Vente Á  la barre: une commission du surendettement Á  la française devrait être envisagée


Date: January 1, 1970
  • SHARE:

Sheila Bappoo, la ministre de la Sécurité sociale, a justifié la décision des autorités de soustraire ces enfants à leurs parents par le fait que le bien-être de l’enfant doit primer sur toute autre considération. Elle soutient que les parents n’auraient pas dû impliquer leurs enfants dans cette grève. Comme ils n’ont pas voulu coopérer, il a donc fallu appliquer la loi. Les trois enfants ont passé la nuit à l’abri de Pointe aux Sables. Ils seront rendus à leurs parents dès que ces derniers stopperont leur grève. « Il ne faut pas dire qu’on a kidnappé ces enfants. Toutes les procédures ont été enclenchées pour obtenir une injonction du magistrat. Nous avons agi ainsi parce que les parents refusaient de comprendre,» a-t-elle déclaré.
 
Mais les parents concenés ne l’entendent pas de cette oreille. «Où était Madame Bappoo et les autres ministres quand nous avons tout perdu et que nous avons dû dormir à la belle étoile», renchérit une des grévistes. L’état des femmes hospitalisées s’étant stabilisé, elles ont retrouvé leurs camarades grévistes et ont repris leur grève de la faim. Si elles ont été six à entamer cette action, une quinzaine de femmes ont rejoint le mouvement de l’Association des Victimes du Sale by Levy (AVSL).  Une action qui  s’explique par le fait que la vente à la barre détruit des familles entières et affecte particulièrement les femmes et les enfants.
La famille  mauricienne est hyper endettée.  L’endettement des ménages a, selon les chiffres de la Banque de Maurice, augmenté de 60 % en trois ans pour passer à 33 milliards de roupies mauriciennes, soit  8,6 milliards de rands, en 2008. Les banques et les commerces encouragent, à travers la publicité, l’accès au crédit et cela tente même ceux qui n’en ont pas les moyens. En 2004, les prêts bancaires aux individus se chiffraient à 8,5 milliards de roupies mauriciennes, soit 2.2 milliards de rands. Ils sont passés, en 2008, à 15,4 milliards de roupies mauriciennes, soit  4.05 milliards de rands. C’est un signe que les Mauriciens continuent à s’endetter et qu’une partie d’entre eux glisse même vers le surendettement.  L’autre drame, c’est que les créanciers se montrent peu compréhensibles face aux problèmes qui peuvent survenir en cours de route et qui ne sont pas de la faute des emprunteurs, comme par exemple, la perte d’emploi. Toujours est-il que cet accroissement de l’endettement mène vers l’appauvrissement.
Cette situation n’est pas le propre de Maurice. On retrouve les mêmes tendances en Afrique du Sud. Une étude menée par la Tshwane University of Technology dans la province de Gauteng, conclut que  «les ménages pauvres ont witnessed the greatest increase in the number of loans and percentages of indebtedness.connu la plus forte augmentation du nombre de prêts contractés et de pourcentage d’endettement ». Based on these findings, this research recommends that urgent measures be put in place Cette étude recommande que des mesures d’urgence soient mises en place pour éviter une situationto deal with explosive debt crisis and to track moneylenders who exploit the poor explosive et un suivi des prêteurs qui exploitent les households and to revise and improve the current regulation of the micro lending mménages pauvres, ainsi que la révision et l’amélioration de la réglementation actuelle sur le microcrédit. Le surendettement des ménages sud-africains expliquent le récent appel de l’ancien président, Nelson Mandela, au futur gouvernement qui sera probablement issu de l’ANC, à œuvrer pour l’éradication de la pauvreté. 
 
A l’échelle locale, Jean-Daniel Camoin, président de l’Association pour la Protection des Emprunteurs Abusés de Maurice (APEA), affirmait en novembre dernier que: «Ces dernières années, les commerces, les grosses boîtes et les banques ont donné de plus en plus de facilités de crédit et les gens n’arrivent pas à les repayer. J’estime que les grands commerces et les banques sont des casseurs des temps modernes. Elles incitent au crédit facile et je me demande bien pourquoi. Après tout, à quoi est-ce que ça leur sert d’avoir des bad debts et de mauvais payeurs? Les commerces et les banques devraient encourager le crédit réfléchi».
 
Aucune solution n’a jusqu’ici été trouvée juridiquement pour stopper la vente à la barre, qui plonge plusieurs centaines de famille dans l’angoisse chaque jeudi auprès de la Master’s Court. Là, ils voient leurs propriétés, leurs biens familiaux ou encore les sacrifices de toute une vie bradés pour quelques milliers de roupies sur demande des créanciers.
 
