Barrack Obama apporte une touche de marron Á  la politique mondiale


Date: January 1, 1970
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Papier d’opinion de Colleen Lowe Morna sur Barrack Obama qui n’est ni Blanc, ni Noir mais qui représente la couleur du futur.

Barrack Obama apporte une touche de marron à la politique mondiale
 
Jusqu’à quel point Barrack Obama est noir? C’est une question que les Africains, de même que les descendants d’Africains, se sont posés tout au long de la campagne électorale et se poseront encore maintenant qu’il est en route pour la Maison Blanche. La réponse est qu’il n’est ni noir, ni blanc. Il est marron et c’est la couleur de l’avenir, du futur.
 
Comme l’a fait remarquer un analyste de Cable News Network, seuls 30% d’Américains sont des Blancs purs et un plus petit pourcentage de Noirs encore est de sang pur. Tapant toujours dans le mile, le caricaturiste sud-africain Zapiro a dépeint un bouillant Obama étreignant un monde dans lequel sa mère était Américaine blanche, son père, un Noir du Kenya, et qui a grandi lui-même grandi en Asie et en Polynésie.
 
Il sera en effet le premier président afro-américain à occuper la Maison Blanche. Mais après un George Bush qui n’a voyagé qu’une seule fois hors des Etats-Unis au Mexique avant d’être élu président et une Sarah Palin qui a espéré être une vice-présidence croyant sincèrement que l’Afrique est un pays, ce qu’Obama offre, c’est une vision du monde un tout petit peu plus large que celle à laquelle la politique étrangère américaine nous avait habitués jusqu’ici.
 
En tant que mère sud-africaine de deux filles métissées tant de races que d’origines, la couleur marron m’a longtemps fascinée. Il y a quelques années, Waterford/Kamhlaba (l’école où j’ai fait mes études et qui est aussi l’école sur la colline au Swaziland qui a été la pionnière de l’éducation raciale mixte alors que l’apartheid sévissait toujours en Afrique du Sud) m’a demandé d’écrire un article sur ce qui avait changé durant les 25 années impaires au cours desquelles j’y étais scolarisée et où j’ai décidé d’envoyer mes filles même après l’instauration de la démocratie en Afrique du Sud.  J’ai choisi d’écrire un article sous forme de lettre adressée à mes deux filles sur la chance qu’elles ont d’être nées métisses et marron, couleur du futur.
 
Je suis issue d’une famille de Sud-Africains Blancs qui ont grandi dans des maisons plus ou moins classiques. Mon père venait d’une famille de possédants alors que ma mère tenait plus ses racines de la classe ouvrière. Leurs familles étaient des racistes enragés. En tant que jeunes idéalistes qui se sont rencontrés à l’Université de Natal dans les années 50, ils étaient parvenus à la conclusion que la seule façon d’extraire le racisme de leur sang était de s’immerger dans la vie communautaire simple de l’Afrique rurale.  
 
Une occasion s’est présentée à eux sous forme de postes à remplir au sein d’une organisation missionnaire chrétienne dans une partie reculée de la Rhodésie du sud, qui, croyaient-ils, n’allait pas tarder, tout comme la Rhodésie du nord (Zambie) et le Nyasaland (Malawi) à obtenir son indépendance. Pendant que leurs enfants grandissaient, parlant le dialecte local et faisant leur chemin à travers le système éducatif noir orienté de telle sorte que seul un étudiant sur huit atteigne l’école secondaire, mes parents s’impliquèrent dans la lutte pour la libération du Zimbabwe au point d’être déportés au Botswana en 1976, année de plusieurs soulèvements politiques dans la région.
C’est comme cela que mon frère et moi nous sommes retrouvés (boursiers) à Kamhlaba, qui  en isiSwati, dialecte local, signifie «petit monde».  A un moment, il y avait une ambiguïté dans mes sentiments. C’était un petit monde mais également artificiel. Oui, les enfants des riches et des puissants, les Oppenheimer et les Mandelas auraient pu fraterniser et faire cause commune dans ce refuge si proche et pourtant si loin de la folie qui nous entourait. Mais à la minute où nous traversions la frontière pour gagner l’Afrique du Sud, chacun partait de son côté.
 
