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Port-Louis, 8 décembre: La violence basée sur le genre a des conséquences économiques lourdes en termes de coÁ»ts de prise en charge par les services de santé, par la police et la justice. Au niveau individuel, les coÁ»ts sont également considérables. En raison des traumatismes physiques et psychologiques subis, les victimes sont incapables de se concentrer et de reprendre le cours de leur vie. Elles s’absentent souvent du travail et cela a des incidences sur leur productivité. Ce qui se traduit par une réduction des jours de travail et donc par une baisse dans leurs revenus et conséquemment dans ceux de la famille.
Une étude menée par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et publiée dans l’édition de juin 2011 de la newsletter du Mauritius Research Council indique que la violence domestique coÁ»te cher Á l’économie mauricienne, soit Rs 1.4 milliard annuellement. Le décompte de ce chiffre énorme est le suivant: la baisse de productivité chez les survivantes de violence et leur absentéisme au travail équivaut Á Rs 998 millions alors que les coÁ»ts directs pour ces femmes s’élèvent Á environ Rs 221 millions.
Ce n’est malheureusement pas tout. Une fois le conjoint violent derrière les barreaux, l’Etat doit débourser une somme importante pour l’entretenir. Un détenu coÁ»te Á l’Etat environ Rs 630 par jour, soit Rs 211 680 par an (7056 USD) selon un rapport en date du 12 aoÁ»t 2014 publié par le Bureau central des statistiques. Ce qui est tout de même conséquent.
Même si plusieurs programmes ont été mis sur pied par le gouvernement pour venir Á bout de la violence domestique et que de fortes sommes ont été consenties, il n’empêche que les coÁ»ts susmentionnés constituent un gaspillage d’argent. Argent qui aurait pu être utilisé Á de meilleures fins, Á commencer par l’introduction d’outils nécessaires Á la promotion et l’installation d’une culture d’égalité entre les filles et les garçons et ce, de la maternelle Á l’université. Parce que ces institutions sont le lieu par excellence de la production et de la transmission du savoir et devraient avoir une responsabilité importante dans le combat et la prévention de la violence.
L’école étant aussi le lieu de l’apprentissage du vivre ensemble, il est de la responsabilité des systèmes éducatifs de favoriser la réflexion des jeunes au cours de leur scolarité et ce, sur des sujets aussi importants que la place des femmes et des hommes dans la société, sur les représentations stéréotypées qui ne devraient pas exister, sur le respect mutuel, et plus largement, sur l’égalité.
Certaines personnes de mauvaise foi arguent que les femmes victimes de violence n’ont qu’Á quitter leur foyer. Or, les raisons qui forcent les femmes Á rester auprès de leurs conjoints violents sont nombreuses et la dépendance économique se classe en première position, suivie du terrible casse-tête de trouver un logement décent et pas cher. L’indépendance économique est donc une priorité pour elles.
Récemment, le bureau mauricien de Gender Links a formé plus d’une centaine de femmes, dont la plupart sont des survivantes de violence entre partenaires intimes, afin qu’elles aient les connaissances nécessaires Á la mise sur pied des petites entreprises. L’objectif final étant qu’elles n’aient plus Á dépendre des revenus de leurs maris. Ce type d’encadrement devrait être un passage obligé pour les survivantes de violence qui ont la volonté de s’en sortir mais qui ne savent pas par où commencer.
Il est plus que temps pour que l’Etat s’intéresse davantage Á ce genre de programmes en le finançant et sillonne les villages les plus sensibles Á la violence, notamment lÁ où se trouvent des poches de pauvreté, afin de dénicher de potentielles candidates pour ce genre de formation. Ou encore que l’Etat organise des sessions dans les zones déjÁ identifiées pour faire émerger de futures entrepreneures. Car malgré les campagnes de sensibilisation, l’information ne parvient pas toujours jusqu’Á ces femmes, qui pour la plupart ne savent ni lire ni écrire ou encore qui ne sortent pratiquement jamais de chez elles.
Et l’absence de foyer d’accueil pour les femmes violentées est tout aussi interpellant. C’est aussi lÁ que l’Etat doit investir davantage s’il veut protéger les femmes et réduire les cas de violence dans l’ile qui sont en hausse. Rien que cette année, cinq femmes ont été tuées froidement par leurs maris ou compagnons et trois d’entre elles étaient régulièrement battues.
Le ministère de l’Egalité du Genre a certes mis sur pied des programmes destinés aux futurs époux et aux couples déjÁ mariés, Á savoir le « Pre-marital counselling » et le « Marriage enrichment programme ». Parmi les sujets abordés dans la première formation citée, il y a la compréhension de l’autre, les ingrédients pour un mariage réussi, la gestion de la colère et la résolution des conflits mais aussi des conseils pour mieux gérer les crises. La seconde formation aide les couples mariés Á renouveler et Á renforcer leur relation. Elle comprend les concepts fondamentaux du mariage, les valeurs familiales et l’apprentissage au pardon.
Il faudrait que ces formations soient répliquées dans l’île car elles devraient aider Á faire reculer la violence qui a pris des proportions épidémiques. Selon l’étude War@Home de Gender Links, menée entre 2010 et 2011, une Mauricienne sur quatre a déjÁ été victime de violence une fois dans sa vie et quasiment le même nombre de Mauriciens a reconnu avoir été violent envers sa partenaire intime au moins une fois dans sa vie. Il y a donc urgence que l’Etat agisse sur tous les fronts susmentionnés afin de préserver le fondement des familles et de la société.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie de la série spéciale axée sur la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Violence entre partenaires intimes : des conséquences économiques lourdes pour tous