SHARE:
La crise sociopolitique l’a forcée Á prendre une décision qui a modifié le cours de son existence. Elle a abandonné l’artisanat pour se lancer dans le service traiteur. Un talent que Hajatiana Rakotoarivelo possède et qu’elle mettait sporadiquement en pratique.
Comme elle, ses anciennes employées ont dÁ» aller chercher de l’embauche du côté du secteur informel. «La plupart d’entre elles veulent vendre des marchandises dans les rues de Tana comme les marchands ambulants qui étouffent déjÁ la capitale. Mais je ne peux les en empêcher car c’est dur de trouver un financement pour monter sa propre entreprise et surtout tenir la distance », souligne Hajatiana Rakotoarivelo, qui regrette amèrement cette situation mais qui ne peut rien faire car ses clients étrangers ont disparu.
D’autres femmes entrepreneurs se sont lassées de cette situation qui ne les favorise pas, Á l’instar d’une gérante de parfumerie de luxe, qui arrive encore s’en sortir avec les fêtes qui se sont succédé, notamment la Saint-Valentin. Mais elle trouve que les affaires ne sont plus ce qu’elles étaient.
Beaucoup de ses consÅ“urs ont dÁ» liquider leurs commerces et se tourner vers d’autres activités plus lucratives telles que la restauration, la coiffure, la téléphonie, secteurs non affectés jusqu’ici par la crise actuelle.
Faneva Manitra, détentrice d’une maîtrise en gestion, ancienne employée d’une agence de voyages, était au chômage technique durant les trois derniers mois. Si bien qu’elle a dÁ» se lancer dans des activités de taxiphones qu’elle juge pourtant «dégradantes ». Mais elle n’a pas le choix. Aujourd’hui, elle possède quatre étals et cette activité informelle l’aide malgré tout Á joindre les deux bouts car elle vit seule. «J’espère que cette activité sera temporaire et que mes employeurs me reprendront une fois que la saison touristique reprend », avance-t-elle.
La crise sociopolitique constitue un sérieux désavantage pour les femmes entrepreneurs malgaches qui ont pourtant déjÁ acquis une notoriété aussi bien nationalement qu’internationalement.
La femme malgache a l’avantage d’apprendre facilement. Bao Rasamimanana, qui est Á la tête de «Festissimo », entreprise qu’elle a crée et qui est spécialisée dans l’organisation de fêtes foraines, confirme que la femme malgache est déterminée Á réussir. C’était particulièrement visible il y a quelques années quand des femmes entrepreneurs, regroupées au sein de l’association «Entreprendre au féminin Á Madagascar », ont réussi Á faire parler d’elles Á Madagascar et dans la région.
Mais toutes celles de l’association qui étaient dans l’hôtellerie, le tourisme et l’artisanat n’ont pas survécu. Si bien qu’aujourd’hui, par peur d’échouer et avant même d’avoir essayé, beaucoup de femmes malgaches se ruent vers le secteur informel. «Monter sa propre affaire n’est pas conseillé en cette période d’instabilité politique. Autant vivre au jour le jour avec 2000 Ariary, soit un dollar américain, dans la poche pour subvenir aux besoins de sa famille », confesse Ndrinarivelo Mija, marchande ambulante de jeans. Elle joue Á cache-cache avec la police municipale qui interdit actuellement toute vente en dehors des marchés communaux.
On a beau crier sur tous les toits que le concept du genre doit être pris en compte vu que Madagascar a signé le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement mais la situation restera inchangée tant qu’un leadership politique fort n’émerge pour renverser cette tendance.
Quelques faits
Une étude de l’Institut de Recherches pour le Développement (IRD), rendue publique en 2005, a démontré que les femmes malgaches sont impliquées dans des activités domestiques depuis leur jeune âge. En fait, beaucoup de jeunes filles vivant dans les campagnes ne sont pas encouragées Á poursuivre leur scolarité. Elles sont ‘réservées’ pour être envoyées comme domestiques chez des familles aisées vivant dans les grandes villes. Une situation, qui selon cette étude, empêche la jeune fille qui deviendra adulte, d’envisager de monter sa propre entreprise et de se faire sa place dans le secteur formel.
Cette étude a aussi révélé qu’en milieu urbain, moins de 20% des personnes en activité professionnelle sont des femmes alors qu’Á Madagascar, tant en milieu rural qu’urbain, les femmes représentent environ la moitié de la population active et que plus de 70% des femmes des régions urbaines âgées entre 20 Á 54 ans sont considérées comme actives, selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 2004.
Une enquête de Rabenoro, enseignante et chercheuse Á l’université d’Antananarivo, qui a fait paraître un livre sur le sujet en 2002, souligne que la diversification des emplois en milieu urbain Á Madagascar s’est faite en défaveur des femmes.
Selon des enquêtes réalisées en 205 sur l’emploi du temps Á Madagascar, les tâches domestiques sont le plus souvent assurées par des femmes et cette disparité est la même dans les deux milieux. Les femmes consacrent entre trois et quatre fois plus de temps aux activités domestiques (corvées d’eau et de bois comprises) que les hommes (3,5 fois en milieu urbain et 3,3 en milieu rural).
Fanja Saholiarisoa est journaliste en freelance Á Madagascar. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Artisanat: les femmes malgaches condamnées Á rester dans le secteur informel