Deux avocates remettent en question une décision du Chef juge mauricien


Date: July 8, 2010
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Les deux avocates se sont exprimées publiquement dans les médias. Elles ont toutes deux écrit des lettres ouvertes au Chef juge Á  ce sujet. Mme Banymandhub-Boolell exerce au barreau depuis plus de 25 ans. Elle est Á  la base de la création de la première firme d’avocats spécialisés dans l’offshore depuis une dizaine d’années. Son entreprise emploie une douzaine de légistes et une trentaine d’employés.

En outre, elle a effectué plusieurs recherches légales ayant conduit Á  la publication de deux ouvrages d’importance capitale pour les légistes. Dans sa missive, elle réclame plus d’égalité des chances. «Dans ma lettre, je parle de mes confrères contre qui je n’ai aucun grief. Je parle du système de la justice et du Chef juge et je n’ai rien contre lui. Et parmi ceux qui ont été choisis, il y a mon mari et c’est assez délicat comme situation. C’étaient des facteurs qu’il fallait prendre en considération mais, malgré cela, il fallait dire que ce qui venait d’être fait n’était pas normal », explique-t-elle dans un entretien de presse. Poursuivant l’avocate estime qu’Á  son avis «le Chef juge a commis une injustice ». Selon elle, sa démarche n’est pas liée Á  son cas personnel mais Á  tous ces légistes, hommes comme femmes, qui n’ont pas eu de réponses Á  leurs interrogations légitimes Á  propos de leur promotion éventuelle.

L’avocate, Pramila Patten, qui compte 28 ans au barreau mauricien, déplore, pour sa part, que des femmes n’aient pas été nommées Senior Counsels. Elle est une des militantes des droits de la femme qui a apporté de nombreuses propositions d’amendements aux lois contenant des clauses discriminatoires envers les femmes. De plus, Me Patten est experte des Nations Unies en matière de Droits de l’Homme et en genre. «C’est un fait qu’aujourd’hui, un nombre impressionnant de femmes a rejoint la profession légale. Cette augmentation de la participation de la femme reflète des changements sociaux importants et des perceptions du rôle de femme dans la société. Cependant, je note avec regret qu’en 2010, les avocates dans Maurice continuent Á  être absentes sur les échelons élevés de notre profession légale », explique t-elle dans sa lettre ouverte adressée au Chef juge, Bernard Sik Yuen. « A mon humble avis, l’absence évidente de femmes parmi les 16 avocats que vous avez recommandés, ne peut que mener Á  la perception d’un processus de sélection imparfait et discriminatoire », soutient Me Patten.

Mardi dernier, lors de la cérémonie d’élévation des avocats nominés au rang de Senior Counsels, le Chef juge, Bernard Sik Yuen, a affirmé que les critères entourant cet exercice seront publiés sur le site de la Cour Suprême.

La nomination de ces Senior Counsels a suscité plusieurs réactions. Pour Paula Atchia, présidente de Women In Networking, «c’est une injustice que subissent encore une fois les femmes. Je ne connais pas cette profession. Mais il y a deux membres qui disent que les femmes n’ont pas été nommées. En tout cas, pas avec les mêmes facilités que les hommes. A première vue, cela parait injuste. Cela concerne toutes les femmes professionnelles de Maurice ».

Tandis que Lindsey Collen du Muvman Liberasyon Fam(MLF) estime que le système judiciaire est l’un des secteurs presque exclusivement masculins. «Au MLF, on trouve assez étonnant qu’il n’y ait pas de femmes sur la liste des Seniors Counsels. Peut être que le système judiciaire est l’un de ces bastions où il est facile de ne pas remarquer l’absence des femmes au plus haut niveau, même s’il y a des femmes magistrates ou juges. La nomination des Seniors Counsels prouve que c’est un terrain pour les hommes », explique-t-elle.

Me Urmila Banymandhub-Boolell a affirmé qu’elle n’est pas en guerre contre le système judiciaire mais que ses démarches ont portés leurs fruits. Elle aura obtenue un soutien de taille. Celui de son époux, Me Satyajeet Boolell, Directeur des poursuites publiques, lui-même promu Senior Counsel, qui affirme : « Je respecte la cause que défend mon épouse. Elle est une professionnelle Á  part entière. Je respecte sa cause et les arguments qu’elle a avancés. Elle a autant de mérite, sinon plus que moi. Je la soutiens entièrement. On ne parle pas des gens mais d’un système. Le Chef juge a répondu en partie Á  ses questions. Tout cela fait que nous vivions dans un système très démocratique ».

Grâce Á  ces deux femmes, on a pu connaître les critères pris en ligne de compte pour les promotions dans le système judiciaire. Le Chef juge soutient que les «guidelines » pris en considération pour la nomination d’un Senior Counsel sont publiés sur le site web de la Cour suprême. Ces critères sont, entre autres, l’expérience, l’intégrité et la compétence. Pas de quoi rendre les femmes avocates dont les deux protestataires moins méritantes pour l’obtention de cette promotion.

Il y a fort Á  parier que les avocats hommes n’auraient jamais eu le courage de remettre une décision du Chef juge en question, préférant rouspéter tout bas plutôt que de dire ce qu’ils pensent tout haut.

Jimmy Jean-Louis est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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