Côte d’Ivoire : Constance Yaï, une femme qui milite pour mettre fin aux pratiques culturelles néfastes

Côte d’Ivoire : Constance Yaï, une femme qui milite pour mettre fin aux pratiques culturelles néfastes


Date: March 8, 2016
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Par Augustin Tapé

Abidjan, 28 mars : Pendant des décennies, elle s’est battue pour le respect des droits de la femme. Elle, c’est Constance Yaï qui, à travers son association pour la défense des droits de la femme, a réussi à obtenir des résultats faisant la fierté des Ivoiriennes. Pour mieux connaitre cette grande dame de la société civile ivoirienne, qui fait de la promotion de la femme son fer de lance, voici son portrait.

«Il y a des pratiques que nos ancêtres eux-mêmes s’ils revenaient à la vie trouveraient caduques et dépassées», disait Amadou Hampâté Bâ, le célèbre écrivain et ethnologue malien, défenseur de la tradition orale, notamment peule. Parmi ces pratiques traditionnelles néfastes et rétrogrades se trouvent les mutilations génitales féminines (MGF) contre lesquelles continue de se dresser une femme. Il s’agit de Constance Yaï, Ivoirienne, qui n’a de cesse de mener le combat pour la défense des droits des femmes. Un combat engagé, il y a de cela plus de 30 ans. En créant l’Association ivoirienne de Défense des Droits de la Femme (AIDF), en 1992, elle avait sa petite idée : faire la promotion de la femme.

Depuis sa constitution, l’AIDF milite pour la parité hommes-femmes en Côte d’Ivoire. L’association se bat pour faire appliquer les textes de lois existants en faveur des femmes, de même que pour sensibiliser la population à la situation particulière des petites filles en ville et en zones rurales. Pour l’AIDF, association à l’avant-garde de la promotion de la femme ivoirienne, il est impérieux de revisiter toutes les lois qui existent, entre autres, sur la propriété foncière, le droit des femmes dans la famille et sur la répression de l’adultère. Et comme acquis dans ce perpétuel combat contre  les coutumes, qui ont des effets néfastes sur la santé des femmes et des petites filles, l’association a réussi à mettre sur pied le Comité National de Lutte contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes (CNLP).

Entre 1992 et 2000, l’association qu’elle dirige a obtenu le vote par le Parlement ivoirien d’une loi réprimant les violences faites aux femmes: harcèlement sexuel, mariage forcé, MGF. Une loi qui fait suite à une campagne, dont a été l’initiatrice Constance Yaï, entre 1996 et 1997, pour la libération de Fanta Kéïta, une petite fille de 13 ans incarcérée pour avoir assassiné l’homme à qui ses parents l’ont mariée de force. Fanta Kéïta a été libérée après 11 mois de détention.

De janvier à octobre 2000, Constance Yaï a occupé le poste de ministre de la Solidarité et de la Promotion de la Femme sous la transition militaire. Passée cette étape, elle poursuit ses activités avant d’être nommée directrice générale de l’Agence ivoirienne de coopération francophone (AICF), poste qu’elle quitte en 2012.

Ce qui caractérise Constance Yaï, c’est sa constance dans le combat contre les traditions qui nuisent aux filles et aux femmes. Pour preuve, elle a couché sur papier le fruit de ses constats et réflexions dans un essai de 154 pages intitulé «Les traditions-prétextes, le statut de la femme à l’épreuve du culturel», paru aux JD Editions.

Constance Yaï y réaffirme son opposition totale envers les mutilations génitales féminines, qui continuent à marquer nombre de femmes au fer rouge, en Afrique et à travers le monde. Sa conviction, c’est que la législation est indispensable pour modifier les pratiques anachroniques maintenues au nom de la culture. Elle-même petite fille d’exciseuse estime qu’il faut en finir avec cette mainmise des hommes sur la sexualité des femmes, via cette opération  dangereuse et humiliante qu’est l’excision. Une conviction qu’elle tient de son père Kplao Yaï Victor à qui elle a dédié ce livre. D’ailleurs, elle lui rend hommage dans sa dédicace : «A Kplao Yaï Victor, trop vite parti. J’aurais essayé de marcher dans tes pas ! Toi, qui depuis toujours a pris fait et cause pour tes filles ! Scolarisées ? Oui ! Mariées ? Le plus tard possible. Mais aucune ne le sera avant le bac ! Excisées ? Non ! Merci père, que ton âme repose en paix’’, écrit-elle. Un hommage bien mérité d’une fille à son géniteur qui l’a protégée des vieux démons de l’excision.

C’est grâce à ce père qui était un féministe que Constance Yaï a grandi dans une famille qui a su préserver l’intégrité corporelle et sexuelle des filles. C’est aussi grâce à lui qu’elle a poussé aussi loin ses études et a pu participer à la vie de la nation. Un parcours fort apprécié des nombreux amis et connaissances et des Ivoiriens en général. La journaliste ivoirienne Carine Coulibaly ne tarit pas d’éloges à son égard.  «J’avais entendu parler d’elle dans le gouvernement ivoirien quand elle était ministre. Ensuite, il m’a été donné l’honneur de l’approcher lors de sa tournée pour la promotion de son livre ‘Les traditions prétextes, le statut de la femme à l’épreuve du culturel’, c’était dans la capitale tunisienne. Je retiens d’elle l’image d’une femme très ouverte aux débats, accessible, dynamique et d’un franc-parler extraordinaire. Elle est attachante aussi, sûrement en raison de sa qualité de mère. C’est une grande dame. Elle nage à contre-courant au sein d’une société patriarcale. Son combat est noble. C’est un combat qui demande de l’endurance dont elle sait faire preuve. Elle y croit et lutte pour faire valoir le droit des femmes. Elle est passionnée à propos du statut de la femme. Ce qui suscite mon admiration !», confie la journaliste.

Après plus de 30 ans de défense des droits des femmes, Constance Yaï continue à parcourir les pays d’Afrique et d’ailleurs avec son livre en poche afin de partager sa vision d’un monde où la femme ne serait plus victime de discrimination.

Augustin Tapé, journaliste radio et web, spécialiste de genre, est aussi coordonnateur du site d’information www.newsivoire.com et vice-président du réseau des journalistes et communicateurs pour la promotion du genre. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.