Mauritius: Laura Samoisy


Date: September 19, 2018
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”Aujourd’hui j’affirme haut et fort que Gender Links a changé ma vie, a changé ma perception de voir les choses. Je ne tolère plus les attitudes machistes que peuvent adopter certains de mes collègues masculins à l’égard de leurs collègues féminins. Ce que je trouvais normal un an de cela ne  l’est plus aujourd’hui.”

Première rencontre en 2012 suite à un atelier organisé par Gender Links à l’attention des journalistes de l’océan indien. Colleen Lowe Morna, la directrice exécutive de Gender Links, journaliste et activiste du genre, présente pour l’occasion, avait pris la parole et avait évoqué les enjeux du genre. Puis en 2013, j’ai eu de nouveau le privilège de participer à une semaine de formation proposée par Gender Links, en collaboration avec la Commission de l’océan indien, toujours à l’attention des journalistes de l’océan indien. L’atelier avait pour thème : Le traitement de la violence basée sur le genre dans la presse.

Puis en tant que journaliste, j’ai aussi assuré la couverture de quelques événements organisé par Gender Links. Par exemple, le lancement du Baromètre 2013 concernant Maurice ou encore diverses activités qui ont été organisé durant la campagne des 16 jours contre la violence à l’égard des femmes et des enfants.

Engagement personnel pour faire reculer la violence basée sur le genre. Conscientiser les hommes dans mon entourage sur les enjeux du genre et les transformer afin qu’ils deviennent « gender aware ».

“Avant j’étais une femme maltraitée, qui subissait les mauvais traitements de mon partenaire en silence. Mais depuis que j’ai rencontré l’ONG Gender Links, j’ai repris ma vie en main. Aujourd’hui, je suis devenue financièrement indépendante. Je suis passé du statut de la femme maltraitée à la femme entrepreneure. J’encourage toutes les femmes qui subissent en silence à ne plus se laisser faire et de se donner les moyens pour sortir de leur enfer et devenir financièrement indépendante », m’expliquait Noellette Simirone lors d’une interview alors qu’elle assistait à une formation proposée par Gender Links en décembre dernier. Le courage de cette femme m’a ému à un plus haut point. D’une, elle a fait preuve de courage en dévoilant son intimité à moi, à une inconnue. Et aussi d’avoir accepté que sa photo soit publiée dans le journal dans le seul but d’encourager les femmes de VBG à sortir de l’ombre, à dénoncer leurs conjoints cogneurs et par la même, renoncer à cette vie faite de coup et de blessures. Définitivement, Noellette Simirone est un exemple à suivre car elle est bel et bien une «  Driver of change ». D’ailleurs sa persévérance porte désormais ses fruits car elle a été primée dans la catégorie des femmes entrepreneurs au sommet de Gender Links tenu du 22 au 23 avril à Maurice.

a disparité entre l’homme et la femme, instaurée par une société  patriarcale,  ne m’a jamais laissé indifférente du fait que je la jugeais tout simplement injuste. Sans toutefois comprendre les réels enjeux derrières ces formes d’inégalité pour la modique raison que cela ne m’intéressait pas plus que cela. Il était clair que l’inégalité entre hommes et femmes n’était pas mon problème. Mais celui des autres, du gouvernement par exemple. Toutefois, lors du premier atelier de travail organisé par GL et auquel j’ai assisté, je n’ai pas compris les enjeux du genre. Pourtant, les  intervenantes, à l’exemple de Loga Virahsawmy, se mettaient en quatre à nous faire comprendre ces enjeux. Mais à mes yeux, elles n’étaient que des féministes extrémistes. Et le concept du genre provoquait chez moi bien des malentendus. Il a fallu d’un deuxième atelier, un an plus tard et qui a duré une semaine pour que je sois conscientisé sur le sujet. Et aujourd’hui j’affirme haut et fort que Gender Links a changé ma vie, a changé ma perception de voir les choses. Car il m’arrivait aussi, dans le passé, de critiquer telle ou telle fille pour ses vêtements que je trouvais indécent en allant même dire à qui voulait l’entendre : « Elle ne s’est pas regardé dans un miroir. Ne voit-elle pas que ce qu’elle porte incite au viol.» Avec recul, je réalise aujourd’hui, (mieux vaut tard que jamaisJ) que les femmes ont trop tendance à critiquer leurs semblable, à leur imputer des fautes plutôt que de se battre pour des causes justes concernant les femmes et qui pourraient contribuer à faire avancer la cause féminine et lutter pour une parité homme/femme.

