Impact du Covid-19 sur la protection de l’enfant

Impact du Covid-19 sur la protection de l’enfant


Date: July 6, 2020
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By Vonona Rakotondratsimba,

Antananarivo,3 July: 55 cas de viols ont été enregistrés auprès du Centre Vonjy, sis au Centre hospitalier universitaire de gynécologie-obstétrique de Befelatanana (CHU-GOB), en Mai 2020. Comparé aux statistiques du premier trimestre de cette année, ce nombre a connu une chute. Avant la crise sanitaire, environ 79 cas sont traités tous les mois.  D’un côté, le confinement laisse ces mauvaises pratiques à l’encontre des enfants se faire et se reproduire sans contraintes. Surveiller les enfants semble impossible, vu que subvenir aux besoins fondamentaux – se nourrir, est maintenant difficile pour les familles les plus démunies.

Actes de violence perpétrés par des proches

Le 12 Juin, « M »*[1] nous contacte. Un cas de viol à Avaratanana Ambatolampy, un fokontany (quartier) du 6ème arrondissement de la Commune urbaine d’Antananarivo. La victime est une fillette de dix ans. L’auteur de l’acte n’est autre que son beau-frère. Confuse, sa mère demande des conseils à « M », et tente de savoir quelles démarches suivre pour le cas de son enfant. Le reporter d’enquête est sur terrain pour voir de plus près cette situation alarmante.

Une mère désemparée, une fille à la fois malade et embarrassée, ne voulant croiser le regard de ceux qui ont été présents. « Il a profité du confinement », dit Tiana[2], la mère de l’enfant. D’après ses témoignages, cette mère de famille part de chez elle, très tôt le matin, vers 4 heures 30 minutes. Pour nourrir sa famille, elle travaille comme marchand-ambulant dans les grands marchés de la ville. « Dès qu’il sait que je suis sortie de la maison, « R » vient abuser de mon enfant. Il couvre sa bouche et la menace de ne rien dire à personne ». Ce cas de violence sexuelle s’est produit en Mars, au moment où Madagascar est entrée dans l’état d’urgence sanitaire. Ces mauvaises pratiques sont devenues courantes pour l’auteur du viol.

La peur et la pauvreté conditionnent la dénonciation des viols

Les effets de l’état d’urgence se sont lourdement pesés.  L’insuffisance des revenus a fait que les deux foyers, celle de la victime et celle de l’auteur, ont dû cohabiter. La voie est encore plus libre pour ce dernier. Même attrapant son mari en flagrant délit, la femme n’ose rien dire, par peur de briser son couple et de ne plus avoir de revenu stable. La mère de son côté, submergée par ses occupations, ignore ce qui est arrivé à sa fille. L’état de santé de la victime s’est dégradé, elle ne pouvait plus marcher. C’est une odeur nauséabonde se répandant dans la maison qui capte l’attention de Tiana. Mais sa petite fille de dix ans a gardé le secret, peur de représailles de l’auteur. Elle a été conduite chez le médecin pour se soigner, au CSB II Itaosy, selon le choix de la famille. La consultation médicale a tout révélé. Le médecin n’a osé prendre en main les soins du patient et l’envoie auprès du Centre Vonjy à Befelatanana. Les moyens manquaient. Deux mères de famille ont cotisé pour que Tiana puisse se rendre au centre.

Le 23 Mai, la famille arrive au Centre Vonjy. Porter plainte contre le violeur est l’une des conditions requises. La mère hésite vu qu’il s’agit de son beau-fils. Or, le centre refuse toute prise en charge sans plainte, ce qui la laisse sans choix. La victime a bénéficié d’une prise en charge intégrée qui inclut une prise en charge médicale et psychosociale.

Nombre de plaintes en baisse dû à l’absence des moyens de transport

Depuis le 19 Mars, l’état d’urgence sanitaire est déclaré sur toute l’île. Le 22 Mars, dans son allocution, le Président de la république déclare que la région Analamanga et Atsinanana seront confinées pendant 15 jours. Parmi les mesures prises, les circulations des transports en commun urbain et les lignes nationales desservant les régions depuis Antananarivo sont suspendues. Les bus, les taxis et taxi-brousse sont interdits à la circulation. Seuls les transports de marchandises sont autorisés. Tout le monde doit rester chez lui. Une seule personne par foyer est autorisée à se déplacer pour faire les courses, de 6 heures du matin à midi.

Certes, le confinement a affecté le nombre de plaintes reçues au Centre Vonjy. Le Dr Dominique, Coordinateur du centre explique que « le nombre de cas enregistrés a diminué jusqu’à 32 le mois d’avril, alors que cela fait état de 79 cas par mois en temps normal. » Selon son point de vue, les parents n’ont pas pu amener leurs enfants au centre en l’absence de moyens de transport, ces enfants ne peuvent non plus marcher à pied. Le mois de Mai, 55 cas enregistrés, un phénomène dû à la réouverture des transports. Cependant, « Nous pouvons également dire que le confinement a réduit les cas de viols sur mineurs », confie-t-il. Restés chez eux, les parents ont pu surveiller leurs enfants.

