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Après plus d’un demi-siècle d’indépendance et 13 élections législatives, où en est la situation des femmes à Maurice en politique ?
Certes la République de Maurice a fait preuve de progrès démocratiques fulgurants, si bien que, depuis 1968, il s’agit d’un des seuls Etats africains gardien d’une véritable stabillté politique et d’un système démocratique fiable et performant.
Un élan démocratique encourageant d’une part, mais un échec politico-social de l’autre : où sont les femmes en politique ?
En effet, il a fallut attendre les élections législatives de 1976 pour voir la première femme devenir membre du gouvernement mauricien : Madame Radha Poonoosamy, Ministre des Droits de la Femme et de la Protection des Consommateurs. Malgré des améliorations notables, parmi elles la loi sur le gouvernement local de 2011, qui, grâce à l’action et au plaidoyer de Gender Links, a introduit au niveau des collectivités locales un nouveau quota de genre selon lequel pas plus des deux tiers des candidats du groupe ne doivent être de même sexe. Si l’échelle locale s’est féminisée, le constat, notamment au niveau national, reste flagrant et les chiffres inquiétants : Maurice n’a jamais compté plus de 5 femmes ministres au sein d’un gouvernement. Aujourd’hui encore, les femmes demeurent largement sous-représentées dans la vie politique mauricienne. En 2023, seulement 20% des sièges au Parlement et 14,3% des ministères étaient occupés et dirrigés par des femmes (source : UN Women, 2023).
Ce phénomène est largement du à une conception masculiniste et stéréotypée de la société mauricienne. Ces mentalités traditionnalistes enferment les hommes et les femmes dans des rôles sociaux pré-déterminés, en empêchant l’émancipation des femmes et en renforçant les rapports de domination où les postes clefs du pouvoir demeurent accaparés par les hommes. Les préjugés sexistes sont encore structurels dans la société, si bien qu’il est possible de remarquer que les seuls postes de pouvoir auxquels les femmes ont eu accès jusqu’à présent sont des postes reproduisant les stéréotypes de genre : les femmes (bien qu’elles n’aient pas été nombreuses) ont été Ministres des Droits de la Femme, Ministres de la Santé, Ministres de l’Egalité des genres, du Développement des Enfants et du Bien-être de la famille… mais aucune n’a jamais été Ministre des Finances ou bien Ministre de l’Intérieur ou de la Défense, fonctions traditionnellement associées aux hommes.
Malgré l’engagement du gouvernement mauricien au regard des problématiques de genre et d’égalité des sexes par la ratification de textes internationaux tels que la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF) ou le Protocole à la Charte africaine relatif aux droits de la femme en Afrique, les mauriciennes demeurent largement marginalisées, et le champ politique en est un excellent révélateur. Il est important de rappeler que le droit d’occuper tous les postes publics ainsi que celui d’exercer toutes les fonctions publiques est un droit universel, non-genré. Plus qu’assurer les droits des femmes, il s’agit ici de préserver les droits humains. Il est temps que l’égalité entre les femmes et les hommes, inscrite dans la Constitution mauricienne devienne une réalité. La société mauricienne a en effet beaucoup à gagner de l’intégration et de la participation des femmes dans la vie politique et démocratique. Elles, qui comptabilisent plus de la moitié de la population du pays, sont de véritables ressources que la société gagnerait à intégrer et à utiliser. Les femmes peuvent apporter, au même titre que les hommes, leurs compétences et leur expertise au débat public et contribuer à faire avancer la société, les droits de toutes et tous et à consolider la stabilité politique, afin de faire de Maurice une démocratie participative riche et inclusive.
En définitive, l’enjeu, depuis 1968 et encore plus en 2024, est de ne plus faire des femmes politiques à Maurice une exception. Gender Links, dans la continuité de son projet 50-50 lancé en 2020 pour défendre la parité, notamment les cercles politiques, organise ce samedi 30 mars 2024 un nouveau Symposium axé sur l’intégration et la participation des femmes dans la prise des décisions politiques, “Democratic Consolidation: Women’s Agency, Voices and Perspectives”. Le combat continue.
Margaux Benigno
GENDER LINKS MAURICE
Comment on Mau: Etat des lieux de la représentation des femmes en politique