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Antananarivo, 9 décembre: Depuis plusieurs années, le syndicat des professionnels diplômés de l’Etat en travail social (SPDTS) attire l’attention du public sur l’importance de la lutte contre la traite des personnes. Forme d’exploitation humaine qui n’épargne aucune catégorie de personne, quelque soit son sexe ou son âge.
Quelques années après et face Á l’immobilisme des autorités, la sensibilisation a pris une autre direction. «Nous sommes maintenant en train de sensibiliser les organisations de la société civile sur ce phénomène ignoré de beaucoup et qui laissent certains indifférents », explique Norotiana Jeannoda, présidente du SPDTS et militante contre la traite des personnes Á Madagascar.
Cette sensibilisation constitue une étape importante avant la conception du plan national de lutte contre la traite des personnes. L’organisation internationale pour la Migration (OIM) tient Á accompagner les organisations de la société civile afin qu’elles franchissent ce pas. Cet organisme reste l’unique principal bailleur de fonds contre la traite des personnes Á Madagascar. «L’Etat malagasy reste insensible Á ce sujet et ne fait aucun effort pour renforcer la lutte qui devient de plus en plus dure », ajoute Norotiana Jeannoda.
Pourtant, le nombre de personnes qui subissent cette exploitation ne cesse d’augmenter dans le pays. Sept formes de traite sont ainsi recensées, Á savoir la traite par le travail, la traite sexuelle, la domesticité, la mendicité forcée, l’adoption forcée, le mariage forcé et arrangé et finalement le trafic d’organes. Madagascar continue Á être un pays ‘approvisionneur’ des femmes et d’enfants qui font l’objet de travail forcé et de traite Á des fins de prostitution. Les cas d’exploitation les plus durs ont trait Á des citoyens malgaches revenus de pays arabes et de la Chine.
«Ma fille a été mariée de force Á un Chinois handicapé dans une région reculée de Chine. Comme elle est enceinte, elle n’a pas le droit de sortir de sa chambre. Pourtant, on lui avait promis un salaire mensuel en dollars avant qu’elle ne quitte Madagascar. Nous sommes soucieux de son sort », explique Jeanne Rasendranirina, mère de la jeune femme, qui habite dans un quartier populaire d’Antananarivo, capitale de Madagascar. Depuis l’année dernière, elle n’a pas eu d’autres échanges avec sa fille qu’Á travers des appels téléphoniques que celle-ci lui passe en secret lorsque son mari n’est pas Á la maison.
Hanta (prénom fictif) a par contre pu fuir les mauvais traitements qu’elle a subis au Liban en 2010. Mais elle ne peut oublier comment elle a été brutalisée lÁ -bas pendant les 16 mois qu’elle y a séjournés. Privée de son passeport, de sa liberté de mouvements, peu nourrie, ses larmes coulent lorsqu’elle se remémore son calvaire dans une famille de commerçants libanais.
«Je suis assez courageuse et chanceuse d’avoir pu trouver une échappatoire et avoir pu mettre une croix sur cet épisode de ma vie. Mais beaucoup de femmes restent esclaves, sont abusées, maltraitées, tant au Liban qu’au KoweÁ¯t, en Arabie Saoudite et maintenant en Chine. Il faut vraiment les sortir de lÁ », supplie-t-elle. Un cri repris par d’autres victimes et d’autres familles de victimes et par les associations Å“uvrant pour la défense des droits de l’Homme Á Mahamasina et ce, lors de la célébration de la semaine des droits de l’Homme.
Mais ce sujet ne figure pas encore parmi les priorités de l’Etat malagasy qui a pourtant signé le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui demande aux Etats membres de mettre tout en Å“uvre pour empêcher la traite d’êtres humains. Alors que la réhabilitation des victimes coÁ»te très cher.
La juriste Aimée Razafimandimby explique que l’accompagnement psychosocial d’une victime se fait selon le rythme de la personne et prend du temps. «Il y a un énorme manque de ressources financières surtout pour la formation Á une activité génératrice de revenus et pour la réinsertion sociale », soupire Jeannoda Norotiana, qui espère que le plan national de lutte contre la traite des personnes qui est en préparation obtiendra l’adhésion au plus haut niveau de l’Etat pour des actions efficaces.
Fanja Razafimahatratra est journaliste en freelance Á Madagascar. Cet article fait partie de la série spéciale axée sur la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Traite de Malgaches: La lutte contre cette forme d’exploitation devra être une affaire d’Etat