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New York, 11 mars: Ceux qui tiennent les droits humains en haute estime sont parfois si découragés par l’ampleur du travail sexuel qu’ils se disent qu’il est impossible de mettre un terme Á cette aberration. Or, il est possible, grâce Á du lobbying et Á des partenariats éthiques, de le faire reculer. C’est ce qu’ont démontré les intervenants de la session consacrée Á la «Corporate Sexual Responsibility – Ethical partnerships to abolish prostitution », qui s’est tenue hier au Church Centre des Nations Unies.
Dans bon nombre de domaines, ce sont les pays nordiques qui ont pris les devants pour faire voter des lois progressistes. En 1999, la Suède a réussi le tour de force de faire ses parlementaires voter le Swedish Sex Purchase Act. Une des organisations qui a énormément contribué Á ce résultat est le Swedish Women’s Lobby.
Stéphanie ThÁ¶gersen, manager du projet Corporate Compass au sein de cette organisation non-gouvernementale suédoise, a expliqué que cette loi interdit le paiement pour obtenir des faveurs sexuelles. Autant en Suède, les travailleuses du sexe peuvent vendre leurs faveurs, autant les hommes qui paient pour avoir des rapports sexuels avec elles encourent désormais une peine de prison allant de six mois Á un an ou Á une lourde amende. «Autrefois, c’était la travailleuse du sexe qui écopait. Avec cette législation, nous attaquons le problème du travail sexuel Á sa racine en ciblant spécifiquement la demande ».
A l’écouter, depuis que la Suède a promulgué cette législation, l’engouement pour le sexe payant a connu une baisse. «Cette législation a apporté un changement dans la mentalité des hommes. Ainsi, en 1999, un homme sur huit, soit 12% des Suédois, payait pour avoir des relations sexuelles. En 2010, ce pourcentage est descendu Á 8% ».
Selon Stéphanie ThÁ¶gersen, cela ne signifie pas pour autant qu’ils se rendent Á l’étranger pour des rapports sexuels payants. «Cette loi a amené un réel changement de comportements. » Il paraît même que les travailleuses du sexe en Suède n’en sont pas contrariées. «Selon la police, les travailleuses du sexe ont bien accueilli cette loi ».
Mais 80% du tourisme sexuel se pratique dans des pays étrangers. Consciente de ce fait, le Swedish Women’s Lobby veut maintenant passer Á la vitesse supérieure. Cette organisation non-gouvernementale souhaite que le gouvernement suédois légifère pour que ses compatriotes arrêtés Á l’étranger pour relations sexuelles payantes, encourent aussi une peine d’emprisonnement ou une lourde amende dans leur pays d’origine. Sans compter l’atteinte Á leur réputation. «La Norvège le pratique. Un politicien norvégien, arrêté en Lituanie alors qu’il sollicitait une travailleuse du sexe, a dÁ» payer une lourde amende dans son pays ».
Ce n’est pas tout. Comme le divertissement sexuel est désormais bien ancré dans les mÅ“urs des compagnies, la Swedish Women’s Lobby demande aux compagnies suédoises d’adopter le Corporate Compass. Il s’agit de règles éthiques pour contrer l’exploitation sexuelle et protéger les droits humains, de même que protéger leurs employés. « Certaines compagnies négociant un deal avec d’autres entreprises trouvent normal d’emmener les cadres concernés dans des clubs de strip-tease ou de leur offrir les services d’escortes qui sont en réalité des prostituées de luxe. Il y a des cadres qui se sentent gênés d’avoir Á refuser ce genre de services, craignant que cela fasse échouer leurs négociations. Nous encourageons les compagnies suédoises Á signer ce code de conduite qui vient dire Á la face du monde qu’elles refusent l’exploitation sexuelle ». Ce projet démarré il y sept mois a jusqu’Á l’heure trois compagnies adhérentes. «Nous sommes satisfaits de cette réaction car les compagnies que nous avons rencontrées n’avaient jamais envisagé ces pratiques sous l’angle d’une violation des droits humains. Nous ciblerons aussi les militaires et tous ceux engagés dans le secteur de la défense en général ».
Certains secteurs se retrouvent bien malgré eux engagés dans l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, notamment ceux de l’aviation et l’hôtellerie. Une compagnie aérienne américaine a refusé d’être complice de l’exploitation sexuelle. Il s’agit de Delta Airlines Inc., basée Á Atlanta aux Etats Unis, qui a signé en 2011 un code de conduite avec l’organisation End Child Prostitution And Trafficking.
Letty Ashworth, General Manager de Global Diversity Á Delta Airlines Inc. a expliqué que le personnel naviguant commercial comme celui administratif, a été formé pour détecter d’éventuels cas de pédophilie ou d’exploitation sexuelle. Pour que le personnel prenne pleinement conscience de cette atrocité, une victime est invitée Á venir raconter son calvaire. « Une fille d’origine asiatique est venue raconter son histoire un jour et dire comment elle avait été kidnappée Á deux reprises, d’abord par un homme et puis par une femme et forcée Á se prostituer les deux fois. Les gens qui l’écoutaient en avaient les larmes aux yeux. Au final, quelqu’un lui a demandé dans quel pays étranger cela s’est produit. Tout le monde a eu un choc quand elle a répliqué que c’était Á Houston au Texas, dans notre pays. L’exploitation sexuelle nous entoure ».
Elle encourage le public voyageur Á dénoncer ce genre de pratique quand il a des doutes. «Il y a plusieurs numéros de téléphone que vous pouvez appeler pour dénoncer l’exploitation sexuelle. Vous allez vous demander : qu’est-ce qui se passe si vous faites fausse route? Ce n’est pas grave. S’il est vrai que la ligne de démarcation est fine et que l’on peut se tromper, dites-vous qu’il vaut mieux être dans l’erreur plutôt que de laisser passer un cas d’exploitation sexuelle de femme ou d’enfant ».
Marie-Annick Savripène est journaliste Á Maurice et éditrice du service de commentaires et d’opinions de GL en français. Cet article fait partie de la couverture spéciale accordée Á la CSW57 Á New York.
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