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Les femmes peuvent être violentes ou abusives envers leurs partenaires aussi. Bien qu’il soit généralement admis que la majorité des cas de violence domestique soit perpétrée par des hommes contre des femmes, l’inverse est aussi vrai. Yvan en sait quelque chose.
« Même si Sylvianne n’était pas un cordon bleu, elle adorait parler de cuisine au téléphone avec ses copines. Je vais lui couper les couilles avec un couteau et en faire de la compote, disait-elle Á une amie lorsque je suis rentré. En entendant cela, j’ai pris peur car vraisemblablement, le plat du jour, cela serait moi. J’ai préféré m’enfuir de la maison. Si je passais une nuit de plus avec elle et cela en aurait été fini de moi.
Je suis resté avec elle huit ans Á cause de nos enfants. Ce furent huit années Á encaisser des gifles et ses griffes. Elle brisait la vaisselle en la balançant Á terre, me lacérait le visage avec ses ongles, brandissait un couteau, persuadée que je la trompais. Moi, je me taisais car je l’aimais.
Lorsque je me suis sauvé, je me suis réfugié chez un ami. J’étais en plein désarroi. Je ne pouvais pas emmener mes enfants avec moi car les foyers d’accueil pour hommes battus, cela n’existe pas.
J’ai épousé Sylvianne contre l’avis de mes proches. De ce fait, je me suis peu Á peu retrouvé seul, sans aucun soutien familial. Ma famille a choisi de ne plus me fréquenter pour ne pas avoir Á supporter les humeurs de ma femme.
Contrairement aux idées reçues, j’ai appris que la violence n’était pas que l’apanage des hommes. Et, parfois, le sexe dit faible cogne fort. Comme moi, je sais qu’il existe aussi des maris blessés Á coups de pots de fleurs ou de ciseaux. Une année, j’ai cru que Sylvianne allait nous préparer une buche de Noël mais en réalité, c’était une vraie bÁ»che en bois. Elle s’en est servie pour me taper. Je n’ai pas eu le courage d’aller me plaindre Á la police. DéjÁ , Á cause de ma position sociale, j’avais peur qu’ils se moquent de moi. De touts les façons, je ne crois pas que les policiers soient formés pour l’accueil des gens ayant des problèmes.
Renseignements pris auprès des autorités concernées, j’ai appris que c’est difficile de cerner le problème de la violence domestique subie au masculin dans la mesure où les hommes se cachent et se taisent. Quand ils osent parler, en général, ils ne sont pas crus. C’est un sujet tabou. Une femme est plutôt perçue comme protectrice et aimante. Pourtant les autorités elles-mêmes reconnaissent que les femmes qu’ils reçoivent sont capables de coups, qu’elles ne vivent pas forcément dans la précarité et qu’elles ont toutes subi des violences pendant leur enfance.
Au départ, bien avant les cocards et les bousculades, il y a des intimidations, des paroles blessantes, qui préparent le terrain. L’arme favorite de la femme, c’est la violence psychique. Elle cherche Á dominer l’autre. Sylvianne voulait Á tout prix me dénigrer en disant que j’étais un impuissant, un mauvais père qui n’était jamais lÁ , que je ne gagnais pas bien ma vie avec mon salaire de crève-la-faim.
Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je me suis reconstruit. J’ai porte toujours au fond de moi une profonde blessure de vie gâchée. Je ne vois plus mes enfants. Je ne sais pas ce qu’il advient d’eux. Mais au moins le soir, je n’ai pas peur de rentrer dans cette petite pièce que je loue. Je sais que je peux y dormir tranquille et en ressortir vivant le lendemain. »
Jimmy Jean-Louis est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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