SHARE:
« Je m’appelle Rajen. J’ai 43 ans. Je suis marié Á une femme de 38 ans qui m’a donné quatre fils. Pendant 12 ans, j’ai erré comme un chien dans tous les coins du pays et on me retrouvait souvent allongé sur la route Á côté d’un restaurant ou d’une taverne. L’alcool, c’était ma télé, ma femme, mes enfants, c’était ma vie. Je ne vivais que pour cela. Je travaillais comme maçon et tout mon salaire finissait dans les bars. J’étais souvent malade. J’avais des problèmes de foie et également des troubles psychologiques liées évidemment Á la consommation abusive d’alcool.
Pendant toutes ces années, même si je n’étais qu’un ivrogne répugnant, ma femme Mary-Jane m’a toujours soutenu. Je pense et c’est incroyable mais vrai, que c’est parce que peu importe le nombre de litres d’alcool que je buvais, je n’ai jamais manqué de respect envers elle. Mais depuis 12 ans, j’ai subitement stoppé avec l’alcool, sans aucun traitement, sans rien. C’est arrivé un jour et jusqu’Á l’heure, je ne bois pas, peu importe les occasions.
Et pourtant, c’est lÁ que ma vie est devenue un cauchemar. La mienne et celle de ma femme. Quand j’étais ivre, j’étais souvent malade, faible et je ne me rappelais même pas quel jour on était, ni quel mois et je confondais même les prénoms de mes fils. Mais quand j’ai abandonné l’alcool, je suis redevenu l’homme que j’étais quand j’avais 20 ans, c’est-Á -dire strict, exigeant, intolérant, impulsif et surtout violent.
J’étais devenu le bourreau de Mary-Jane. Ma femme m’a supporté et a attendu la fin de mon calvaire avec l’alcool mais elle ignorait qu’un autre calvaire allait s’abattre sur notre couple. En cessant de boire, j’ai commencé Á avoir des aventures avec d’autres femmes. A chaque fois que ma femme avait des doutes et me le reprochait, je la battais violemment. A au moins cinq reprises, elle a eu les jambes et les bras fracturés.
Elle n’a jamais osé porter plainte. Parfois, je la battais et je l’expulsais de notre maison. Elle s’enfuyait souvent mais c’était une femme soumise, et elle revenait toujours. Elle me disait qu’elle m’avait supporté quand j’étais alcoolique et qu’elle ferait de même, en dépit des raclées que je lui infligeais. Je pense que j’étais jaloux d’elle car ma femme était vraiment belle.
Une fois, je l’ai cognée et j’ai failli l’étrangler sur notre lit après qu’elle m’ait refusé un baiser dans le cou en me disant que cela laisserait des traces. J’étais furieux et je me suis dit qu’elle a un amant. J’ai failli la tuer ce jour-lÁ . L’alcool avait adouci mon impulsivité, m’avait rendu doux mais quand je suis redevenu sobre, la violence a ressurgi en moi. Je regrette vraiment ces actes de violences.
Peu après, j’ai eu des problèmes de santé et c’était assez grave. Personne, pas même mes fils ne sont venus me rendre visite Á l’hôpital, excepté Mary-Jane, mon épouse fidèle, quelque soit les circonstances. J’ai réalisé Á quel point ma femme était un être merveilleux. J’ai pris aussi conscience que j’étais un lâche. C’est tellement facile de s’en prendre Á sa femme, de la traiter de toutes sortes de noms et de l’accuser d’infidélité alors qu’elle a toujours été fidèle envers moi, depuis le jour où nous nous sommes rencontrés en octobre 1984. Jamais elle ne m’a injurié, ni n’a élevé la voix envers moi. Sa récompense a été des coups, des injures, de la maltraitance.
C’est Á l’hôpital que j’ai réalisé cela car le médecin m’a informé que mon foie ne fonctionnait plus mais que je pouvais survivre avec un bon traitement. Et quatre ans après ce diagnostic malheureux, je vis toujours et c’est grâce Á ma femme. Je ne cesse de lui demander pardon tous les jours pour mes fautes et Á chaque fois, elle me sourit et me dit que c’est oublié. Ma femme a changé ma vie. Sa patience a tué la violence et la lâcheté qui étaient au fond de moi. Ce qui est bien avec elle, c’est qu’elle n’est pas passéiste. Elle a fait un trait sur mon caractère de macho. Elle m’a guéri de mes maux et pourtant c’est sur elle que je me suis le plus défoulé physiquement durant ma vie. Je regrette beaucoup mais ce qui est important aujourd’hui, c’est que ma femme m’a pardonné ».
Leevy Frivet est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Guérir de l’alcoolisme ne suffit pas pour être tolérant envers sa femme