Mauritius: Et bien reboisez maintenant!

Mauritius: Et bien reboisez maintenant!


Date: November 28, 2011
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A Maurice, nos forêts nous rendent d’innombrables services écologiques. Il nous faut non seulement protéger celles qui existent mais en replanter d’autres.

Avec la diminution inéluctable de la superficie de nos terres sous culture de canne (-10 000 hectares entre 1996 et 2008), des choix s’imposent. Soit on continue sur la voie actuelle du développement qui consiste en grande partie Á  traiter le pays comme un énorme bien immobilier, soit on opte pour une vision Á  long-terme, privilégiant la protection de la nature et de notre qualité de vie. Il faut dire que la situation est déjÁ  inquiétante.

Dans une interview accordée Á  l’express au début du mois, le président du comité du fonds Maurice: Ile Durable (MID), Vasantt Jogoo, avait révélé que «Notre patrimoine bâti occupe déjÁ  25% du territoire », comparé Á  10 Á  15% ailleurs. Alors que faire? L’endiguement de la bétonisation galopante passe bien sÁ»r par la promotion de l’agriculture. Mais il existe aussi un autre moyen, plus méconnu celui-ci: la reforestation.

Avant d’aller plus loin, il faut bien comprendre une chose : le reboisement n’est pas uniquement l’apanage des écolos. Certes, ils sont peut être plus sensibles Á  l’abattage des arbres pour des projets de développement (d’où leur sobriquet un tantinet péjoratif de « tree-huggers ») mais en vérité les forêts devraient être l’affaire de tous pour la bonne et simple raison qu’elles ont de sérieux arguments économiques, sociaux et, naturellement, écologiques.

Notre dépendance sur la monoculture de la canne nous a longtemps poussés Á  occulter ce fait. Mais comme le rappelait la National Forest Policy en 2006, les forêts jouent un rôle important dans la minimisation de l’effet de ruissellement de surface, dans le remplissage des nappes phréatiques et dans la protection du littoral contre les vents forts. Elles abritent des espèces de flore et de faune endémiques. Sans parler de leur contribution Á  l’esthétique du pays et aux loisirs de ses habitants. Les arbres absorbent aussi le CO2, un important gaz Á  effet de serre.

Strictement parlant, la sylviculture (forestry sector) représente 1% du Produit Intérieur Brut (PIB) et emploie 5 000 personnes. Mais lorsqu’on prend en considération les services aussi bien tangibles et intangibles rendus par nos forêts, on réalise rapidement qu’il est très difficile de chiffrer leur vraie contribution aux différents aspects de nos vies. Un moyen (certes approximatif) de mieux jauger leur importance, c’est d’essayer d’imaginer le pays sans ses forêts. Pour sÁ»r, Maurice ne serait pas Maurice si elle était privée de sa verdoyante couverture forestière, sans mentionner que la désertification rendrait notre île littéralement invivable.

Malheureusement, il semblerait que nous n’arrivions toujours pas Á  apprécier nos arbres Á  leur juste valeur. Outre le fait que la culture de la canne a déjÁ  eu raison de 99% de nos forêts indigènes, les épisodes d’abattage d’arbres semblent se multiplier. Même le Parc National des Gorges de la Rivière Noire, où le National Parks and Conservation Services (NPCS) a cru bon de construire une route en béton, n’est pas épargné.

La nature même du système économique choisi et son accent grave sur le développement foncier fait craindre que d’autres exactions restent Á  venir. Le comble, c’est qu’il y a même des projets immobiliers qui adoptent des noms d’arbres endémiques. L’ironie!

Le dernier Mauritius Environment Outlook Report est quant Á  lui catégorique sur la gravité de la situation : « L’augmentation de la population et la croissance économique sont en train de contribuer Á  la perte, Á  la dégradation et Á  la réduction des écosystèmes, des espèces et de la diversité génétique. Pour faire place aux habitations, industries et Á  l’agriculture, le développement économique a engendré un déboisement, ainsi que des empiètements sur des zones écologiquement sensibles, telles que les montagnes et zones boisées. La conversion graduelle des derniers vestiges de végétation naturelle en prairies, pâturages et chassés pour l’élevage de cerfs sont autant de menaces pour la biodiversité. De grands projets infrastructurels tels que la construction de bâtiments, routes, barrages, zones résidentielles, IRS et RES ont également un impact négatif sur la biodiversité. Ce type d’utilisation des terres résultent en l’appauvrissement et la dégradation irréversible des ressources. »

Et Maurice ne déroge pas Á  la tendance mondiale. The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB), un document incontournable pour tous ceux qui s’intéressent Á  la contribution économique de l’environnement naturel, dresse un constant alarmant : «Durant les derniers 300 ans, la superficie de la planète recouverte par les forêts a rétréci d’environ 40%. Les forêts ont complètement disparu dans une quarantaine de pays et 29 autres pays ont perdu plus de 90% de leur couverture forestière. »

Chez nos voisins malgaches, par exemple, c’est la culture sur brÁ»lis ou le « tavy » qui fait des ravages. Les campagnes de sensibilisation sur l’impact négatif de cette pratique sur la biodiversité et la fertilité des sols buttent sur le fait qu’elle fait partie de la culture malgache rurale. Cette question a d’ailleurs été soulevée par nos confrères malgaches lors du premier cyber-échange de Gender Links qui a eu lieu le lundi 28 novembre et ils sont d’avis qu’il faille éduquer les jeunes écoliers et collégiens sur l’importance de replanter des arbres.

Tout n’est cependant pas sombre Á  Maurice. La proclamation de la forêt côtière de Bras-d’Eau comme réserve naturelle est particulièrement réjouissante. Mais il nous faut être bien plus proactif. Que nous devrions Á  tout prix protéger nos forêts existantes, cela va sans dire, mais quid du destin des anciens champs de canne? Ne serait-il pas logique de leur rendre leur ancienne gloire maintenant que cette culture de rapport ne rapporte plus vraiment ? Et la beauté avec le reboisement, c’est que «you can’t go wrong », c’est tout bénef.

En ces temps de crise, un projet national de reforestation pourrait être une excellente source d’emploi pour de nombreux Mauriciens. Avec un secteur touristique en plein doute, ce genre d’initiative pourrait permettre au pays de se situer sur la carte de l’écotourisme. En effet, alors que de nombreux Etats subissent la déforestation, Maurice pourrait se positionner comme champion du reboisement. Imaginez le potentiel pour le « branding » de l’île. Et pour nous les Mauriciens, ce serait génial aussi. On aurait des sanctuaires pour se ressourcer quand le rythme frénétique de nos vies modernes devient trop insupportable. Dans les bois, loin des embouteillages, de la fumée, du tapage, de l’agressivité. Enfin, on peut toujours rêver…

 

 


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