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Alors qu’on se targue de vivre dans une île Maurice moderne, où tout est un plaisir, de nombreuses Mauriciennes subissent encore la violence domestique au quotidien. Dans le cadre de la campagne 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, plusieurs initiatives ont été prises pour contrer ce fléau dont les statistiques indiquent qu’il est en hausse.
«Bate pas enn solution ». Comprenez «La violence n’est pas une solution, » c’est le message que souhaite transmettre SOS Femmes. Ambal Jeanne, responsable de cette association, explique qu’il est important de former un noeud central dans la famille afin qu’aucune forme d’abus n’y ait lieu. “La femme n’est pas un punching ball. La violence n’est pas une solution. Chacun doit protéger et empêcher que la femme ne soit victime de violence et d’agression. Nous allons mener une campagne d’éducation pour changer les relations entre l’homme et la femme”, a-t-elle déclaré.
De son côté, le groupe Men Against Violence (MAV), une initiative de Women In Networking, a démarré depuis le début du mois de novembre une série de formations Á l’intention des jeunes. Son objectif: amener les garçons et les hommes Á dénoncer la violence contre les femmes. Une quinzaine de participants ont assisté Á la première session.
Au cours de cette session, Bruneau Woomed, coordonnateur de MAV, a demandé aux hommes présents de ne pas rester insensibles Á la violence contre les femmes et les filles. Selon lui, beaucoup d’hommes ne se rendent pas compte qu’ils peuvent être eux-mêmes affectés, directement ou indirectement, par la violence envers les femmes. «Nous espérons que dans quelques années lorsque ces garçons seront dans une relation avec des filles, ils se comporteront différemment », a-t-il déclaré.
Il a été requis des participants non pas qu’ils surveillent la violence domestique dans leur voisinage mais qu’ils essaient dans un premier temps de changer eux-mêmes leur regard vis-Á -vis des femmes qui peuvent être leur mère, leur sÅ“ur, leur cousine, leur tante et qu’ils ne doivent pas considérer ces dernières comme leurs servantes. Soodasan Chundoo et Premchand Djapermal, les facilitateurs de cette session, ont été formés par la consultante britannique, Suzanne Williams.
Cette action a toute son importance. Car le 25 novembre dernier, alors que l’on célébrait la Journée internationale pour l’élimination de la violence Á l’égard des femmes, Pamela Patten, l’une des meilleures animatrices radio du pays, recevait un bouleversant témoignage sur les ondes de la radio Top FM dans l’émission intitulée le Mid-Morning Show. Leena, une habitante de Le Hochet, Terre Rouge, région située Á la périphérie de la capitale Port-Louis, affirmait avoir eu les côtes fracturées Á force de recevoir des coups de son époux. Cette mère de trois enfants s’est dite Á bout après 38 ans de mariage. «Il parle Á une autre femme sur son portable. Et ensuite, il me frappe. Il boit souvent. A maintes reprises, j’ai eu envie de partir. Mais je suis restée Á cause de mes enfants. J’ai des bleus partout sur le corps Á force d’être battue et lui les a sur les mains Á force de me cogner, » a-t-elle affirmé en larmes.
Sur la toile, le groupe MAV a fait publier une «Mirail Kont Violence Enver Femme », c’est-Á -dire un mur contre la violence envers les femmes. Les signataires du mur ont pris l’engagement formel «de ne jamais commettre un acte de violence Á l’égard des femmes et des jeunes filles, de ne jamais accepter, ni de rester impassibles face Á de tels actes. ».
Plusieurs hommes ont pris cet engagement. Parmi eux, Jason Lily qui a affirmé s’y engager jusqu’Á son dernier souffle tandis que Jacques de Commarmond a exhorté les signataires Á bâtir ensemble ce mur contre la violence. Aveenash Appadoo a lui écrit: «Ensemble luttons contre la violence envers les femmes et les jeunes filles. Oui nous le pouvons! ». Yoan Catherine a conclu en ces termes: « Fonçons pour éradiquer ce fléau ».
Ces initiatives sont impératives car les chiffres concernant la violence domestique ne cessent d’augmenter.
Selon un relevé du ministère de l’Égalité du Genre, en 2010, 1799 cas de violences ont été rapportés. Et rien que pour la période allant de janvier Á septembre 2011, le nombre de cas de violence rapportés s’élève Á 1,344. Il est bon de préciser que ces chiffres ne concernent que les cas rapportés. Car de nombreuses femmes souffrent en silence bien qu’il existe une hotline où elles peuvent se confier.
Les gouvernements ont pourtant pris des engagements pour éliminer la violence basée sur le genre. Pas moins de 125 des 193 pays membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) par exemple interdisent aujourd’hui la violence conjugale, 89 pénalisent l’excision, et la violence sexuelle en période de conflit est depuis trois ans qualifiée par le conseil de sécurité de crime de guerre ou de crime contre l’humanité.
Au niveau régional, la plupart des pays de la Communauté de Développement de l’Afrique australe ont signé et ratifié le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement dont une des dispositions appelle les Etats membres Á tout faire pour éliminer la violence basée sur le genre d’ici 2015. Mais c’est toute une éducation qui est Á refaire auprès des garçons, des hommes mais aussi des femmes car après tout, ce sont elles qui éduquent et transmettent les valeurs Á leurs enfants.
Jimmy Jean-Louis est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Ile Maurice: Bâtir un mur pour contrer la violence basée sur le genre