Travailleuse sexuelle reconvertie: le combat permanent de Martine pour une meilleure vie


Date: October 10, 2009
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Author: Christina Vilbrin
Date: 2 September 2009
Country: Mauritius
GEM Classification: Gender aware
Genre: Opinion
Skills:
Theme: Français
Summary:  
Martine pourrait aisément passer pour un garçon avec ses cheveux coupés courts et son survêtement visiblement trop grand pour elle. A tel point qu’il est difficile d’imaginer qu’il y a Á  peine un an, elle ne portait que des talons aiguilles, des jupes ultra-courtes, des robes moulantes et qu’elle arpentait quotidiennement le trottoir du Jardin de la Compagnie, espace vert situé en plein cÅ“ur de la capitale Port-Louis et haut lieu de ‘chasse’ des travailleuses du sexe en quête de clients.

«Lorsque je pensais Á  mon avenir autrefois, je me voyais en journaliste », confie-t-elle, avec une note de regret dans la voix. Aînée d’une famille de deux enfants, Martine avait tout pour atteindre ses objectifs. Au collège, elle se distingue comme une élève intelligente, appliquée et prometteuse. Son père, qui exerce le métier de cordonnier et sa mère, une employée d’usine, sont, d’ailleurs, très fiers d’elle.

A 14 ans, toutefois, tout bascule lorsqu’elle tombe amoureuse d’un garçon qui se drogue. «Il disait que se droguer, c’était comme voguer vers d’autres contrées. Pour moi, qui vivais dans un cocon où la drogue ne signifiait rien du tout, il allait me faire découvrir un nouvel univers. J’ai voulu Á  tout prix y goÁ»ter. Je lui ai répondu que j’étais sÁ»r qu’en essayant sa drogue, moi j’arriverais Á  m’envoler », raconte-t-elle.

Son petit ami tente toutefois de la dissuader d’essayer. C’est peine perdue. Elle fait fi de ses inquiétudes. «Quand je n’aurais plus de sous pour en acheter, je ne me droguerais plus ». C’est du moins ce qu’elle croit. Après avoir fumé du cannabis pendant un certain temps, Martine passe au sirop antitussif qui la met aussi dans un état second. Pour avoir des sensations encore plus fortes, elle finit par se piquer Á  l’héroÁ¯ne. Et elle devient alors «complètement accro ».

A tel point qu’elle quitte son amoureux et fugue alors qu’elle n’a que 16 ans pour se mettre avec un dealer, un homme de 36 ans, aujourd’hui décédé. «Avec lui, c’était plus facile d’avoir mes doses. » Ils vivent dans un faubourg de Port-Louis. Martine lui donne trois enfants. L’argent commence toutefois Á  faire défaut.

C’est alors qu’elle décide de pratiquer le travail sexuel pour gagner de l’argent. «J’ai commencé Á  me prostituer pour pouvoir payer ma dose et celle de mon copain ». La drogue, poursuit-elle, finit par devenir sa seule raison de vivre. «C’était la première chose Á  laquelle je pensais lorsque je me réveillais le matin. J’avais certes un compagnon mais la drogue, c’était mon amant. Et mon corps n’était qu’un moyen de m’en procurer, comme une machine Á  sous. »

A cette époque, Martine ne pensait pas aux conséquences de ses actes. A plusieurs reprises, elle est brutalisée, parfois même par des policiers. Parmi ses clients, il y a des brutes perverses qui n’hésitent pas Á  la tabasser, Á  la violer et même Á  lui voler l’argent qu’elle a amassé au cours de la nuit. Aujourd’hui, elle fait encore des cauchemars en pensant Á  cette maudite nuit d’il y a quatre ans quand trois hommes l’ont conduite sur la plage de Balaclava, située au nord-ouest de l’île, et ont abusé d’elle Á  tour de rôle. C’est la pire séance de torture et de viol qu’elle ait connue de toute son existence.

Martine qui a, au cours de ces entrefaites contracté le VIH/SIDA, a aussi dormi dans les rues et connu la prison Á  deux reprises. Cette vie de souffrance fait aujourd’hui partie de son passé. Car depuis 2008, Martine ne se drogue plus puisqu’elle a accepté de faire partie du programme de réduction de risques et qu’elle prend de la méthadone pour se sevrer. Elle a abandonné le travail sexuel et a même trouvé un emploi dans un restaurant.

Son but est d’avoir une vie meilleure, de rattraper le temps perdu, pour ses enfants, dénombrés Á  quatre car elle a eu un quatrième enfant d’un autre compagnon qui est aujourd’hui incarcéré. «Je le fais surtout pour mes enfants que j’ai envie de voir grandir. Je me suis rendue compte que j’avais gâché ma vie ». Sa fille de 10 ans vit aujourd’hui chez ses parents. Son fils de huit ans habite chez un proche. Elle a fait adopter son troisième enfant, un garçon de 4 ans, par des Français. Son benjamin de deux ans réside chez une cousine.

Cette seconde chance, Martine la doit Á  sa volonté de s’en sortir et aussi aux animateurs de Lacaz A, une organisation non-gouvernementale qui distribue des préservatifs aux travailleuses du sexe. «Quand j’étais Á  la rue, les gens me regardaient avec mépris. Les clients me traitaient comme une bête. Je me disais que tout le monde me détestait mais c’était faux! Grâce aux animateurs de Lacaz A, j’ai renoué avec ma famille qui n’a jamais cessé de m’aimer. Je n’ai plus le droit de briser le cÅ“ur de mes parents. »

L’amour de ces derniers lui donne le courage d’être encore plus forte. «Depuis un an, je revis. C’est l’année la plus belle de ma vie. A plusieurs reprises, j’ai tenté de décrocher mais je me suis laissée tenter par des amis. Aujourd’hui, j’ai confiance en moi. Je me sens plus forte. Je ne me laisse plus influencer ». Martine ambitionne même de faire du social. Elle l’entrevoit comme une façon de se consacrer aux autres et de leur tendre une main secourable…
Christina Vilbrin est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links


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