Manque de ressources, arrestation attardée

Le vendredi 12 juin, « » nous appelle. La mère et l’enfant victime sont menacées par la famille du violeur. D’un autre côté, les voisins réclament que l’on arrête l’auteur de l’acte. « Le Centre Vonjy nous a expliqué que les frais des agents qui vont effectuer l’arrestation nous revenait », déplore Tiana. Le trajet en taxi de la maternité Befelatanana – Ampatolampy Avaratanana – maternité s’élève à 50 000 Ariary. « M et une amie » ont cotisé, mais ladite somme n’étant pas réunie, l’arrestation ne pouvait donc se faire.

Les voisins de Tiana portent donc plainte contre elle, pour avoir hébergé un violeur d’enfant. Désemparée, elle ne sait quoi faire : Les voisins contre elle, le frais des agents pour l’arrestation non payé et sa fille n’est pas encore totalement guérie. Auguste Rasolofonjatovo, Directeur de l’enfant et de la famille, auprès du Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion des Femmes, explique qu’une branche du ministère s’occupe de la prise en charge des victimes de viol, incluant tous les frais nécessaires. Cette direction est située à Manjakaray. Dr Dominique, Directeur Adjoint Technique au CHU GOB et coordinateur du Centre Vonjy, explique que c’est l’assistance sociale qui détermine si la victime doit passer auprès de cette direction ou non. Tiana est revenue demander de l’aide auprès du centre, mais elle n’a pas été envoyée auprès de la Direction Régionale de la population à Manjakaray.

Le 15 juin, nous rencontrons Alida Ramanandraisoa, Chargé d’étude de projet auprès de la Direction Régionale Analamanga. « C’est l’Unicef qui est la source de financement du projet du ministère portant sur la prise en charge des enfants victimes de viol », explique-t-elle. Le ministère se charge donc des soins médicaux des victimes, des frais de déplacement de la famille et de la victime et des dépenses relatifs à l’arrestation du violeur. Grace à notre contribution, Tiana et sa fille rencontrent Alida ce lundi 15 juin. L’enquête reprend dès le début, et deux assistantes s’occupent d’elles. Le ministère s’est entièrement chargé de l’affaire : Un psychologue prendra particulièrement en main l’enfant, ses soins médicaux se poursuivront et c’est la Police des Mœurs et de la protection des mineurs qui se chargera de l’arrestation.

Donner des informations nécessaires sauvera la survivante

« C’est le centre Vonjy qui doit orienter les victimes vers la direction régionale Analamanga sise à Manjakaray », confirme Rasolofonjatovo Auguste. Pour lui, l’affaire d’Ambatolampy Avaratanana a été confrontée à un problème de communication et rien d’autre. Alida Ramanandraisoa affirme que la direction régionale s’occupe des plus nécessiteux dans de telles affaires. Toutefois, « on évite les campagnes médiatiques afin d’éviter un excès de demandes que nous ne pourrions répondre par la suite et pour éviter tout acte profiteur », dit-elle.

Le manque d’informations et de renseignements empêche un simple citoyen de décider des mesures à prendre face à un viol. Jusqu’à ce jour du 23 juin, l’arrestation n’a été effectuée. Les subventions de la part des partenaires techniques et financiers du ministère sont vivement attendues, or cette affaire a eu lieu en mars 2020. Sans aides financières de l’extérieur, ce cas de viol serait resté impuni et la victime ne serait emmenée ni au Centre Vonjy, ni à la Direction régionale de Manjakaray.

Les responsables du fokontany attendent également une collaboration de la part de la famille de Tiana. « Cette famille nous a caché cette affaire. Sans le signalement effectué par ses voisins, ce cas de viol aurait pu être inconnu jusqu’à présent », explique Madame Olivia, le chef fokontany d’Avaratanana Ambatolampy. « Il ne faut pas hésiter à informer le fokontany dans de telles situations », continue-t-elle. Le fokontany dispose d’agents appelé « Fiantso », des gens auprès de qui on peut se confier. L’arrestation de l’auteur de l’acte est toujours en attente.

Chacun a une part de responsabilité

La population d’Avaratanana est bien au courant de la loi en vigueur. Le signalement de tous cas de viol est incontournable. La population locale ne tolère aucune forme d’abus ou de violences pédosexuels.  Et encore, l’idée de voir le violeur libre dans la communauté les trouble. C’est pourquoi, malgré la situation désolante de Tiana, il a fallu porter plainte afin de préserver l’avenir des jeunes enfants de ce fokontany.

« C’est le deuxième viol effectué par le même auteur », confie le chef fokontany. Lors du premier cas, la famille de la victime n’avait pas de ressources financières pour poursuivre leur requête, voilà pourquoi il n’a pas été arrêté. Ces informations ont surgi lors du traitement de ce dernier cas. Inquiète, la population demande le départ de la famille, mais le ministère de la population les rassure en garantissant que la situation est entre de bonnes mains et que le violeur ne pourrait s’échapper cette fois-ci.

La baisse de cas de viols recensés ne peut se traduire par l’absence de ces pratiques pédosexuelles dans la communauté. L’assistance aux enfants victimes de viol pendant la période post traumatique est autant importante que la punition de l’auteur de l’acte. Il est du devoir de la communauté de soutenir la victime et sa famille, aider l’enfant abusé à revivre, à reprendre goût à la vie, et surtout à ne pas oublier ses rêves d’enfant. La lutte contre le viol sur mineurs exige une mise en œuvre d’un plan d’action coordonnée au niveau national par la promotion des valeurs non violentes, visant à modifier les attitudes qui tolèrent la violence à l’encontre des enfants.

[1] * Surnom pour préserver l’anonymat

[2] Surnom


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