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Bamako, 8 mars : Faire la fête certes, mais tout en espérant que ce ne sera nullement la défaite face aux nombreux défis que rencontrent les femmes maliennes et celles du monde entier dans leur combat de tous les jours pour une reconnaissance pleine et entière de leurs droits, de tous leurs droits.
Cette lutte ne date pas d’hier. Des ouvrières américaines du textile ont donné le ton dès 1857 à New-York. Au début du 20ème siècle, aux Etats-Unis et en Europe, les femmes se battaient pour dénoncer les discriminations au travail, pour l’amélioration de leurs conditions de vie et pour l’obtention du droit de vote. Depuis, il y a certes eu des progrès, notamment dans la prise de conscience de la réalité des conditions de la femme. C’est pourquoi aujourd’hui encore, la Journée internationale de la Femme reste d’une brulante actualité.
Chaque année, le 8 mars, et ce depuis 1977, est l’occasion de manifestations à travers le monde visant à faire un bilan sur la situation des femmes, à fêter les victoires et les acquis, à faire entendre leurs revendications, afin d’améliorer leur situation.
Pour 2016, le thème de cette Journée internationale est un appel vibrant lancé par ONU Femmes intitulé : «Planète 50-50 d’ici 2030 : Franchissons le pas pour l’égalité des sexes». À cette occasion, l’Organisation des Nations Unies a mis l’accent sur les moyens d’accélérer l’agenda de 2030, sur la création d’un élan pour l’application effective de nouveaux objectifs de développement durable, des nouveaux engagements dans le cadre de l’initiative «Franchissons le pas d’ONU Femmes et d’autres engagements existants sur l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et les droits des femmes.»
Nul doute que la femme malienne est une battante, hier comme aujourd’hui. Ces trois dernières années, les Maliennes ont payé un lourd tribut dans la crise sécuritaire qu’a connue le pays. C’est pourquoi elles méritent toute l’attention des autorités et des partenaires pour leur permettre de s’éloigner de ces souvenirs sombres et aspirer à un avenir plus lumineux d’autonomisation.
Une Malienne qui sert d’exemple aux autres femmes par le biais de l’émulation est Traoré Oumou Traoré, entrepreneure en agro-alimentaire et restauratrice, qui s’est bâtie une solide réputation d’excellence avec son restaurant-école «La Vieille Marmite » à Bamako.
A l’occasion de la célébration de cette Journée de la Femme, elle s’autorise à inviter les décideurs nationaux, les organisations féminines et les partenaires techniques et financiers du secteur de la promotion de la femme à se diriger vers des schémas plus pragmatiques par rapport à l’autonomisation des femmes. «Il s’agit pour nous de nous intéresser à la femme d’en bas pour l’aider à grimper les marches de l’échelle et avoir toutes ses chances,» dit-elle.
Elle pense à la vendeuse de beignets, qui se lève chaque matin et qui voit les élèves défiler devant son commerce avant d’aller à l’école, à la vendeuse de fruits qui change le contenu de son étal selon les saisons, à la vendeuse de sandwichs et de brochettes, à tous ces petits restaurants tenus par des femmes. «Chacune d’elle joue un rôle socio-économique important. Ces femmes sont loin de la portée de nos différentes politiques de promotion de la femme. Or, elles méritent l’attention de tout le monde. Une petite attention à leur endroit leur procurerait un brin d’épanouissement personnel et dans leur commerce. La majorité d’entre elles sont des femmes déscolarisées mais élevées à se prendre en charge et à prendre en charge des familles entières. J’en appelle urgemment à une politique publique pour les aider, les encadrer et les accompagner afin que leur autonomisation soit réelle ».
Elle est d’autant plus convaincue de ce qu’elle avance car elle évolue dans un monde d’hommes, à savoir la restauration. «En créant le restaurant-école La Vieille Marmite, j’ai fait des émules dans le secteur à Bamako. On compte, aujourd’hui, dans notre capitale plusieurs petits restaurants et échoppes alimentaires, tenus par des femmes, qui offrent des services de qualité dont le mode buffet. C’est bien là un gage de progrès pour le Mali ».
Elle estime qu’il ne faut pas se contenter de regarder les établissements «haut de gamme». Il faut penser aux petites échoppes tenues par des vendeuses. «Il faut leur assurer l’encadrement nécessaire pour qu’elles relèvent deux défis: l’hygiène et l’assainissement dans la restauration au Mali. Ce sera la meilleure façon de coller à l’esprit du thème de cette Journée internationale».
Traoré Oumou Traoré ne regarde pas que du côté de la restauration mais du secteur informel dans son ensemble. «Elles sont nombreuses les Maliennes qui, ces derniers temps, emplissent les artères de la capitale pour améliorer notre cadre de vie, notre hygiène et l’assainissement et promouvoir l’économie de base. Elles sont à encourager, à féliciter et à être soutenues. Le secteur informel occupe une large place dans notre économie et les femmes maliennes y contribuent pour une grande part. Nous ne gagnerons jamais les défis si nous ne faisons pas face avec courage et si nous ne sommes pas exposées à la formation. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé un restaurant-école. C’était pour transmettre le savoir à d’autres femmes et faire des émules».
C’est cette exigence de qualité qui a permis à cette forte femme de remporter de nombreux prix en Afrique et ailleurs. Le dernier en date, c’était le 25 octobre 2014 à Paris. Ce jour-là, Traoré Oumou Traoré a reçu l’International Star for Quality dans la catégorie Platine, trophée marquant la qualité de son restaurant-école «La Vieille Marmite» et décerné par Business Initiatives Directions, organisation internationale orientée vers la promotion de la culture de la qualité et l’amélioration continue au sein des entreprises et des organisations du monde entier par l’octroi de prix.
«Cette distinction n’est pas qu’une reconnaissance internationale pour moi mais pour le Mali dans son ensemble. A travers ce prix, ce sont les qualités de leadership et managériales de la Malienne que je suis qui sont reconnues. Ce prix valorise et honore un savoir-faire, j’allais dire une vision, celle du restaurant-école ‘La Vieille Marmite’, entreprise commerciale certes mais aussi formatrice des jeunes». Elle se dit disposée à continuer à aider ses sœurs maliennes dans leurs démarches d’autonomisation. Une initiative qui devrait être soutenue avec force par les autorités maliennes.
Bokoum Abdoul Momini est journaliste à l’Observateur du Mali Militant et activiste des droits de l’Homme. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.