Elections mauriciennes: un autre recul pour les femmes dans les Parlements des pays de la SADC?


Date: May 25, 2010
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Cet alignement constitue une claque non seulement pour les activistes du genre mais aussi pour la démocratie du genre. Il semblerait que Maurice ne progressera pas au-delÁ  des 17% de femmes parlementaires comme c’est le cas actuellement. Ce type de stagnation constitue une tendance inquiétante en Afrique australe. Selon le Inter-parliamentary Union, les élections de 2009 en Namibie ont vu ce pays descendre Á  26.9% de représentation féminine au Parlement alors que le pire a été au Botswana qui a reculé de 11% Á  7.9% de représentation féminine.

A Maurice, le MMM prétend être le champion de la démocratie, de la justice sociale et de la justice envers le genre. Aligner huit femmes candidates, soit deux de moins que pour les élections de 2005, c’est une honte, d’autant plus que cela va Á  l’encontre de la Constitution de ce parti.

En effet, la section 15 (v) de la Constitution du MMM datant d’octobre 1998 dit ceci: «En établissant les listes des candidats aux élections générales et municipales, le parti s’efforcera de présenter au moins 20% de femmes ». Si l’on suit la logique de cet énoncé, c’est 12 candidates que ce parti aurait dÁ» aligner et pas huit!

De même, la Constitution du PTr fait mention de l’objectif de 30% de représentation féminine dans toutes les instances dirigeantes, bien qu’elle ne spécifie pas que cela doit être au Parlement. Les 13 candidates alignées par l’Alliance de l’avenir constituent un progrès par rapport aux six candidates alignées en 2005 mais il n’y a pas de quoi se réjouir dans une région qui aspire Á  atteindre la parité!

Je devrais peut-être faire un retour en arrière pour rafraîchir vos mémoires. Maurice est signataire de pratiquement toutes les conventions, déclarations et protocoles ayant trait Á  l’égalité entre hommes et femmes, Á  l’exception du dernier Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui est, selon le gouvernement, contraire Á  la Constitution du pays.

Une de celles signées est la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination Á  l’égard des Femmes (CEDAW) qui vise Á  “mettre un terme Á  l’exclusion des femmes de la politique” et constitue une base pour la réalisation de l’égalité entre hommes et femmes en s’assurant que les femmes aient un accès égal et les mêmes opportunités dans la vie politique et publique, incluant le droit de vote et celui de se présenter comme candidates aux élections ».

En 1997, les chefs d’Etats de la SADC, y compris Maurice, ont signé la Déclaration sur le Genre et le Développement qui mettait l’accent sur l’égalité du genre en tant que droit humain fondamental. Bien que cette déclaration n’était pas obligatoire, elle engageait les Etats membres Á  avoir une représentation féminine de 30% au Parlement d’ici 2005 et mettait aussi l’accent sur «une représentation égale entre hommes et femmes dans toutes les instances de décision ». Et pourtant, où en sommes nous rendus?

Les gens sont si habitués Á  avoir des Parlements dominés majoritairement par les hommes qu’ils se demandent pourquoi il faut avoir davantage de femmes en politique. Ma réponse est la suivante: Cette question est inutile. Aucun pays démocratique au monde, et encore moins celui qui se positionne comme modèle dans la région, ne peut marginaliser 51% de sa population.

Certains pensent Á  tort que les femmes ne peuvent pas faire de bons leaders. Et pourtant, les pays qui brisent les stéréotypes et alignent plus de femmes au Parlement, réalisent de très bonnes performances. Le Rwanda, pays qui a réussi Á  surmonter le génocide, a plus de 50% de femmes au Parlement. L’Afrique du Sud, nation qui a su se départir de l’apartheid et qui demeure le moteur économique de la région, a 42.1% de femmes parlementaires. Ce pays est suivi par l’Angola qui a 37.3% de femmes parlementaires, par le Mozambique avec 34.8% de femmes au Parlement et la Tanzanie avec 30.4% de femmes parlementaires et ce sont tous des pays qui ont d’énormes défis Á  relever mais qui sont en paix et qui bougent vers le progrès et le développement. Maurice se classe dixième, seulement devant la Zambie, Madagascar, la République Démocratique du Congo et le Botswana.