Quelques années plus tard, j’ai rencontré, à l’Université de Princeton aux Etats-Unis et dans des circonstances conflictuelles, mon futur mari, un Ghanéen. Président de l’Union des Etudiants Africains qui avait participé activement à une campagne anti-Afrique du Sud, il s’opposait aux autorités universitaires pour avoir accordé une bourse à un Rhodésien Blanc.
 
Les collègues afro-américains éprouvaient des difficultés encore plus grandes pour décider de la façon de traiter avec un Africain Blanc. La situation s’est aggravée du fait qu’au fil du temps et comme j’obtenais la reconnaissance au sein de l’Union, les étudiants africains insistaient pour dire qu’à part la couleur de ma peau, j’avais davantage de choses en commun avec eux qu’avec leurs cousins américains.
Durant mes quatre années d’études aux Etats-Unis, ma plus grande zone de réconfort était la cuisine de l’université où je travaillais pour suppléer à ma maigre allocation d’étudiante. Désireux d’instaurer des liens avec le continent africain, des Afro-américains de la classe ouvrière tels que le chef Jim Saunders et Minnie Somers, ma directrice d’études, m’ont ouvert leurs cœurs et leurs maisons, créant ainsi des liens durables s’élevant bien au-dessus des étroits confins de la race.
 
Quand j’ai été faire la déclaration de naissance de ma première fille au Zimbabwe en 1984, sur le formulaire, il fallait indiquer la race de la mère, celles du père et de l’enfant. Dans chaque case, j’ai écrit «Africain». Le jeune bureaucrate noir assis derrière le comptoir m’a poliment demandé de modifier ce mot et de mettre à la place « Blanc », «Noir» et «Métisse». J’ai répliqué en disant que s’il fallait le changer, qu’il écrive «humain», «humain» et «humain ».  Il a expliqué que cette catégorie là ne figurait pas sur le formulaire.
 
Dix ans plus tard, quand j’ai redécouvert mes racines sud-africaines (bien qu’ayant peu ou aucune connexion avec mes parents Blancs parsemés à travers le pays), ma fille aînée a entendu deux de ses collègues dire alors que son père la déposait à l’école, qu’elle n’est «pas vraiment métissée car son père est Noir».  Comme mon mari s’était assuré que nos filles puissent obtenir les nationalités sud-africaine et ghanéenne, nous avons alors décidé de les envoyer à Kamhlaba où nous espérions qu’elles auraient une vision plus élargie du monde que celle en vigueur dans la nouvelle Afrique du Sud post apartheid.
 
Je me rappelle écrivant dans mon article pour le Kamhlaban (réfléchissant sur ce qui avait changé durant le quart de siècle écoulé) que si vous prenez le métro à New York ou à Londres, ce serait dur de trouver un visage de n’importe quelle race pure.
 
Je me suis souvenue aussi qu’au cours des discussions animées que mon père avait souvent avec mon grand-père maternel à propos de la plus grande phobie de ce dernier – ses petites filles épousant des Noirs – que mon père avait l’habitude de dire que si le Tout-Puissant ne l’avait pas voulu ainsi, Il n’aurait pas créé la magnifique couleur marron de ce métissage.
 
Si tout ce que Barrack Obama réussit à faire est de nous montrer qu’entre le noir et le blanc racial et politique, il y a la couleur marron dans laquelle vous pouvez célébrer vos racines africaines, tout en rendant hommage à la mère et la grand-mère blanches qui vous a élevé, sans jamais être traité de «Oréo » (vous savez, le biscuit au chocolat noir avec un centre blanc crémeux), il aura rendu un immense service au monde. C’est pour cette raison, je le sais, que ma famille et moi, nous resterons scotchés au téléviseur tout au long de sa présidence.
 
Colleen Lowe Morna est la directrice exécutive de Gender Links. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de GL qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.
 
 
 


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