 Après la fin de mon atelier de travail avec Gender Links en 2013, chaque participant a été appelé à prendre un engagement pour faire reculer la violence basée sur le genre dans leur pays respectif. Et je dois dire que depuis, ma vie a changé. Ma vie professionnelle a changé car j’aborde la question de VBG différemment en ayant un Gender Approach. Mais pas seulement, car je ne tolère plus les attitudes machistes que peuvent adopter certains de mes collègues masculins à l’égard de leurs collègues féminins. Ce que je trouvais normal un an de cela ne  l’est plus aujourd’hui. Et deuxièmement, je suis moins tolérante envers mon partenaire avec qui je vis depuis deux ans. Pour cause, on ne partageait pas les tâches ménagères équitablement. Il se plaignait toujours de son boulot qui l’épuisait beaucoup. Du coup, c’était son prétexte

pour participer le moins possible aux tâches ménagères sachant que moi aussi je suis une femme qui travaille, donc forcément, épuisée également par le boulot. J’ai toléré cette situation qui a heureusement changé après que j’ai été conscientisée au genre. Après une opération que j’ai intitulée «  Prendre les taureaux par les cornes », mes efforts ont enfin payés. Nous partageons désormais les tâches ménagères équitablement. Ironie du sort, lorsque j’ai tendance à négliger mes responsabilités, il me rappelle à l’ordre et me fait la leçon. J Ce qu’il est conscientisé. D’ailleurs depuis la formation,  j’ai la chance d’écrire  pour le service de commentaires et d’opinions en français. Dans mes textes, je dénonce toutes sortes de stéréotypes qui freinent  et empêchent le développement de la femme. Ecrire pour le service m’a aidé à comprendre davantage sur les enjeux du genre.

Mon partenaire a transformé. Transformé parceque à son tour, il avance clairement qu’il est devenu « Gender Aware » à ses jeunes frères et les encouragent à participer activement aux tâches ménagères et à mieux respecter les femmes. Récemment, on était chez un de ses frères dont la femme est enceinte de sept mois. On était que de passage pour les saluer le temps d’une demi-heure. Et le frère en question a tout de suite demandé à son épouse, enceinte de sept mois de nous préparer quelque chose à manger alors qu’elle était au lit et qu’elle se reposait. Cette démarche a irrité mon partenaire qui a sommé son frère à se bouger et à faire ce qu’il avait presque ordonné de ses propres mains. Non sans lui dire qu’il fallait qu’il participe encore plus aux tâches ménagères d’autant que sa femme était enceinte de sept mois. Car visiblement, il n’était pas enceinte J et ne le sera jamaisJ.

Grâce au travail de Gender Links et à son engagement sans faille auprès des médias, les entreprises de presses sont mieux sensibilisées sur le genre. A la rédaction de 5-Plus Dimanche, notre rédactrice en chef Michaëlla Séblin en a fait son cheval de bataille et exprime son ras-le-bol à ce sujet à travers ses nombreux éditos. A l’heure où on parle de l’égalité du genre, j’ai récemment fait une demande auprès de ma rédactrice en chef pour avoir une rubrique spécialement consacrée au genre.

Suite à plusieurs de mes articles sur la violence basée sur le genre, plusieurs manifestations ont eu lieu. Des personnes de tous âges ont manifesté leur colère pour dire non à ce problème qui gangrène notre société. Des réactions laissées sur notre page Facebook par quelques-uns de nos lecteurs démontrent clairement qu’ils sont contre tous type de violence dans la société. De son côté le gouvernement mauricien a mis sur pied un comité qui se penchera sur les faiblesses existantes dans l’actuelle loi de la Violence from Domestic Violence Act et qui fera ensuite des propositions en vue de son amendement. Ce pour que les femmes soient mieux protégées et les agresseurs payent pour leurs crimes.

Il a suffi d’un engagement pour que ma vie soit transformée. Et depuis, je peux dire que je suis une nouvelle personne, que ma vie a changé en mieux. Maintenant, je n’ai plus peur de parler, de dire que je crois en l’égalité du genre. Je n’ai pas peur de dénoncer toutes formes de stéréotypes, de dire les hommes qui doivent changer de mentalité une bonne fois pour toute et être de vrais partenaires de femmes.

Grace à Gender Links, j’ai eu le courage et la chance de participer au sommet national de Gender Links du 22 au 23 avril dernier dans la catégorie presse écrite. Et c’est avec fierté que j’ai reçu le premier prix que je dédie à ma rédaction, engagée dans la lutte contre la VBG. Bientôt, grâce à Gender Links, je vais découvrir l’Afrique du Sud où je n’ai jamais mis les pieds et où j’aurai le privilège de rencontrer des journalistes de la région et comprendre leurs réalités, leurs difficultés de tous les jours qu’ils rencontrent tant sur le plan professionnelle que dans leur épanouissement personnel.