La lutte pour une plus grande égalité du genre Á  Maurice n’est pas nouvelle. Dans son rapport sur la réforme électorale et constitutionnelle de 2001/2002, le juge Albie Sachs écrit ceci : «Maurice peut s’enorgueillir Á  juste titre de l’admiration que suscite sa vie démocratique au niveau international. Elle ne peut cependant lever la tête en termes de représentation féminine dans sa vie politique ». Il ajoute dans son rapport que «la moitié de la population obtenant au final un vingtième de la représentation politique est l’évidence même d’un déficit démocratique grave ».

Avant les élections générales de 2005, les femmes parlementaires étaient de 5.6%. Les activistes du genre, Gender Links et la Media Watch Organisation ont organisé une série d’activités, incluant une marche dans les rues de la capitale, Port-Louis, un atelier de travail avec les partis politiques et un autre avec les représentants des entreprises de presse.

Au cours de l’atelier de travail avec les politiciens, ces derniers ont pris l’engagement d’aligner davantage de femmes candidates, ce qu’ils ont fait, bien que malheureusement, l’objectif des 30% est resté flou. Xavier-Luc Duval, leader du Parti Mauricien Social Démocrate, a souligné la ‘déficience chronique’ occasionnée par la faible représentativité féminine, mettant l’accent sur l’importance de la représentation proportionnelle, de même que des listes de partis favorables aux femmes. Duval s’est même avancé Á  demander: «Pourquoi ne pas avoir une femme présidente ou vice-présidente ou même Speaker de l’Assemblée nationale? »

Au cours d’une séance parlementaire en 2008, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a suggéré l’introduction de quotas pour les femmes. Fait qu’il a répété récemment. Aucune décision n’a été prise cependant et maintenant, nous faisons face Á  des élections subites. Plusieurs personnes, y compris des femmes, sont opposées au système de quotas. Cependant, un tel système est nécessaire pour corriger les déséquilibres actuels.

Une autre stratégie serait une liste zébrée où les partis politiques alignent un candidat suivi d’une candidate, alternant ainsi entre hommes et femmes sur toute la liste et s’assurant qu’il y ait un nombre égal d’hommes et de femmes. Pourtant, cela doit se faire au niveau des partis et si un parti ne peut pas respecter sa propre Constitution, il est improbable que cela fonctionne.

Certains arguent que les rôles multiples des femmes – jongler entre le travail et les tâches domestiques – rendent difficile la participation des femmes en politique. Je me demande si les hommes ne peuvent pas jongler avec des tâches multiples? Pourquoi les hommes ne peuvent-ils pas soutenir les femmes qui veulent entrer en politique? Les femmes ont toujours aidé les hommes Á  entrer au Parlement, pourquoi l’inverse ne serait-il pas possible?

Demandez Á  n’importe quel politicien quelle est la contribution des femmes aux élections et ils diront que les femmes sont les meilleures activistes politiques qui soient. Tout en agissant comme activistes politiques, elles cumulent les rôles, jonglant avec un emploi Á  plein temps et leurs tâches domestiques, tout en réussissant Á  faire élire des hommes.

Bien que les journalistes soient habituellement présents quand les décideurs font des déclarations et prennent des engagements, ils leur demandent rarement des comptes sur leurs manquements. Il est nécessaire que les médias réclament des comptes aux politiques par rapport aux promesses faites.

Les décideurs ont pris leurs décisions pour les élections générales mais l’espoir est encore permis pour les municipales qui auront lieu dans le courant de l’année. Les politiques doivent tenir leurs engagements et faire de l’espace aux femmes. De l’autre côté, les femmes doivent intégrer les partis politiques, travailler sur le terrain, connaître leurs mandants, avoir voix au chapitre au sein de leurs partis et apporter leurs contributions aux manifestes et programmes politiques.

Oui, nous le pouvons. C’est maintenant ou jamais!

Loga Virahsawmy est la directrice du bureau francophone de Gender Links et présidente de la Media Watch Organisation-GEMSA. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 

 

 


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