Un système fort injuste, est-on tenté de dire. Car la saisie des biens signe le début de tragédies familiales. D’autant que le montant de vente des propriétés saisies ne couvre jamais la dette non-remboursée. Au contraire, ceux qui perdent leurs biens doivent souvent s’acquitter de frais légaux énormes – souvent plus de 100 000 roupies mauriciennes, soit environ 30 000 rands. De plus, ils n’arrivent pas à redémarrer dans la vie tant qu’ils ne se sont pas acquittés totalement de leurs dettes auprès de leurs créanciers. Ce qui est quasi-impossible pour la majorité des victimes.  
Beaucoup ont cru à une lueur d’espoir avec le vote du Protection of Borrowers Act par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2007. Or, la Commission pour la Protection des Emprunteurs qui a été instituée dans le sillage de la promulgation de cette loi est un bouledogue sans dent.
Le fonds de 100 millions de roupies, environ 32 millions de rands, annoncé par le ministre des Finances, Rama Sithanen, dans son dernier budget, n’a été qu’un mirage pour les victimes de la vente à la barre. Le déboursement a été difficile à appliquer dans la pratique. Le problème, c’est que l’Etat ne s’est pas attaqué aux causes réelles du problème.  
 
Vendredi dernier, le Conseil des ministres a annoncé un soutien du ministère de la Sécurité sociale aux cas méritants. Mais il ne s’agit-là que de la mise en œuvre des mesures budgétaires permettant d’étendre le Sale by Levy Solidarity Fund aux personnes dont les revenus mensuels sont inférieurs à 7500 roupies mauriciennes, soit 1973 rands, et qui ne peuvent rembourser leur prêt hypothécaire pour cause de décès ou autre motif sérieux.  Les critères pour évaluer l’éligibilité des demandeurs ont été définis par le comité de haute instance du Sale by Levy Solidarity Fund, à savoir (a) les revenus mensuels du demandeur ne doivent pas excéder 7500 roupies mauriciennes, incluant la pension nationale et toute autre forme d’aide sociale, (b) l’incapacité de remboursement doit concerner un prêt logement ou un prêt pour lancer une entreprise et où la maison de l’emprunteur a été offerte en hypothèque, (c) seuls les prêts consentis par des institutions reconnues seront considérés, (d) l’aide financière servira à rembourser le prêt hypothécaire afin d’empêcher la saisie ou la vente de l’unique maison de l’emprunteur, (e) l’aide financière ne concernera que les décès ou autres cas d’incapacité intervenus à partir du 1er juillet 2007, (f) les cas d’incapacité seront ceux définis dans le Social Aid Act et le National Pension Act, (g) les enfants des conjoints décédés bénéficieront de l’aide financière à condition de satisfaire les critères susmentionnés.
 
Des propositions que les grévistes de la faim jugent «inadéquates». L’actuel système n’a pas permis à Sheela Padaychee, une des pionnières de cette lutte,  de se refaire une santé financière. Cette femme entrepreneur a ainsi ‘perdu’ son supermarché situé dans un faubourg de la capitale pour dettes impayées. En sus de ce drame, sa fille Rubina, choquée par cette saisie, aurait cessé de s’alimenter et en serait morte. «Depuis 15 ans, je mène ce combat. Pourtant, on me dit que je ne suis pas éligible au fonds de 100 millions de roupies mauriciennes, environ 30 millions de rands. C’est  injuste», trouve-t-elle.  
On retrouve le même cri de désespoir chez Marie-Lourdes Botte, une des grévistes de la faim, qui explique: «J’ai  compris qu’ils vont vendre mon terrain bientôt. Où vais-je aller si on me met à la rue? Quelle porte pourrais-je frapper? Des fois, je vois mon fils qui va à l’école avec seulement une gourde d’eau sucrée car nous n’avons rien à manger. En tant que mère, j’ai le cœur gros et je suis dégoûtée par cette situation».
 
Certains professionnels du crédit estiment qu’il faudrait appliquer la solution française en instituant une commission du surendettement, placée sous tutelle de la Banque centrale avec des pouvoirs de suspendre les nouveaux crédits, les intérêts et les frais légaux. Celle-ci pourrait aussi permettre aux victimes de vendre eux-mêmes leurs biens au prix du marché et surtout de redémarrer une nouvelle vie. Une solution qui devrait vraiment être envisagée par les autorités.
 
Jimmy Jean-Louis est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.


Comment on Vente Á  la barre: une commission du surendettement Á  la française devrait être envisagée

Your email address will not be published. Required fields are marked *