu’il leur expose les possibles dangers qu’elles encourent au cas où elles persisteraient Á  vivre sous le même toit qu’un partenaire violent. Dans le cas de Zarina, la pauvre n’a pas eu, selon ses proches, de suivi psychologique durant les quatre années au cours desquelles elle a fait le va-et-vient entre sa maison et le poste de police de sa localité.

Et pourtant, le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement demande aux Etats membres de réduire de moitié les taux de violence faite aux femmes et aux filles d’ici 2015. Et même si Maurice n’a pas signé, ni ratifié ce document régional, de manière générale, l’Etat mauricien respecte la plupart de ses dispositions. Mais en matière de stratégie pour lutter contre les violences faites aux femmes, le pari est loin d’être gagné.

La mort tragique de Zarina est survenue au milieu de la campagne de 16 jours contre la violence faite aux femmes et aux enfants. Ce qui est également révoltant, c’est le fait que tout le monde dans l’entourage de cette mère de famille de 24 ans, savait qu’elle était battue régulièrement depuis qu’elle s’était mariée Á  celui qui est aujourd’hui son présumé meurtrier. « Elle me racontait son calvaire mais elle retournait toujours auprès de son époux dès que les choses s’étaient calmées », raconte avec tristesse la mère de Zarina. De son côté, la belle-mère de cette dernière était parfaitement au courant que son fils battait sa belle-fille comme du plâtre mais elle non plus n’est jamais intervenue. Ce n’est pas normal.

Mais si nous voulons vraiment situer les responsabilités, nous devons admettre que nous sommes tous coupables de la mort atroce de Zarina qui laisse derrière elle un garçonnet de sept mois. Car Á  chaque fois que l’on entend des cris et des pleurs d’une femme de notre entourage, torturée par son mari ou son conjoint, nous faisons la sourde oreille et nous légitimons notre décision en nous disant qu’il s’agit d’un problème relevant de la vie privée, que cela ne nous regarde pas. Et qu’en intervenant, nous nous attirerons les foudres du compagnon ou du mari et que nous gâcherons les rapports de bon voisinage. Or, quelque soit nos justifications, nous nous rendons complices de ces situations violentes.

Il est de la responsabilité de chaque citoyen de faire reculer la violence sous toutes ses formes envers les femmes et les enfants, de dire assez, de dénoncer ces abus pour qu’il n’y ait pas d’autres Zarina qui soit brÁ»lée vive. Dans son cas, son mari est devenu furieux et s’en est pris contre elle parce qu’elle a sollicité une aide financière pour son enfant auprès du ministère de la Sécurité sociale.

« Zarina avait dÁ» quitter son emploi après son accouchement pour pouvoir prendre soin de son fils. Elle n’avait pas les moyens de se payer les services d’une nounou, ni une crèche. Et comme son mari n’avait pas de travail fixe, elle a fait une demande d’aide Á  la Sécurité sociale. Son mari l’a mal pris, d’autant plus que les employés de la Sécurité sociale l’avaient convoqué. C’est pour cela qu’il l’a battu et a fini par la brÁ»ler sous prétexte qu’elle avait donné trop de détails aux fonctionnaires par rapport Á  leur situation financière », avance la mère de Zarina.

Comme Zarina, elles sont nombreuses les femmes Á  abandonner leur emploi pour prendre soin de leur enfant, se privant ainsi de leur droit d’être économiquement indépendantes. Or, c’est justement l’indépendance économique qui permet Á  une femme de s’assumer et d’avoir les moyens de fuir un foyer violent. Zarina, ex-enseignante du pré-primaire, quittait sa maison et son fils pour aller s’occuper des enfants des autres alors qu’elle n’avait personne Á  qui confier son enfant. Dans toute entreprise, il est temps de penser Á  l’aménagement de crèches où les employées peuvent confier leurs enfants afin qu’elles puissent travailler en toute quiétude et gagner de l’argent. Car être Á  la fois épouse, mère et femme active ne doit en aucun cas être un obstacle Á  leur épanouissement et Á  leur désir légitime de fuir un foyer violent.

Laura Samoisy est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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