VIH/SIDA : les usagères de drogue mauriciennes deux fois plus vulnérables


Date: January 1, 1970
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Toxicomanie et VIH/SIDA. Deux mots qui font peur et qui sont aujourd’hui indissociables à Мaurice. Afin d’endiguer les risques de transmission du VIH/SIDA par voie intraveineuse, le gouvernement et la société civile conjuguent depuis ces deux dernières années leurs efforts pour mener à bien le programme d’échange de seringues et celui de délivrance de la méthadone qui figurent tous deux dans le HIV and AIDS Act, promulgué en août 2007.  
 
Il faut savoir que 80% des personnes infectées par le VIH/SIDA sont des usagers de drogue par voie intraveineuse (VDI). Selon les estimations des travailleurs sociaux, il y aurait actuellement entre 20 000 et 22 000 toxicomanes dans le pays pour une population de 1.2 million d’âmes. Ce qui fait beaucoup. «Depuis 2002 à ce jour¸ le virus se propage presqu’essentiellement au moyen de seringues infectées»¸ explique Imran Dhannoo¸ responsable du Centre Idrice Goomany. Ce centre, basé à Plaine Verte, banlieue de la capitale Port-Louis, œuvre pour la prévention et le traitement des usagers de drogue par voie intraveineuse.
 
Pour freiner les risques de transmission du VIH/SIDA chez ces personnes, le ministère de la Santé et de la Qualité de la Vie a initié en novembre 2007 un programme de traitement à la méthadone. «A ce jour, 1200 patients sont sous traitement de méthadone. Au départ, il n’était destiné qu’aux usagers de drogue par voie intraveineuse et pas aux usagères de drogue par voie intraveineuse. C’est chose faite depuis mars 2008. Or, il n’y a que 150 usagères qui se font traiter», indique le Dr Fayzal Sulliman, responsable du National Мethadone Substitution Therapy Centre, qui fournit des traitements de substitution aux usagers et usagères de drogue par voie intraveineuse.
 
Les raisons en sont multiples. «Les femmes qui bénéficient du traitement de méthadone doivent résider un mois au centre. Bien souvent, en raison de leurs obligations familiales, elles abandonnent le traitement en cours de route car leur priorité est leur famille», se désole Nathalie Rose, coordinatrice du Collectif Urgence Toxida (CUT), organisation non-gouvernementale (ONG) qui applique le programme d’échange de seringues dans cinq endroits de l’île, dont dans trois régions périphériques de Port-Louis. 
 
Il est clair que le service proposé ne correspond pas à leurs besoins. L’autre raison est que la femme est souvent seule quand elle veut sortir de l’enfer de la drogue. C’est ce que soutient Nathalie Rose. «Lorsqu’un homme se présente dans un  centre pour se faire désintoxiquer, il est toujours accompagné d’une femme. Or, la femme qui vient tenter de se sevrer de la drogue vient très souvent seule».
 
Par rapport au programme d’échange de seringues, le constat est le même. Depuis qu’il est un des animateurs de ce programme, Imran Dhannoo n’a vu que deux femmes venir déposer leurs seringues souillées et en prendre des stériles. "Elles sont gênées et ont peur d’affronter le regard des autres », confirme Nasseemah Toofail, travailleur social et secrétaire financier à Kinouete, ONG engagée dans la réhabilitation et la réinsertion sociale des ex-détenues. Et cela, malgré le fait que ce sont majoritairement des femmes qui procèdent à l’échange de seringues sur 34 sites du pays.
 
Selon ces deux travailleurs sociaux, il est heureux toutefois que certaines usagères de drogue par voie intraveineuse aient accès à des seringues propres de par leurs conjoints qui font le déplacement et qui en réclament pour elles. Mais ils ne constituent qu’une minorité.
 
La peur de ces femmes d’être jugées, étiquetées et rejetées, puise sa justification dans le cas de Malini. Cette Mauricienne avait eu le courage de révéler publiquement sa séropositivité.  Mais au lieu d’être saluée pour son courage, la jeune femme, disparue depuis, a été blâmée et mis au ban de la société. Elle a même été contrainte de fuir son village natal.   
 
S’il est un fait que le programme d’échange de seringues et celui de la délivrance de la méthadone comportent des limites, ils sont essentiels pour freiner la propagation du VIH/SIDA. Selon Imran Dhannoo, une nouvelle menace se profile à l’horizon. La transmission du virus par voie sexuelle est en hausse depuis ces six derniers mois. Vu que la plupart des usagers de drogue affectés par le VIH/SIDA sont sexuellement actifs, comme  beaucoup ne se protègent pas durant le rapport sexuel malgré les recommandations à cet effet, ils transmettent le virus à leur conjoint. Conséquence : la propagation du VIH/SIDA risque fort de passer de la communauté des usagers de drogue par voie intraveineuse à celle des hétérosexuels.
 
Les compagnes d’usagers de drogue par voie intraveineuse et les usagères de drogue elles mêmes sont par conséquent deux fois plus vulnérables face au VIH/SIDA. En sus de conscientiser les Mauriciens en général et les usagers de drogue par voie intraveineuse en particulier sur la nécessité d’avoir des rapports sexuels protégés, un changement de regard de la société sur l’usager et surtout l’usagère de drogue par voie intraveineuse est impératif.
 
Christina Vilbrin est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.

 

 


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